11 avril 2011 La Tunisie institue la parité 
hommes-femmes en politique

lundi 18 avril 2011.
 

Petit pays, grande nation  ; en votant la loi sur la parité hommes-femmes pour la Constituante, j’ai eu l’intime conviction que nous nous sommes projetés dans le futur en enjambant d’un seul pas une ligne jugée par beaucoup infranchissable.

Et, pourtant, pourtant nous l’avons franchie, pour prouver à nous-mêmes d’abord, puis aux autres ensuite, que la Tunisie méritait bien une révolution.

Ce n’est pas un hasard si la femme a constitué depuis plus d’un siècle l’enjeu et le pivot de toutes les modernités  : scolarisation des filles dans les écoles franco-arabes donnant au pays ses premières femmes médecins, ses premières institutrices et ses militantes de première heure,

Réformisme tunisien de première heure s’exprimant en faveur de l’émancipation des filles musulmanes par l’éducation chez les jeunes Tunisiens, puis avec vigueur et détermination avec Tahar Haddad (1). Puis vint le temps de l’indépendance et des grandes réformes instituant l’État national, avec comme grande première réforme le Code du statut personnel, dès 1956, bien avant la République, pour annoncer la vocation moderniste d’une société qui n’avait d’autre choix pour se développer que d’émanciper ses femmes.

La parité gagnée hier lors d’une séance émouvante, gagnée à l’arraché, à main levée, était le premier geste qui montre que nous étions, femmes et hommes, les dignes héritiers de Haddad, de Thaalbi (2) et de Bourguiba.

À ceux qui disent que cette loi est peut-être en avance sur les réalités encore précaires et fragiles, je dirais  : c’est à la société de s’adapter à ses nouvelles lois.

De tout temps, la Tunisie s’est affirmée en se surpassant, en abolissant l’esclavage avant bien d’autres pays en Occident même, en se dotant d’une constitution bien avant des pays et des continents, en faisant de sa Zaytouna (3), de son collège Sadiki (4), de sa Khaldouniya (5) 
des foyers de lumière pour tous les peuples du Grand Maghreb, en abolissant la polygamie en criant haut et fort que l’Islam signifie liberté et égalité.

En instituant la parité des droits en politique, nous disons simplement  : femmes de Tunisie, vous avez guidé une révolution, guidez le peuple vers plus de lumière, vers plus de liberté.

(1) L’un des fondateurs de la Confédération générale des travailleurs tunisiens (CGTT, en 1924.

(2) Fondateur du Destour en 1920.

(3) Grande université islamique 
qui forma des générations 
de savants. (4) Premier lycée secondaire moderne de Tunisie fondé en 1875.

(5) Première école moderne de Tunisie fondée en 1896.

Par Abdelhamid Larguèche, professeur, membre de la haute instance 
pour la réforme politique en Tunisie dans L’Humanité du 17 avril

2) La parité en Tunisie : une avancée “historique” qui fait débat

“Aujourd’hui, lundi 11 avril 2011, la Tunisie connaît un moment historique, un moment qui sera gravé dans la mémoire de toute Tunisienne et de tout Tunisien”, salue le blogueur Mohamed Madkhour. Les membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, présidée par Yadh Ben Achour, viennent d’adopter le principe de la parité hommes-femmes pour les élections de l’Assemblée constituante le 24 juillet. “Une initiative portée par les partis politiques démocrates, la société civile, les femmes et hommes indépendants et qui a été approuvée démocratiquement”, se félicite-t-il.

Au terme d’intenses débats entre les différentes parties, l’amendement à l’article 16 du décret-loi relatif à l’élection de la Constituante a été adopté à une majorité écrasante, sous les applaudissements des membres de la commission, y compris les représentants du mouvement islamiste Ennahda. Selon le principe retenu, la présentation des candidatures devra tenir compte de la parité entre hommes et femmes, avant un classement des candidats dans les listes sur la base du principe de l’alternance. Les listes ne respectant pas cette règle seront annulées.

“La Tunisie est aujourd’hui à l’avant-garde en ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique”, a applaudi la Fédération internationale des droits de l’homme. “Nous avons remporté une grande victoire. C’est une grande première dans le monde arabe et même ailleurs. Les femmes ont participé à la révolution, sur le même pied d’égalité, elles participeront désormais à forger l’avenir politique de la Tunisie”, a déclaré Sophie Bessis, secrétaire générale adjointe de la FIDH, dans un entretien sonore.

Tunisie, femmes de l’ATFD

C’est également une victoire pour le Groupe d’appui à la parité, coordonné par Faïza Zouaoui Skrandani, éditrice et militante féministe tunisienne, qui a publié le lundi 28 mars sur sa page Facebook son manifeste. “La société tunisienne est composée de plus de 50 % de personnes du sexe féminin. Elles sont aujourd’hui majoritaires dans plusieurs instances : magistrature, enseignement supérieur, secondaire, primaire, médecine,… Bien qu’électrices et éligibles depuis 1957 (plus de cinquante-quatre ans), nous constatons un paradoxe flagrant entre les potentialités féminines réelles et leur représentation dans les instances de prises de décision, politiques, sociales, économiques et culturelles. Le pourcentage de représentation atteint péniblement les 10 %”, plaide le manifeste.

“Au stade de l’évolution de notre société au jour d’aujourd’hui, si la séparation des pouvoirs est la base de la démocratie, la parité en est une condition. La Révolution tunisienne du 14 janvier à laquelle les Tunisiennes et les Tunisiens ont participé et dont ils ont été ensemble les actrices et les acteurs sans distinction d’âge ni de genre requiert pour l’avenir de notre pays une réelle et effective reconnaissance, sans restriction aucune, une vision globale paritaire pour la transition et la construction du processus démocratique, sans aucune discrimination”, poursuit-il.

L’enjeu pour le Groupe d’appui à la parité, tel que l’explique Mme Skrandani dans un entretien avec le webzine Webmanagercenter, est “tout simplement [de mettre] la parité dans le code électoral. C’est elle la garantie d’élections démocratiques et en même temps un garant de la sauvegarde des acquis de la révolution”. Un principe qui, ajoute-t-elle, a également été appuyé par Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste Ennahda, dans ses interviews.


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