On se souvient de la subtile déclaration d’Angela Merkel le 18 mai dernier à propos du farniente dans les pays du sud de l’Europe. La virago avait enfilé les clichés. Pour elles les gens du sud "prennent leur retraite plus tôt que les Allemands" et ils ont des "vacances très longues".
En France aussi, ce discours a ses perroquets. Dimanche passé, j’en ai rencontré un spécimen rustique sur le plateau de BFM TV, en la personne de l’économiste Michel Godet. Il était question de l’Allemagne et de son soi-disant merveilleux modèle de croissance. Godet a prétendu que je mentais quand j’ai indiqué que "nous sommes plus productifs qu’eux, nous travaillons plus longtemps qu’eux". Il a ensuite récité les mantras des libéraux : "il faut remettre la France au boulot, on travaille par habitant deux semaines de moins que l’Allemagne". Rien n’y fera pourtant.
Je sais que j’ai raison, chiffres à l’appui. Je n’aurai pas attendu longtemps pour être confirmé. Dès lundi matin c’était chose faite. Le 30 mai en effet, une étude économique de la banque Natixis est venue confirmer ce que je disais. Le titre de cette note est explicite : "Les Allemands travaillent-ils plus que les Européens du Sud ? Non, ils travaillent beaucoup moins, et pas plus intensément". Vient alors une démonstration accablante pour le sieur Godet, graphiques et équations à l’appui.
On y apprend par exemple que la durée annuelle moyenne du travail est largement supérieure en Grèce, Portugal, Espagne et France qu’en Allemagne. Et cela se vérifie non seulement pour la dernière année connue, 2009, mais aussi sur les 10 dernières années ! Les Grecs travaillent en moyenne 2 119 heures par an contre 1 390 heures pour les Allemands ! Sur les retraites, les mensonges de Merkel sont éclatants.
L’âge effectif moyen de départ à la retraite est quasiment le même en Allemagne (62,2 ans) qu’en Espagne (62,3 ans), au Portugal (62,6 ans) et en Grèce (61,5 ans). Quant à ma démonstration sur la productivité des travailleurs français, elle est aussi confirmée par cette étude. Pour les derniers chiffres disponibles à fin 2010, la productivité horaire du travail de la France est supérieure à celle de l’Allemagne.
Je ne sais pas si mes lignes peuvent avoir le moindre impact sur le niveau général du débat public quand par hasard il vient sur des faits concrets et des données techniques. Je sais cependant que nous avons pour nous toutes les raisons de tenir bon. Que tous ces gens mentent et truquent les faits n’est pas le plus grave. Ce qui est désolant c’est que leur obsession soit devenue des lieux communs répétés à tout bout de champ. Et que dès lors les décideurs puissent en toute impunité prolonger sans fin des traitements qui nous conduisent tous au désastre.
Le traitement des problèmes est si absurde ! Les menaces de non versement de « l’aide » à la Grèce n’ont aucun sens. Si la Grèce faisait défaut, plusieurs banques de niveau mondial tomberaient. Le choc effondrerait une bonne part du cœur financier du système. En tout cas cela frapperait à mort plusieurs grands établissements français et allemands. Qui peut vouloir cela ? De même la danse mortelle des agences de notation autour des pays du sud de l’Europe n’est pas innocente. Certes elles permettent aux banques de se gorger. Comme il est frappant de voir que les emprunts demandés par les Etats soit disant en faillite sont souscrits plusieurs fois. Il y a donc une masse de préteurs qui trouvent l’intérêt des taux de profits offerts supérieurs aux risques de ne pas être remboursés. Où est la rationalité de ce comportement ? Quoiqu’il en soit le système des notes ne mène nulle part. Les agences baissent les notes et renchérissent les emprunts parce que le déficit serait excessif. Mais cela même contribue à augmenter les déficits puisque le service de la dette renchérit pendant que l’activité et les rentrées d’impôts diminuent. Du coup, les agences baissent de nouveau les notes et ainsi de suite. Loin d’être des régulateurs efficients, les « marchés » sont la cause du désordre dans « l’allocation des ressources ». Le libéralisme ça ne marche pas.
Mais si l’Espagne tombe après le Portugal, sans parler de l’entrée en lice du cas italien, le « fond européen de stabilité » bla bla, n’y suffira pas. D’ailleurs ce fonds n’existe pas réellement. L’argent promis n’existe pas. Aucun Etat n’en a l’avance puisque tous sont en déficit. La Commission Européenne pas davantage. Et le FMI vit des contributions de ses membres. Pour constituer le fond et le mettre en mouvement tous les protagonistes devront donc emprunter. Leur surgissement sur le marché financier pour de tels montants est un facteur mécanique de renchérissement des prêts. Surtout que les années 2011 et 2012 sont celles où vont se présenter des besoins de financement gigantesques. Il s’agit du « mur de dette » pointé par les rapports du FMI. Les banques elles-mêmes doivent se refinancer pour une masse de trois mille six cent milliards de dollars. La dette privée entre en scène en quelque sorte. Il faut bien se souvenir que c’est elle la plus importante et de loin aujourd’hui. Par conséquent compte tenu de l’instabilité fondamentale que cette situation implique les petits jeux mesquins et étroits de la Commission et de l’Union européenne sont spécialement dangereux. Ils peuvent déclencher la catastrophe du fait même des moyens qu’ils mettent en œuvre pour la conjurer. Si je m’en tiens a ce que je crois et ce que j’ai vu dans un passé récent, je crois que cette échéance ne pourra pas être évitée.
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