Marine Le Pen : son programme pour le capitalisme français (par Gauche Unitaire)

mardi 27 décembre 2011.
 

En prenant la présidence du Front National, Marine Le Pen prétend engager ce parti dans une nouvelle voie, celle d’une prétendue « modernisation », qui permettrait à l’extrême droite de gagner en crédibilité et de pouvoir prétendre à l’exercice du pouvoir.

En plus de renouveler les thématiques racistes qui visent, son seulement l’immigré, mais plus précisément le musulman comme menace sur l’identité de la France, l’équipe de direction autour de Marine Le Pen a commencé à produire plusieurs documents programmatiques censés définir les solutions concrètes à appliquer une fois au pouvoir.

Le premier axe programmatique mis en avant par le FN pour mettre en avant une soi-disant « rupture » est l’abandon de la monnaie européenne « car dans la doctrine économique et politique du FN : une Nation = une monnaie. ». L’objectif principal de cette mesure étant de pouvoir réaliser une « dévaluation compétitive maîtrisée » pour obtenir des « gains de compétitivité », un « soutien aux exportations ». Derrière les discours sur la défense des salariés, c’est le même objectif de « compétitivité » du capitalisme français, défendue par Madame Parisot et tous les grands patrons, que le FN reprend à son compte. Voilà le véritable sens de la « modernisation » version Marine Le Pen, il s’agit d’afficher plus ouvertement la soumission à l’économie de marché !

Quant aux effets négatifs pour les classes populaires d’une sortie de l’euro, le FN s’en accommode sans problème. Il propose l’établissement d’une parité fixée à « 1 euro = 1 franc » « pour maintenir au mieux le pouvoir d’achat », en expliquant que la « baguette d’1 euro passerait à 1 franc et non à 6,57 francs ». Et il oublie juste de souligner que le SMIC qui est environ de 1055 euros nets passerait donc avec le FN à 1055 francs avec la sortie de l’euro. On imagine la perte de pouvoir d’achat énorme qui en résulterait ! Quant à l’augmentation de la dette publique de l’Etat français (dont la majeure partie est souscrite en euro) qui se produirait du fait de la baisse de la valeur de la nouvelle monnaie, le FN se fixe comme objectif de consacrer les ressources budgétaires qu’il faudra pour la résorber. Il en résulterait de fait une austérité accrue pour les classes populaires.

Multiplier les imprécations contre la « bureaucratie de Bruxelles » ne suffit pas pour rompre avec la logique qui a prévalu à la construction de l’Europe libérale. Au fond Marine Le Pen veut remplacer la « concurrence libre et non faussée » à l’échelle européenne par la « concurrence libre et non faussée » à l’échelle nationale. Donner la priorité aux besoins sociaux sur la logique du profit n’est pas son souci. C’est pourtant la seule voie pour s’opposer de façon conséquente à la logique du Traité de Lisbonne. Et le développement d’une logique de solidarité et de coopération contre celle de la concurrence et de la course au profit passe nécessairement, non par le repli à l’échelle nationale, mais par une confrontation permanente au sein de l’Union Européenne pour bloquer et dénoncer les projets néo libéraux qui sont imposés à tous les peuples. C’est le seul moyen pour pouvoir reposer la nécessité d’une autre Europe au service des peuples et du bien commun. Et rompre avec les marchés financiers et les politiques du FMI suppose d’oser annuler la plus grande partie des dettes publiques qui ne servent qu’à enrichir les banques et les marchés financiers au détriment des peuples.

Un autre document du FN « Comment redresser les services publics ? » est également révélateur de la rhétorique « mariniste ». Cette critique, qui omet les privatisations survenue dès la fin des années 1980, fait découler la casse des services publics, des Traités européens en donnant le règne de la « concurrence libre et non faussée », en multipliant les exemples, en France, à l’étranger… Mais quand il s’agit d’avancer des propositions concrètes, le FN se contente de quelques banalités sur « l’Etat stratège » et surtout en précisant qu’il faudra « stimuler la modernisation du service public, les gains de compétitivité, la qualité et l’innovation », dans un bel exemple de novlangue néo libérale.

Critiquer le Traité de Lisbonne n’est pas suffisant pour mettre un coup d’arrêt à plus de 30 ans d’un démantèlement des services publics. Cela ne peut se faire qu’en posant la question décisive de la propriété publique, qui ne peut s’imposer que par un processus d’appropriation sociale et démocratique qui place les salariés et les usagers au cœur des pouvoirs de décision. Et défendre les services publics, c’est également être capable de mesurer les nouveaux besoins qui nécessitent le développement de nouveaux services publics, de la petite enfance, du logement, du 3ième âge et du 4ième âge, ce qui suppose une confrontation sociale avec les groupes économiques qui voient ces secteurs comme une source de profits. Mais tout cela est bien loin des préoccupations du FN…

Marine le Pen prétend tenir un discours « radical », de « rupture », dénonçant la « marchandisation » et le « règne de l’argent », mais les faux semblants ne pourront pas tenir bien longtemps. Marine Le Pen est prise dans une contradiction entre sa volonté de développer une rhétorique « anticapitaliste de droite » et la nécessité de donner des gages de gestion gouvernementale en annonçant qu’elle sera respectueuse de règles de l’économie de marché et de la défense du capitalisme français. Tout comme elle oscille entre une dénonciation virulente de Nicolas Sarkozy, accusé de provoquer une « débâcle », et un silence prudent sur le chef de l’Etat, comme lors de son discours d’investiture à la présidence du FN. Car si Marine Le Pen veut amener le FN aux portes de la gestion gouvernementale, cela suppose de réussir à opérer une recomposition au sein de la droite qui ouvre des ponts aux alliances UMP – FN. Au fond, c’est le rôle auquel Marine Le Pen semble vouloir prétendre : être la bouée de sauvetage d’un Nicolas Sarkozy dont les difficultés à rassembler les différentes familles de droite s’accumulent.

En fait, comme souvent, le vrai test est l’attitude des forces politiques face aux mouvements sociaux. La mobilisation massive des travailleurs pour la défense des retraites a été un révélateur du gouffre qui existe entre les préoccupations de la majorité des salariés et les positions du FN. Son programme défend deux mesures : « La retraite à la carte : l’âge de la retraite pourrait être reculé de 60 ans à 65 ans. Les retraites par capitalisation C’est une voie qu’il faudra privilégier à long terme. » Le MEDEF n’aurait pas dit mieux !


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