L’Europe qui protège franchit un pas supplémentaire dans le ridicule

jeudi 17 février 2011.
 

A Bruxelles, la semaine passée, quelle séance ! Trois hauts fonctionnaires devaient être nommés à la tête des trois organismes nouvellement créés pour diriger les autorités de contrôle des risques financiers bla bla bla. Le parlement doit donner son accord. La procédure est d’une simplicité adamantine : si vous êtes pour alors il faut voter contre et si vous êtes contre alors il faut voter pour. Génial. Signé : Europe ! « Même moi, je ne comprends pas pourquoi » déclare le président de séance en nous exposant ce mode de vote ! Là-dessus voila une voix qui se lève et demande comment il se fait qu’il n’y ait aucune femme dans ce lot. Vifs applaudissements. Comme ça tournait à la gaudriole, voici la ministre hongroise qui intervient au nom de la présidence du conseil. Passons. Il s’agissait juste pour elle de lire un papier écrit à l’avance et donc sans rapport avec le sujet. J’en résume la substance. C’est facile. Quelque soit le sujet ce genre de petit madrigal est le même. « Nous avons eu un débat très fructueux en vue de nous rapprocher de nos objectifs que nous sommes déterminés à suivre avec fermeté » Et ainsi de suite. Et à la fin : « c’est pourquoi le conseil vous demande de voter contre cette résolution pour approuver ce choix » Simple et convaincant, non ? Remous sur tous les bancs du fait du caractère ubuesque du moment. Compte tenu de la gravité attribuée au sujet, on ne pouvait en rester là.

Le commissaire concerné prend donc la parole avec un air de consul romain au cours d’un épisode des guerres puniques. C’est le français Michel Barnier. Il pense couramment en anglais et nous tourne une harangue directement traduite en français : « pères conscrits, commence-t-il ». Non je plaisante. « Mesdames messieurs les députés de ce parlement, vous allez votez en toute responsabilité et liberté. Vous direz si vous approuvez la mise ne place du dernier élément nécessaire au bon fonctionnement des instruments de contrôle et surveillance des risques systémiques financiers bla bla bla ». Beau comme de l’antique vous dis-je. Le message ainsi délivré des hauteurs de l’olympe devient un peu fumeux quand on arrive au sujet de la non présence féminine dans ces nominations. Le Commissaire nous explique qu’il a lui-même « short-listé » à partir de l’examen des deux cent soixante cinq candidats. Il nous précise même, sous les rires d’une partie des insolents de l’hémicycle, répartis sur tous les bancs, qu’il n’a pas choisi ces candidatures ! Non ? C’est trop ! Mais, nous révèle-t-il, au dernier moment toutes les femmes présentes sur la « short-list » se sont retirées. Quel hasard Balthazar ! Toutefois, c’est promis, quand on en viendra aux directeurs de services on rectifiera cet absurde monopole de genre. Pas mal de gens se gondolent.

Tout ça est du baratin. Les hauts postes de l’Union européenne se négocient par nationalité. Si on y rajoute la question du sexe des impétrants on n’en sortira jamais, pensent très fort tous les eurocrates qui s’y connaissent ! Allez zou ! On vote. Pour, si on est contre, contre si on est pour. J’ai la tête qui tourne. Je vérifie avec mon voisin que ça commence aussi à chauffer sévèrement. Devant nous les portugais sont hilares. « hypé, ya, da, si, pour ! » récite un rien fébrile le fonctionnaire de notre groupe qui depuis ce matin se prend pour notre coach. Vlan ! Une écrasante majorité de contre. Donc c’est pour ! Les trois gugusses sont nommés par une écrasante opposition. On en était là lorsque la séance franchit un pallier de plus dans le ridicule. Une voix se fait entendre : « monsieur le commissaire nous venons de voter et d’approuver votre proposition en votant contre le texte mais vous ne nous avez pas dit les noms des personnes concernées ! » Hurlement de rire dans l’hémicycle. Un vent glauque parcourt les bancs comme une houle de nausée. « Cette demande est légitime » déclare l’Apollon des « short-lists ». Instant de flottement sous les rires pendant qu’une petite main lui passe une feuille de papier. Ouf ! Cette feuille salvatrice lui permet de lire les trois noms qui ne semblent pas aussi familiers qu’il a bien voulu nous le dire d’abord puisqu’il ne s’en souvenait pas de mémoire. Dans les couloirs, un élu de droite français, amusé, et outré lui aussi, me confie : « et en plus c’est pas des bons, il parait. Mais c’était le tour des autres de nommer leurs thons ! » Fermez le ban. L’Europe qui protège est en marche. On sort en vitesse de l’hémicycle pour courir vers notre train.

Zut ! Ils ont oublié de couper l’éclairage du monument à la gloire des prix Sakharov installé cette semaine devant le parlement. Il s’agit d’une hideuse ronde de silhouettes éclairées. Elles sont munies de petites étiquettes illisibles pour indiquer le nom du cubain concerné. Et des autres glorieux élus du super prix aussi, cela va de soi même si Cuba bat le record du nombre des prix Sakharov. Le prix Sakharov a vingt trois ans. Comme le régime de Ben Ali. Mais il n’y a pas un seul tunisien dans la liste. Ni un égyptien. Ni un algérien, ni un libyen. Mais pourquoi y en aurait-il eu toutes ces années, hein ? Cuba ! Cuba ! Voila où la liberté de l’Europe gémit ! Certes, le créateur de cette « sculpture » de patronage scout n’est pas responsable de la liste des heureux lauréats de ce prix. Cela va de soi. Mais, cependant, il partage une culpabilité avec les commanditaires de cette chose si moche, couteuse et si peu écologique allumée qu’elle est en plein jour. C’est une misogynie culturelle simple et robuste. Vingt trois silhouettes, pas une robe, pas une tête à cheveux longs. Mais, bien sur, je suis certain que c’est pour signaler l’universalité du genre humain dans la lutte pour les droits de l’homme. Non ? L’universel porte pantalon et cheveux court. Lisse aussi, cela va de soi.

Sinon, en séance on a voté des avantages pour les multinationales nord américaines de la banane. Des remboursements de droit de douane indument perçus par l’Europe qui protège. On a aussi voté une baisse progressive vers le néant des droits d’entrées. La sueur et le sang des paysans martyrisés et empoisonnés par les multinationales yankee en Amérique latine est a notre disposition désormais. La banane américaine a gagné. Pourtant l’Europe est la première consommatrice mondiale de bananes. Elle en produit assez pour sa consommation. Des milliers de gens en vivent aux caraïbes. Qu’ils crèvent dorénavant. Pour quelques centimes de moins, peut-être, la concurrence libre et non faussée a imposé sa sale logique.


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