NPA : la crise permanente (par Gauche Unitaire)

vendredi 3 juin 2011.
 

Le récent congrès du NPA (février 2011), faute de majorité politique et travaillé par une crise non maîtrisable, est resté comme suspendu… La perspective étant celle d’une conférence nationale en juin, donc dans l’attente de l’annonce pour la présidentielle de 2012 d’une nouvelle « candidature d’Olivier ». Avec des mesures visant à ponctuer cette attente : la désignation de deux nouvelles porte-parole (Myriam Martin et Christine Poupin) en lieu et place de Besancenot, et la volonté affichée d’explorer la possibilité d’une « candidature anticapitaliste unitaire ».

La décision d’Olivier Besancenot de ne pas être le candidat du NPA à la présidentielle de 2012 a mis à bas ce scénario.

Déclaration de non-candidature

S’il ne s’agissait que d’Olivier Besancenot, on ne pourrait que prendre acte d’une décision personnelle compréhensible, et argumentée de manière convaincante. Il avait en effet annoncé dès le début qu’il n’avait pas l’intention de s’installer comme porte-parole à perpétuité, ni comme le candidat rituel à la présidentielle. Et on ne peut que partager sa dénonciation de la professionnalisation et de la personnalisation de la vie politique officielle, exacerbées par les ravages du présidentialisme. Donc, de ce point de vue, dont acte ! On peut même se féliciter que Besancenot apparaisse comme ne s’étant pas laissé intoxiquer par les poisons du succès électoral et médiatique.

Reste que son choix présent pose une question sur le NPA lui-même, et d’abord de savoir si Olivier Besancenot et le NPA sont dissociables ?

En effet, la « surprise » provoquée a quelque peu éclipsé l’argumentation que Besancenot développe pour justifier un acte qui, volens nolens, est éminemment politique et demande à être analysé.

Dans les propos tenus par Besancenot dans son entretien à Mediapart, c’est ce thème même de la surprise qui est présenté comme une sorte de talisman. Au moyen duquel est relue la décision de la LCR en 2002 : « Montrer qu’un postier de 27 ans pouvait tenir tête à des politiciens professionnels, c’était une vraie démonstration ». Une « démonstration » qui en effet ne pouvait que s’user avec le temps : « Je m’étais déjà posé la question en 2007, notamment à cause de la personnalisation à outrance et du regard qui, au fur et à mesure, a changé par rapport à la « surprise » que je pouvais incarner en 2002. Or c’est aussi de cette surprise que dépend le message politique que l’on veut véhiculer ». Enfin, une surprise aujourd’hui réinventée : « Perpétuer cette démonstration, c’est continuer à surprendre ».

La question est donc : quel est le « message » porté par surprise ? Réponse de Besancenot : « Contester aux politiciens, chaque fois qu’il le faut, leur mainmise sur nos destinées »… Thème récurrent de cet entretien, au nom duquel est proposée une histoire mythique du mouvement ouvrier, dont l’échec tiendrait à une institutionnalisation conduisant à envisager la politique comme un métier (« Pendant longtemps, les figures du mouvement ouvrier étaient des salariés qui tenaient tête aux politiciens professionnels, à l’époque tous de droite »). Et à tirer des leçons quelque peu surprenantes des révolutions arabes : « J’ai vu, quand je suis allé en Tunisie et en Égypte, que les révolutions n’avaient pas besoin de leader, de substitut ou d’avant-garde autoproclamée ».

Ainsi, du même coup qu’il se désiste du rôle de porte-parole et de candidat à la présidentielle, Besancenot s’affirme porteur de ce qu’est (ou doit être à ses yeux) le projet politique du NPA. Dans sa lettre aux militants du NPA, il écrit : « Je revendique plutôt la possibilité, pour le NPA, de se lancer sur de nouvelles bases, conformes au projet d’émancipation qui, plus que jamais, m’anime ».

Paradoxe en forme de lapsus qui revient à dire que ce désengagement est une réaffirmation de la marque de Besancenot sur ce parti. Un paradoxe qu’on peut certes expliquer par les contradictions du combat mené contre un système du fonctionnement duquel on est nécessairement prisonnier. Mais une telle approche ne saurait suffire, et s’en contenter reviendrait à relativiser ce fait que le projet fondateur du NPA a été construit en fonction de la figure d’Olivier Besancenot.

