Canada : la droite l’emporte, la gauche perce, le centre s’effondre

lundi 9 mai 2011.
 

L’élection fédérale canadienne qui a eu lieu lundi 2 mai aura été celle de tous les records. Convoquée suite à une dissolution de la Chambre des communes après l’adoption le 25 mars d’une motion de défiance contre le gouvernement conservateur de Stephen Harper, c’était la quatrième élection de ce type en sept ans. Les élections de 2004, 2006 et 2008 n’ayant pas permis l’élection d’une majorité absolue de députés d’un seul parti, la Chambre a plusieurs fois été dissoute afin de permettre de dégager un vainqueur.

Le Canada, très influencé par le fameux système de Westminster, est en effet habitué à une alternance bipartite libéraux/conservateurs et n’a pas de culture du gouvernement de coalition. Le scrutin de 2011 semble avoir mis fin à l’instabilité : avec seulement 40 % des voix mais 167 élus, les conservateurs disposent désormais d’une majorité absolue, aidés en cela par un mode de scrutin uninominal à un tour très favorable aux grands partis. C’est la troisième fois consécutive que les conservateurs remportent une élection, du jamais vu dans l’histoire du Canada. Plus forte que jamais, la droite canadienne va pouvoir amplifier sa politique de casse sociale tout azimuts.

Mais cette élection a aussi été marquée par une très forte poussée du Nouveau parti démocratique, (NPD), la principale formation de gauche du Canada. Avec un record absolu de plus de 30 % des suffrages et 102 élus, le NPD devient la deuxième force politique du pays et jouit à ce titre du statut d’opposition officielle. Il profite d’un effondrement sans précédent des centristes du Parti libéral, autrefois dominants dans le paysage politique et qui doivent cette fois-ci se contenter d’un très mauvais résultat de 19 % des voix et une trentaine d’élus. Le NPD a dépassé les 40 % au Québec, provoquant une quasi-disparition des indépendantistes du Bloc québécois, perçus comme moins crédibles sur les enjeux sociaux. Enfin les Verts obtiennent leur première élue avec l’élection d’Elizabeth May, confirmant l’idée d’une préoccupation croissante des canadiens pour les enjeux écologiques.

Bien sûr, le NPD reste un parti social-démocrate, et personne ne se fait d’illusion sur les intentions de ses responsables. Mais la percée de ce parti prouve que les idées de gauche sont plus que jamais pertinentes à l’heure d’une crise sans précédent du système capitaliste : dans un pays jusque là dominé par le consensus néolibéral, une partie de la société canadienne a exprimé un très fort désir de changement en direction d’une plus grande justice sociale. Les thèmes mis en avant par Jack Layton au cours de la campagne du NPD (renforcement du secteur public, sécurité sociale publique, moyens accrus pour la couverture sociale des plus démunis) ont montré qu’un discours de gauche était tout à fait apte à convaincre des milieux populaires lassés d’un affrontement stérile entre une droite libérale molle et une droite conservatrice radicale. Leur vote nous prouve en outre que le bipartisme n’est pas une fatalité indépassable. Il n’est désormais plus exclu que dans un futur proche, un gouvernement de gauche dirige le Canada : dans ce pays, c’est déjà une révolution en soi. De quoi couper l’herbe sous le pied à ceux qui prédisent crânement une disparition de la gauche et de ses idées dans le débat public. Au Canada comme partout ailleurs, il faut une révolution citoyenne !

Alan Confesson


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