Expulsion du "collectif des Tunisiens" : La France abaissée

jeudi 5 mai 2011.
 

Je viens d’apprendre l’expulsion du « collectif des Tunisiens de Lampedusa » à Paris.

Cette décision couvre de honte ce gouvernement et nous perd de réputation dans le Maghreb. En ce moment la Tunisie assume son devoir humain et politique de solidarité avec les révolutions citoyennes en cours en accueillant plus de 70 000 réfugiés venus pour l’essentiel de Lybie, un pays où nous faisons la guerre.

Les Tunisiens le font dans des conditions économiques exceptionnellement difficiles.

A l’inverse, le gouvernement actuel de la France laisse s’installer des situations humanitaires désastreuses. Il veut affoler les esprits à propos de l’arrivée de seulement 5000 Tunisiens en France, osant les comparer aux deux millions de personnes venues en Allemagne après la chute du Mur. Le gouvernement cherche à jeter les gens les uns contre les autres et à faire des peuples du Sud qui sont pourtant nos voisins et nos frères un épouvantail rentable dans le débat politique.

Cette attitude irresponsable et à courte vue devant les grands bouleversements de l’histoire inspire le dégoût.

Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de Gauche

Chasse aux Tunisiens : Sarkozy et Berlusconi préféraient Ben Ali

3) Migrants tunisiens : l’attitude de Sarkozy est lamentable (par Jean-Luc Mélenchon)

Ce qui se passe en Tunisie et au Maghreb est pour nous une affaire de famille. Je l’ai déjà dit, il faut sans cesse le rappeler. La Tunisie est engagée depuis décembre dans une révolution citoyenne. C’est une bonne chose ou pas ? Cette révolution mobilise tout le courage et la solidarité de son peuple. Pour beaucoup de Français, ce sont des parents, des enfants, des frères et sœurs, des amis. Et, là-bas, malgré le chômage terrible et la chute des recettes touristiques, les Tunisiens font face. Et ils nous montrent l’exemple dans leur ouverture et leur générosité envers les milliers de réfugiés venus de Libye qui franchissent chaque semaine leurs frontières. Alors que ces réfugiés arrivent dans les régions du sud et du centre tunisiens déjà les plus pauvres, aucun tunisien n’a encore proposé de les renvoyer chez eux dans la détresse. A Paris par contre, c’est une ministre, Nadine Morano qui déclare sur Europe 1 : "bien sûr qu’il faut les renvoyer chez eux". Et début mars, c’était une député UMP, Chantal Brunel, qui disait à propos des "populations qui viendraient de Méditerranée" :"après tout, remettons les dans des bateaux !". En Tunisie, où l’afflux de réfugiés est autrement plus important avec 70 000 entrées selon le gouvernement tunisien, personne n’a imaginé fermer les frontières. Des chaines civiles de ravitaillement s’organisent. Des familles tunisiennes accueillent chez elles des réfugiés libyens ou des travailleurs tunisiens et égyptiens rapatriés.

Au même moment Sarkozy et Berlusconi affolent la France et l’Italie avec l’arrivée de 20 000 migrants tunisiens ! Le ministre de l’intérieur italien a cru intelligent de comparer ces arrivées en Italie au flot de migrants qui a suivi la chute du mur de Berlin. Le mensonge de cette comparaison est grossier ! Suite à la chute du mur, c’est un afflux de 2 millions de personnes qu’a connu l’Allemagne depuis différents pays de l’Est. Rien de comparable donc avec 20 000 Tunisiens. L’attitude de Sarkozy est encore plus lamentable. Car en France, c’est de 5 000 nouveaux arrivants tunisiens dont il est question. Et pas de 25 000 comme l’a prétendu Nadine Morano à la radio. 5 000 courageux qui ont survécu aux embarcations de fortune jusqu’à Lampedusa, puis ont passé des jours à remonter l’Italie vers la France. Ils n’y viennent pas parce qu’ils auraient calculé que le système social y est bon comme le prétend la théorie fumeuse des "pompes aspirantes" de Madame Le Pen. Ils viennent en France parce qu’ils parlent français et ont souvent de la famille ici.

Rapporté aux 120 000 migrants qui entrent chaque année en France depuis des pays extérieurs à l’Union européenne, cela ne représente que 4 % de nouveaux arrivants. 20 000 personnes à répartir entre les 27 Etats de l’union cela fait une moyenne de 1000 personnes par pays ! Sarkozy y a répondu en bloquant les trains. Et comme toujours pour la droite, ce n’est pas l’efficacité réelle de la mesure qui compte mais son impact médiatique et idéologique. Car le blocage des trains ne sert à rien. Qui tient les routes ? Et la montagne ? Tout cela est une gesticulation sans issue. Pas plus que les rafles organisées par Claude Guéant en plein Paris. Tout cela ne fait que couvrir de honte ce gouvernement et nous perdre de réputation dans le Maghreb. Mercredi soir le ministère de l’intérieur a attendu qu’une centaine de Tunisiens se soient regroupés dans le nord de Paris pour une distribution de nourriture de la Croix rouge pour venir les embarquer. La honte ! Où sont passés les curés, les rabbins, imams et autres professionnels de la compassion qui nous saoulent à longueur d’années avec leurs saintes obsessions et leurs impératifs moraux ? Toujours présents pour faire valoir le droit de ne pas manger ceci ou cela, de dire ceci ou cela, d’habiller les femmes comme ci ou comme ça. Mais pour ce qui est de la solidarité humaine, tous ces faiseurs d’histoire ne sont pas au rendez vous de leurs grands principes. Heureusement qu’il y a Delanoë à Paris pour protester. Santo subito ! La bande de curés de tous poils qu’il gave de bienfaits à longueur d’année ne l’aura pas beaucoup aidé.

Si l’on veut vraiment aider les Tunisiens, il y a autre chose à faire. Autre chose que d’aller comme Alain Juppé à Tunis pour "offrir" 350 millions d’euros de prêts. Un cadeau empoisonné. Car ce n’est pas de nouvelles dettes dont a besoin la Tunisie. Mais d’une aide effective. Nous pouvons le faire, sous forme de dons et d’annulation de la dette. En effet, les montants de dette que la Tunisie doit rembourser en 2011, 577 millions d’euros, dépassent largement les nouveaux prêts promis par la France. Aujourd’hui, pour la Tunisie rembourser ce demi-milliard d’euros c’est se priver de dépenses vitales pour nourrir, soigner, héberger et organiser les premières élections libres du pays. Les premiers créanciers de la Tunisie sont la Banque Européenne d’Investissement qui dépend de notre chère « Europe qui protège » et la France. Annuler tout ça ne coute… rien. En effet, compte tenu des intérêts versés sur cette dette, de 1970 à 2009, la Tunisie a déjà remboursé à ses créanciers 2,47 milliards d’euros de plus que le capital prêté !

Donc plutôt que de grossir encore le poids de la dette tunisienne, 20 milliards d’euros, 37 % du PIB, la France et l’UE feraient mieux d’aider la Tunisie à échelonner les remboursements de sa dette existante pour lui donner des marges de manœuvre. Et d’établir un audit de la dette odieuse souscrite sous Ben Ali, pour l’annuler.


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