Et si la révolution revenait dans l’air du temps ? (Tribune de Genève)

dimanche 13 février 2011.
 

Il est, dans l’histoire des sociétés humaines, de longues phases de malaise où les institutions existantes ne font plus l’affaire. Parfois, le malaise devient si aigu - jeunes sans avenir, ménages sans revenus, gouvernements sans efficacité - que de nombreux individus, angoissés jusqu’à la moelle, descendent dans la rue, hurlent leur désespoir, exigent la construction d’institutions neuves.

Un tel éclatement vient de se produire en Tunisie, mais pourrait se produire partout ailleurs dans le monde, Suisse comprise. S’il ne s’y produit pas, ou pas encore, c’est que le malaise y reste flou et latent, sans doute parce qu’il est localement moins profond qu’en Tunisie et que les gouvernements du crû sont habiles à le gérer à la petite semaine, cahin-caha, bricoli-bricola.

Pourtant, même là où un éclatement révolutionnaire se produit, rien ne garantit qu’il conduira à une reconstruction réelle de la société concernée.

En effet, pareille reconstruction postule qu’existent, au préalable si possible, un ou plusieurs récits clairs et cohérents de ce que pourrait être la société post-révolutionnaire.

On peut faire ici une comparaison instructive. Alors qu’en Tunisie, en situation indubitablement révolutionnaire, aucun récit cohérent n’existe encore des institutions dont pourrait, demain, se doter le pays, ce qui est de très mauvais augure, en France, en revanche, où le malaise n’est pas encore révolutionnaire, existent déjà, face à des récits socialistes particulièrement vasouillards, qui ne donnent aucune idée claire de ce qui pourrait se produire si tout changeait à la base, deux récits, eux cohérents :

- Celui de Nicolas Sarkozy, prônant une France et un monde solidement réglementés - étant entendu que récit cohérent ne veut pas forcément dire réalisable, mais au moins voit-on où le président aimerait aller.

- Et à la gauche extrême, le récit de Jean-Luc Mélenchon, auquel je ne saurais souscrire, mais qui est bien ficelé et diablement complet.

Voyez le paradoxe : alors qu’en Tunisie, il y a révolution brute, mais une révolution sans projet, en France et ailleurs, il y a des projets excellemment torchés, mais qui resteront en réserve, car une révolution à la tunisienne n’y est pas probable dans l’immédiat. Il n’empêche, et cela, c’est vraiment nouveau, sous l’effet de la crise planétaire, les utopies cohérentes se multiplient désormais, élaborées pour le cas où.

On dirait que l’idée de révolution, si longtemps honnie, tend à redevenir « in », même chez nous !


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