À Bobigny, la Maison des parents mise sur le collectif en matière d’aide à la parentalité.

dimanche 5 juin 2011.
 

Entre 10 heures et midi, c’est l’heure de pointe à la Maison des parents de Bobigny. Sonia y entre après avoir déposé ses enfants à l’école pour partager un bon café avec Samia, Lara, Salima et Fahima. Un répit, chaque mardi, avant de reprendre « son boulot de mère », comme elle dit. « Problèmes des enfants à l’école, affaire Strauss-Kahn, recettes de cuisine, religion, maquillage, conditions de vie des Roms… Ici, on parle de tout », lance, dans un grand éclat de rire, Lara, devant un ballet de couches-culottes à l’œuvre dans l’espace réservé aux enfants en bas âge.

« Des mères pleurent, d’autres rient, mais toutes, ici, vident leur sac, confirme Fahima. Ici, je lâche tout, car ce qui est dit ici, reste ici. » C’est cela la réussite de la Maison des parents  : créer un lieu neutre et de confiance permettant à cent trente pères et mères de Bobigny d’échanger et de s’épauler dans l’éducation de leur enfant. « Des groupes de parole, avec une psychologue ou un professionnel, sont aussi organisés un ou deux soirs par semaine sur la relation entre parents et adolescents ou sur la petite enfance », raconte Amélie Rodot, directrice adjointe de cette structure, créée en 2005. D’autres ateliers sont totalement laissés libres, pendant que des animatrices prennent en charge les enfants. Comment faire en sorte que son fils utilise des préservatifs  ? Comment annoncer à ses enfants la disparition d’un proche  ?

Redonner confiance aux parents

En écoutant les autres parents se confier ouvertement, une confiance mutuelle s’installe. « Une solidarité », précise Amélie Rodot. « Un enfant qui sort à 8 heures du matin et revient à 11 heures du soir, est-ce normal  ? » s’est inquiétée une maman, témoignant dans le documentaire Une maison pour les parents, réalisé en 2009 (1). Un père n’a pas eu peur d’interroger les participants sur le recours aux châtiments physiques, coutumiers dans son pays mais interdits en France… Et le rire répond souvent aux questions les plus graves. « Mon fils m’a demandé pourquoi je n’embrassais pas un homme comme dans le film, à la télé, a confié une autre, penaude. J’ai répondu… que les Arabes ne font pas l’amour  !"

Mais les barrières culturelles sont vite transcendées, poursuit Amélie Rodot  : « Une crise d’ado, cela reste une crise d’ado qu’on soit du Maroc ou des Antilles. » N’en déplaise à certains sociologues cherchant dans l’étude de l’éducation des familles subsahariennes des explications de la délinquance des mineurs. Répondre aux demandes d’achat de vêtements de marques par des enfants plongés dans la société de consommation est une problématique partagée aussi bien par les parents en grande précarité que par les plus aisés.

À l’opposé des politiques qui pointent du doigt la responsabilité individuelle « de parents démissionnaires » des quartiers populaires, ici, on mise sur le collectif pour redonner confiance aux parents. Les échanges entre des pratiques différentes valent toutes les théories pédagogiques, tous les coachings et tous les suivis éducatifs.

« Se comparer est le meilleur moyen de se rassurer et de se rendre compte qu’il n’y a pas de recettes miracles », confie Lara. « Sans aucun problème » avec ses trois enfants de quatre, sept et dix ans, elle doute, comme tous les parents, de ses décisions « trop souples » ou « pas assez dure », laissant « trop d’autonomie » ou « pas assez d’indépendance ».

Pour les cas les plus délicats, des rendez-vous en tête à tête peuvent être pris en journée avec une psychologue. Une assistance administrative et juridique est également offerte en journée. Indispensable pour permettre à Samia de continuer sereinement à s’occuper de ses trois enfants sans être submergée par les angoissantes et kafkaïennes démarches pour obtenir des papiers. L’atelier Chant du monde, tous les vendredis, offre aussi un bol d’air à cette mère de famille qui vit avec ses parents, après être arrivée d’Algérie, il y a cinq ans, suite à un divorce. Mais le plus important, ce fut pour elle le soutien du groupe des femmes de la Maison des parents. Qui est un peu devenue aujourd’hui, « sa deuxième maison ».

(1) Une maison pour les parents, documentaire d’Emmanuelle Simon et Daniel Kupferstein.

Une maison qui fait des petits

La Maison des parents de Bobigny, lancée en 2005 après les assises de la ville, fut l’une des premières structures créées pour aider les parents dans leurs relations avec leurs enfants. Reims et d’autres villes du sud de la France sont venues récemment visiter Bobigny pour s’inspirer de cette logique de coéducation. En vingt ans, plus de 130 espaces de ce type ont ouvert. Ce succès contraste avec l’échec de la logique, diamétralement opposée, visant à suspendre les allocations familiales des parents jugés trop laxistes. Seules 31 demandes de suspension des allocations familiales ont été adressées aux CAF pour absentéisme scolaire, a révélé début mai, le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel.

Pierre Duquesne


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