La nature, l’écologie, l’extrême droite et nous

mercredi 9 novembre 2011.
 

De l’émission "Mots croisés" de Calvi je garde l’image fugace mais bien ancrée d’une Marine Le Pen perdue sitôt qu’elle quitte ses antiennes sur l’immigration. C’est à savoir et à noter. Le dimanche soir, chez Mazerolle sur BFM, elle semblait encore totalement hors de son sujet sitôt qu’il fut question d’économie. Je la voyais fouiller ses fiches comme je l’avais vu faire dans le débat qui nous opposa sur cette même chaine, avant de débiter sans conviction son roman sur les droits de douane à géométrie variable à instaurer aux frontières de la France.

Mais je serai insuffisant si je ne notais pas aussi devant vous un moment du débat qui pourrait revenir et laisser pantois comme le fut Cécile Duflot à cet instant. Je pense à la séquence de « Mots Croisés » où Marine Le Pen affirma, l’air gourmand, que le Front National était écologiste depuis bien aussi longtemps, et même avant, que le parti Les Verts. C’est vrai. C’est un fait établi avec une longue histoire assez glauque. Il nous faut tenir compte de cela. En sachant quoi répondre. Le naturalisme est en effet un courant lié aux origines de la culture de référence de l’extrême droite et même du nazisme. Pour ceux-là, l’inégalité dans l’ordre social a ses racines dans l’état de nature et dans les « lois » de celles-ci. Cette pensée est la réplique à celle des Lumières qui proclamait l’égalité initiale des êtres humains et en déduisit l’universalité de leurs droits. Les penseurs de la contre révolution prétendirent immédiatement appuyer l’existence des inégalités sociales non sur les privilèges mais sur un ordre naturel antérieur à la société politique. Leur refrain : l’égalité est une chimère idéologique dangereuse. Elle n’existe nulle part dans la nature. Au contraire, la loi de la nature c’est la loi du plus fort et son plein exercice garantit un équilibre « naturel ».

C’est la variante naturaliste de « la concurrence libre et non faussée » et de « la main invisible du marché ». Elle en reprend toute la construction. L’ordre social devrait donc rendre compte de cet état de nature et ne pas favoriser artificiellement les faibles et les inférieurs. On connait. Bref les lois de la nature plaideraient pour un ordre social qui s’en déduise et les transpose. Telle est l’écologie d’arrière plan à l’extrême droite. La rupture que l’écologie politique moderne apporte c’est précisément de ne plus faire cette déduction. A l’inverse même, elle ne fait pas de la nature un sujet de l’histoire quand bien même elle cesse d’en faire un pur objet de consommation ou de domination. Notre écologie pense l’interaction entre les êtres humains et la nature. Sa pensée se concentre sur cette interaction plutôt que sur un mythique et réducteur ordre naturel qu’il faudrait étendre à l’ordre social.

S’il en est ainsi c’est du fait du parti pris philosophique matérialiste qui fonde la pensée de gauche. Nature et humanité sont des réalités changeantes en proie à l’histoire. Par exemple, l’air que nous respirons et qui rend la vie humaine possible est le résultat d’une pollution. Celle des êtres élémentaires des débuts qui inspiraient du carbone et recrachaient de l’oxygène. Je sais combien l’idée d’une histoire de la nature qui relativise notre intuition spontanée d’un ordre naturel immuable peut surprendre. Mais l’idée permet de se familiariser avec le point de vue matérialiste pour qui toute réalité est interaction entre des parties changeantes. Oui, l’histoire et ses rebondissements concernent la nature autant que les êtres humains. Elles ne s’analysent ni séparément ni comme un « en soi ». Ainsi la nature de la relation entre les humains et leur environnement naturel, son impact global n’est pas la même selon le niveau de développement et la nature des forces productives mises en œuvre par l’humanité. Les chasseurs cueilleurs et les sidérurgistes n’impactent pas de la même façon leur environnement et celui des générations futures. Enfin l’incidence de la prédation humaine doit aussi être analysée en relation avec le nombre de la population globale. L’humanité à cent mille personnes et celle à sept milliards n’interagissent pas avec la nature de la même façon, quoiqu’il en soi de ses forces productives du moment.

Dans ces conditions, il me semble que pour notre écologie politique, le rapport à la nature doit être réaliste. C’est-à-dire qu’il doit se garder d’une illusion dangereuse celle de la transposition d’un ordre qui irait de soi, ordre « naturel » en quelque sorte, et qui nous serait donné de l’extérieur. Ce point de vue est celui de l’extrême droite. Notre écologie est raisonnée en ceci qu’elle situe le problème posé à un autre point de départ. Elle commence avec la conscience d’une nécessité incontournable, celle d’un intérêt général lié à la conservation de l’écosystème qui rend la vie humaine possible. Dans cette approche la liberté humaine reste complète. Son imaginaire social et politique reste libre. Sa mise en œuvre rencontre une condition de faisabilité comme c’est le cas pour toute autre liberté et aptitude. Un point c’est tout. Mais c’est beaucoup. Ignorer la nécessité de protéger l’écosystème dans toutes les décisions que l’on prend est aussi stupide ou inconscient que de s’avancer dans un escalier en décidant de ne tenir aucun compte de la gravité universelle.

Nota bene : le titre a été ajouté par la rédaction du site PG Midi Pyrénées


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