Mercenaires Des guerres toujours davantage… privatisées

vendredi 10 juin 2011.
 

Nombreux sont ceux qui se souviennent encore des terribles images des opérations et des virées souvent sanglantes des « employés » de la firme américaine Blackwater en Irak. Or, des années après qu’elle a été finalement expulsée de ce pays pour cause d’exactions répétées, ni Blackwater, ni ses responsables n’ont jamais été vraiment inquiétés et encore moins condamnés par la justice. Pas étonnant que de telles firmes de mercenariat moderne, de véritables multinationales militaires et de sécurité privées, ayant pignon sur rue pour les plus grandes (et souvent anglo-saxonnes), se soient multipliées « comme des champignons », pour reprendre l’image d’un expert. D’autant plus que les affaires sont fort rentables. Des observateurs estiment que, ces dernières années, le secteur des SMSP a généré, bon an mal an, un chiffre d’affaires global de plus de 100 milliards d’euros  ! Bref, le mercenariat, sous toutes ses formes, s’est rarement aussi bien porté que depuis les invasions américaines (et anglaises) de l’Afghanistan et de l’Irak.

Ultralibéralisme forcené, affairisme et coûts politiques significativement inférieurs aidant, les guerres de l’administration Bush ont constitué un appel d’air inouï pour les firmes du nouveau mercenariat. À l’arrivée, selon des estimations, il y aurait en Afghanistan davantage de ces « contractuels » militaires privés (appellation de l’armée américaine) que de soldats américains portant l’uniforme. Comme souvent, d’autres pays, à commencer par le Royaume-Uni, suivent le mouvement.

Un nouveau mercenariat

Mercenariat, travail de renseignement, logistique ou sécurité rapprochée (des personnes, des convois…), ces sociétés, dont les « employés » ne sont plus considérés comme des criminels, contrairement à l’époque postcoloniale (les années 1960), peuvent fournir en toute légalité un éventail de services « flexibles » clés en main à qui veut et peut y mettre le prix – principalement des gouvernements mais les grandes entreprises sont aussi sur le rang. Le problème, c’est que, contrairement aux forces militaires ou de police régulières, ces firmes n’ont à rendre de comptes à personne – rarement même à leurs commanditaires, qui préfèrent souvent la discrétion. Reste à savoir comment réglementer et contrôler ce phénomène des SMSP au niveau international.

Le problème est devenu un véritable casse-tête pour les juristes et les humanitaires qui assistent impuissants à l’explosion de l’usage à tous les niveaux de ces agents privés sur les théâtres des conflits – la Libye étant le dernier et terrible exemple en date et ce d’autant plus que Kadhafi utilise des militaires privés enrôlés pour écraser la rébellion d’une partie de son propre peuple.

Pour nombre de spécialistes, la réponse réside dans un accord international contraignant sous l’égide des Nations unies que parapheraient, bon gré mal gré, les États et qui les rendrait responsables du contrôle de ces sociétés et de leurs activités sur leur territoire et ailleurs. C’est l’objectif du groupe de travail intergouvernemental de l’ONU – mais ouvert aussi aux ONG – qui se réunit pour la première fois à Genève cette semaine. Il espère réussir à lancer une dynamique comme celle qui a abouti à l’interdiction des mines antipersonnel (par le traité d’Ottawa). L’ennui, c’est que jusqu’ici les pays occidentaux, les plus importants utilisateurs des services des SMSP, traînent les pieds et se font prier pour participer.

La France aux avant-postes avec la secopex

La France, qui a connu sa part d’ombre et sa propre histoire du mercenariat en Afrique, s’adapte aussi au nouveau modèle des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP). L’arrestation, à la mi-mai, à Benghazi de quatre agents employés d’une SMSP française de Carcassonne, la Secopex, accusés par les rebelles d’espionnage au profit du colonel Kadhafi, a jeté un coup de projecteur cru sur cette réalité. Quant au fondateur de la firme, un ancien militaire d’élite, un ex-para de quarante-sept ans, Pierre Marziali, il aurait été, lui, tué lors de ces mêmes « arrestations ». D’après des rumeurs, Secopex, fondée en 2003, se disait capable sur commande, de mettre rapidement sur pied une force de 2 000 mercenaires. Après la mort du fondateur, le vice-président de la société, Robert Dulas, rejetant les accusations d’espionnage, déclarait que Secopex avait bien eu des contacts avec le régime mais que gouvernement français et forces rebelles étaient « au courant des activités de Secopex en Libye »…

Ramine Abadie


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