Tournants et continuités de l’Etat social en France

mercredi 16 mars 2011.
 

Fruit de décennies de recherches, le livre de Yannick Marec est une riche réflexion sur la construction de l’État social en France, de l’Ancien Régime à la crise des années 1930.

de Yannick Marec . Publication des universités de Rouen et du Havre, 2009, 548 pages, 39 euros.

Lors de sa carrière, un chercheur en sciences sociales a l’occasion d’aborder des domaines distincts. Souvent, le lecteur n’en connaît qu’un seul et, découvrant ses autres approches, se pose la question de la logique d’un tel itinéraire scientifique  : est-ce vraiment un ensemble que cette œuvre qui pourrait paraître hétéroclite  ? Ce livre, en autorisant une mise en perspective, permet de répondre sans hésiter. Yannick Marec, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Rouen, est surtout connu pour ses travaux sur l’histoire de la protection sociale. Il a cependant étudié d’autres aspects de la vie des Français à l’époque contemporaine et ses recherches déjà anciennes sur l’usage social de la mesure dès le XVIIIe siècle, notamment des statistiques, montrent à quel point cette question n’a aujourd’hui rien de neuf. L’histoire qu’il pratique est sociale puisque c’est l’évolution de la société qui l’intéresse, culturelle lorsqu’il se penche sur le patrimoine et par la place qu’il accorde aux représentations. Elle est aussi politique dans la mesure où il démêle les origines, les causes, les modalités des politiques sociales, notamment municipales.

De la fin de l’Ancien Régime à la veille de la crise des années 1930, selon des rythmes qui sont largement ceux des protections sociales, c’est-à-dire la manière dont le collectif prend en charge le malheur individuel, le XIXe siècle de Yannick Marec est très large. Cela lui permet l’identification de tournants tout comme la prise en compte des continuités lorsqu’il se penche sur l’assise territoriale des solidarités, autrefois communale (après avoir été paroissiale, donc en une logique assez proche), plus tard nationale dans le cadre de la construction de l’État social, celui-là même que la droite tente de détruire en ce début du XXIe siècle. Vingt chapitres distribués en quatre parties (« Les mesures et les hommes », « Culture et politique », « Des acteurs de la protection sociale », « Histoire et patrimoine de la protection sociale ») reprennent des articles et des communications, mis à jour et renforcés par des documents. La Normandie et Rouen sont particulièrement observés, selon une tradition qui fait que les historiens français parviennent parfois à être ancrés dans l’espace qu’ils prospectent. Ses articles sur Flaubert et Maupassant renvoient donc à une réalité sociale qu’il connaît fort bien. C’est tout l’intérêt d’un tel livre, qui met à la disposition du lecteur des textes malaisés à dénicher, que de montrer en un bilan prospectif la cohérence d’une œuvre. Car c’est l’évolution de la société française vers une République sociale, aux divers sens du mot, que tout au long de ses travaux Yannick Marec met en lumière.

Christian Chevandier

Historien, professeur à l’Université du Havre


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