Son deuxième succès électoral à la présidentielle de 2007 en a été à l’origine. Quitte à escamoter le fait que ce relatif succès politique devait beaucoup à l’effondrement des autres candidats à gauche du PS, et à la situation créée par la victoire de Sarkozy, il a justifié la dissolution de la LCR pour créer un nouveau parti afin de concrétiser l’audience gagnée par lui lors de la campagne. D’où, pour la création de ce nouveau parti, « l’Appel d’Olivier Besancenot », et un NPA vécu comme « le parti d’Olivier Besancenot ». Et c’est bien ainsi que, lors de son lancement, fut assuré le réel pouvoir d’attraction du NPA.

Ce pourquoi la crise que connaît le NPA, et les éventuelles réponses à y apporter, sont aujourd’hui indissociables des choix, personnels et politiques, d’Olivier Besancenot.

Une nouvelle orientation pour le NPA ?

Si dans les débats du récent congrès Besancenot était resté relativement en retrait – n’intervenant que dans le cadre du meeting de solidarité avec les révolutions arabes, donc officiellement davantage comme porte parole du parti que comme défenseur d’une des orientations en confrontation, sa non candidature et les explications qu’il lui donne signifient un engagement en défense d’une orientation politique pour le NPA.

Ce ne sont donc pas ses motivations personnelles, au demeurant légitimes, qui demandent à être interrogées, mais les choix du responsable politique qu’il est. Se dégager du rôle de porte-parole (du parti dans sa totalité) est-ce le moyen pour lui de gagner en liberté dans le débat d’orientation au sein du NPA ? Question pertinente posée par les journalistes de Mediapart : « N’est-ce pas là en fait votre première décision de chef de parti ? ».

Sa lettre, au-delà des explications qui ont retenu l’attention publique, argumente effectivement une orientation précise. D’abord en tranchant, avant toute conférence nationale, la question d’une candidature du NPA : « Je suis prêt, dès à présent, à m’investir à 100% pour que notre parti, le NPA, puisse effectivement se présenter à la prochaine présidentielle et à épauler de mon mieux notre candidat(e) durant la campagne. » Et ce à partir d’une vision cohérente de ce que doit être la singularité du NPA, soit son extériorité au système : « Nous n’envisageons pas l’activité politique comme les autres partis »… Avec l’affirmation de la « volonté que le NPA puisse enfin se retrouver. Se retrouver non pas sur un nom familier mais sur une identité collectivement réappropriée. Qu’il puisse se déployer sur des bases plus conscientes et plus constantes. Plus conscientes de la nécessité de porter un projet révolutionnaire, internationaliste, vivant et ouvert, qui le maintienne à distance du système actuel. »

La « mise à distance du système actuel », telle est donc la feuille de route délivrée au NPA par… Olivier Besancenot soi-même !

Le CPN des 14 et 15 mai : confirmation du repli

Le Conseil politique national du NPA, qui s’est tenu les 14 et 15 mai, a dégagé une nouvelle majorité politique, courte mais cohérente, associant à la position 2 une partie de la position 1 (dont O. Besancenot, A. Krivine, C. Poupin…), avec une résolution (85 pour, 64 contre) qui prend acte d’une candidature du seul NPA en 2012, et décide de stopper les discussions avec le Front de gauche. Et ce contre une résolution rassemblant les unitaires et une autre partie de la position 1 (dont Myriam Martin) qui préconisait la poursuite de ces discussions (64 pour, 79 contre, 4 abstentions et refus de vote).

Donc il y aura une candidature du NPA, mais laquelle ? La décision s’est imposée de surseoir à ce choix, renvoyé à la conférence nationale en juin. Les deux porte parole apparaissent porteuses d’orientations politiques distinctes, et Sandra Demarcq explique « qu’il peut y avoir d’autres noms »…

Le débat de congrès continue donc, mais oriente le NPA dans une mauvaise direction. Au lieu d’une remise en question le conduisant à se tourner vers les autres forces radicales et alternatives, à engager avec le Front de gauche la recherche de réponses aux défis de la situation, le choix est de répondre aux difficultés rencontrées par un repli et un durcissement des positions défendues, sous couvert d’une indispensable extériorisation par rapport au système. Le risque est évident de gâcher la possibilité d’une consolidation des forces de changement à l’heure où la crise du mouvement ouvrier est à la veille de développements d’ampleur.


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