Bolivie, Tunisie, Egypte... Et nous ?

lundi 14 février 2011.
 

L’insurrection submerge désormais l’Égypte. Le monde regarde tétanisé. Et commente. Face à de tels événements, le commentaire a souvent une fonction de mise à distance, nous transformant en spectateurs ni impliqués ni concernés. Il faut dissuader par avance tout « risque de contagion » comme ils disent. Par exemple, les Égyptiens se battraient pour avoir une démocratie comme la nôtre, donc les raisons qui les poussent à s’engager doivent nous dissuader nous de contester ! Le conservateur Churchill disait déjà, étendard de la résignation satisfaite : « La démocratie est le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres ».

Beaucoup de choses sont donc oubliées dans l’analyse dominante. D’abord le moment du basculement n’est pas pensé. Pourquoi ces régimes vieux de plusieurs décennies craquent-ils maintenant ? C’est là qu’il faudrait faire le lien avec des phénomènes qui nous touchent directement. D’abord le nouveau tour de vis imposé à tous les peuples suite à la crise financière implique partout une radicalisation des rapports sociaux. Il renforce le caractère autoritaire des pouvoirs en place. Au moment où l’on célèbre la rue égyptienne, rappelons comment la « rue française » a été méprisée lorsqu’elle a combattu la réforme des retraites. En Europe aussi, le caractère antidémocratique de l’Union s’aggrave avec le semestre européen et autres propositions d’autorité budgétaire indépendante. Il faudrait aussi mentionner l’affaiblissement du leadership états-unien dans le monde, qui fait que les régimes amis des Etats-Unis, s’ils s’échappent de ce fait aux procès médiatiques pour leurs violations des droits de l’homme (en 21 ans d’existence, le prix Sakharov du Parlement européen n’a jamais récompensé un tunisien ni un égyptien), ils ne les protègent plus de la colère de leurs peuples. Enfin, il faudrait évoquer la dégénérescence de l’Internationale Socialiste, qui abrite les partis de Ben Ali et Moubarak (Ben Ali a été exclu la veille de perdre le pouvoir et Moubarak en est toujours membre).

Pour des militants internationalistes, le combat de nos camarades en Égypte participe du mouvement universel de l’humanité pour son émancipation. Au-delà des différentes situations personnelles et nationales, les mêmes aspirations s’expriment. Nous voyons l’unité de l’humanité, un semblable en chaque être humain, là où les partisans du choc des civilisations théorisent des différences de cultures irréductibles. Nous n’avons jamais cru que certaines parties de l’humanité n’étaient pas intéressées par la démocratie ou l’égalité sociale. Bien sûr, cette unité est aussi le fruit de convergences matérielles, et notamment le phénomène de l’urbanisation massive, qui tisse de nouveaux liens d’interdépendance entre les êtres et l’on constate que les comités de quartier sont les structures de base de ces révolutions.

La question qui nous est posée est donc la part que nous prenons dans ce combat universel contre l’oligarchie, dans cette révolution citoyenne qui vise en même temps le partage des richesses et la démocratie. Allons au bout des leçons de ces luttes, sans nous laisser obscurcir par les relents racistes ou coloniaux qui empoisonnent ce que l’on donne à voir de ces pays. La corruption n’est pas une fatalité méridionale. Elle est le lot obligatoire des sociétés inégalitaires. L’enrichissement indécent de quelques-uns est une garantie de corruption du régime, celui de la famille Trabelsi comme celui de la bande du Fouquet. En voulant à la fois une Constituante et le salaire maximum, nous sommes les frères des révolutionnaires tunisiens et égyptiens.


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