La morale a joué un rôle essentiel dans les cultures de gauche

mardi 12 avril 2011.
 

Parcours moral dans les cultures de gauche

La gauche est-elle morale ?, de Christophe Prochasson, Éditions Flammarion, 2011. 288 pages, 19 euros.

2) "Un socialisme sans religiosité est presque impossible."

A entendre Christophe Prochasson la gauche a besoin de retrouver dans une forme de morale élémentaire la hauteur nécessaire pour se faire entendre. Venu débattre à la Cité des Livres de son nouvel essai, La gauche est-elle morale ? (Flammarion), l’historien a décrit les relations complexes qui lient l’action politique de la gauche à une conception morale de l’homme.

En effet, comment définir les idéaux de gauche autrement que dans leur rapport historique à une doctrine de la vertu ? L’histoire de la gauche est enracinée dans la recherche paradoxale d’un idéal politique qui puisse se traduire dans la réalité. Christophe Prochasson appelle ainsi à distinguer la morale du moralisme. La morale- qui dans sa variante socialiste consiste aussi en une attitude quotidienne, une morale des petits gestes- impose de faire coïncider ses moeurs avec les valeurs de générosité, d’honnêteté et de probité qu’implique le discours socialiste. Le moralisme est une inadéquation entre les paroles et les actes. La gauche a trop souvent pêché depuis la Révolution française en tombant dans la seconde au détriment de la première. En trahissant son goût pour les honneurs et les petits calculs politiques, elle s’est détournée de la véritable "morale militante". Elle a rompu avec l’époque où un militant se rendait en réunions de section, distribuait des tracts dans la rue et allait manifester, sans rechigner, parce qu’il était militant à chaque instant. L’époque où des primaires auraient été impensables.

Que devient donc une gauche qui s’est construit sur l’adage selon lequel "Tout est politique" quand elle évolue dans une société où tout devient moral ? Cette inclination lui a fait oublier toute une tradition intellectuelle représentée par Charles Andler, Eugène Fournière, Benoît Malon ou encore Pierre-Joseph Proudhon. Pour Christophe Prochasson, cette omission est au coeur du rapport ambigu de la gauche à l’argent. Parce que la gauche s’est détournée de valeurs aussi simples que le désintéressement ou la confiance, elle n’est pas parvenue à puiser dans des références morales le remède à une vision purement économique des personnes et de la société. Pour rétablir un équilibre entre idéaux politiques et pratiques morales, Prochasson en appelle donc à "une réforme intellectuelle et morale" du socialisme. Pour que la gauche ne se contente pas de plaider pour des politiques de redistribution et de lutte contre les inégalités, mais mette ses discours en actes.

par Pascal Morvan et Pierre Testard.

Source :

http://www.nonfiction.fr/article-39...

1) La gauche est-elle morale ? est un essai stimulant (Article de L’Humanité)

. Son auteur n’a pas de mal à montrer le rôle essentiel joué depuis longtemps par la morale comme ressort de l’action des forces de gauche. L’indignation et le refus de ce qui est ressenti comme injuste ou intolérable expliquent que l’on veuille changer le monde, la société ou la vie. L’ouvrage s’éloigne de toute vision étroitement « économiste », fondée sur la nécessité, telle qu’on a pu le reprocher parfois au communisme traditionnel, mais aussi à d’autres traditions de gauche, plus ou moins inspirées du travaillisme. Cela ne signifie pas que les préoccupations concrètes, « matérielles », comptent moins, mais elles sont de plus pensées en termes moraux, de morale sociale : les profits irresponsables et les rémunérations folles à côté des pires détresses sont de plus en plus condamnés comme injustifiables, insupportables.

Partant de ce constat, Christophe Prochasson parcourt l’histoire de la gauche pour revoir toute une série d’auteurs ou de débats parfois oubliés qui ont eu en commun de penser ainsi la gauche. Nous découvrons Malon, Andler, le philosophe Rauh, mais nous nous interrogeons aussi sur la culture militante et ses rapports avec l’argent, la réussite sociale, la sexualité ou la mort. Ce parcours historique est passionnant, car subtil et des plus informés. Prévenons que bien des lecteurs seront agacés : l’auteur a ses personnages ou ses affaires de prédilection, dans les marges du socialisme, et quelques « têtes de Turcs », parmi lesquelles assez souvent les communistes, en tout cas leur doctrine et surtout leur soutien à l’URSS. Ce n’est pas toujours immérité, et qui aime bien châtie bien, sans doute, mais c’est parfois excessif, voire injuste. Il n’est pas besoin d’être communiste pour saisir la grandeur, la portée morale de nombreux dévouements et de toute une part de cette histoire. Le général de Gaulle l’a bien marqué dans ses Mémoires et un des plus beaux passages de la plaidoirie de Léon Blum à Riom est celui où il évoque la mort du « petit Timbaud ».

Mais le lecteur aurait tort de trop s’arrêter à ces pointes épisodiques et de surface. Il est plus important de suivre l’auteur lorsqu’il propose de refonder le socialisme en opposant la morale au moralisme, qui n’en est que la sèche caricature. Il réclame une autre façon de faire de la politique, un rapport plus direct et authentique entre les dirigeants et les citoyens, qui réhabilite la sincérité et l’exemplarité, qui sache expliquer les problèmes et dépasser la gestion à court terme. Cela reste assez général, mais cela peut justement servir à tous ceux qui ont en commun de vouloir un jour « constituer l’humanité », donc changer la société. Ces réflexions ne concernent pas seulement la gauche « raisonnable » à laquelle appartient sans doute Christophe Prochasson, mais aussi tous ceux qui souhaitent aller un peu plus loin et, me semble-t-il, elles pourraient être lues et méditées par le Front de gauche avant les prochaines échéances électorales.

Source : http://humanite.fr/04_04_2011-parco...

Robert Lindet


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