Entretien avec Aurélie Trouvé, candidate à la direction générale du FMI

dimanche 19 juin 2011.
 

Le FMI joue un rôle décisif dans la régulation – ou plutôt l’absence de régulation – de la finance internationale. C’est pourquoi l’association Attac a décidé de proposer une candidature pour succéder à Dominique Strauss-Kahn.

2) Aurélie Trouvé « Le FMI doit être refondé entièrement »

Vous avez porté l’alternative au néo-libéralisme dans les contre-sommets internationaux. Pourquoi vous présentez-vous aujourd’hui à la direction générale du Fonds monétaire international (FMI)  ?

Aurélie Trouvé. Au début, c’était une provocation pour donner l’alerte. Les médias ont suivi. Cette candidature se veut l’écho de toutes les aspirations démocratiques et des mouvements contre les plans d’austérité. Avec la crise, le G20 a remis en selle le FMI. Au travers d’une émission massive de droits de tirage spéciaux et d’une politique d’austérité en Europe, le Fonds met en place une politique néolibérale sans précédent. Elle consiste à faire payer la crise aux salariés, aux retraités et aux chômeurs, sans mettre à contribution les principaux responsables. La finance et les banques voient de leur côté leurs profits repartir de plus belle. Or, cette politique est injuste et inefficace économiquement. Après plusieurs mois d’austérité, la dette grecque ne fait qu’augmenter. La régression sociale entraîne de la régression économique, qui elle-même plombe les recettes publiques. Avec cette candidature, nous montrons qu’une autre voie est possible. Celle de l’arrêt des plans d’austérité, de la restructuration et de l’annulation partielle des dettes. Il faudrait également une mise à contribution de la finance par une taxation des transactions financières suffisamment forte pour dégager des fonds importants pour la lutte contre la pauvreté et la dégradation de la planète. Si 0,05 % du montant des transactions financières était prélevé, on générerait des centaines de milliards d’euros.

Ne serait-il pas plus simple 
de supprimer le FMI  ?

Aurélie Trouvé. Les institutions internationales ont un rôle important. Il est évident qu’une coordination entre les pays est nécessaire. La concurrence sert l’hégémonie des pays les plus riches et les grands détenteurs de capitaux. Elle doit être remplacée par des institutions au service de la solidarité entre les pays, des droits sociaux des populations et de la préservation de la planète. C’est pour cela que le FMI doit être refondé entièrement, à la fois en termes de politique économique et de gouvernance. Le FMI fonctionne selon le principe « un dollar égale une voix ». Les pays créanciers possèdent l’essentiel du pouvoir de décision. Par exemple, un pays comme les États-Unis, qui ont une dette faramineuse, ne rend aucun compte. Pourtant, cette dette met en danger toute la stabilité financière internationale. Il y a bien deux poids, deux mesures.

Pensez-vous que votre candidature puisse aboutir  ?

Aurélie Trouvé. Tous les profils des candidatures présentées aujourd’hui ont fait partie de la gouvernance du FMI ou ont des intérêts imbriqués avec ceux de la finance. Un des candidats a passé une dizaine d’années chez Goldman Sachs. Notre candidature est la seule à porter une alternative à la politique libérale. Nous sommes décidés à aller jusqu’au bout. Nous avons envoyé une lettre ouverte à Christine Lagarde, puisque la candidature doit être présentée par un gouverneur du FMI. Nous attendons sa réponse.

Entretien réalisé par Clotilde Mathieu, L’Humanité

1) Aurélie Trouvé, co-présidente d’ATTAC, candidate à la direction générale du FMI

Aurélie Trouvé, 31 ans, est maître de conférences en sciences économiques et coprésidente d’Attac depuis quatre ans. Elle est spécialiste des marchés agricoles, actuellement l’un des domaines de prédilection de la spéculation financière internationale. Elle bénéficie du soutien technique et politique du Conseil scientifique d’Attac, qui comporte de nombreux économistes spécialistes des questions financières. Si elle ne bénéficie pas encore du soutien officiel d’États, sa candidature suscitera l’intérêt de tous ceux, gouvernants ou citoyens, qui désirent remettre l’industrie financière à sa place, celle de soutien aux initiatives de l’économie réelle.

Depuis l’éclatement de la crise financière en 2008, ni le G20, ni le FMI, pas plus que le comité de Bâle ou les autorités nationales de régulation financière, n’ont pris de mesures pour réduire significativement l’instabilité des marchés financiers internationaux. La spéculation fait aujourd’hui rage sur les matières premières et les titres des dettes publiques.

Avec Dominique Strauss-Kahn, la politique du FMI a consisté, comme par le passé, à défendre inconditionnellement les intérêts des créanciers des États endettés, en imposant à ces derniers des plans d’austérité brutaux : Hongrie, Ukraine et Lettonie en 2008, Islande en 2009, Grèce, Espagne, Portugal, Irlande en 2010… Les banques et les fonds d’investissement sont les principaux bénéficiaires de politiques qui détruisent les solidarités sociales et mènent l’Union européenne au bord du gouffre.

Tout indique que Christine Lagarde fera encore pire que Dominique Strauss-Kahn. Christine Lagarde a été à la tête d’une technostructure du Ministère de l’Economie (Direction Générale du Trésor et Direction du Budget), composée de fonctionnaires ultralibéraux acquis aux intérêts financiers. C’est ainsi que la France a refusé en 2010 de soutenir l’Allemagne sur la question de l’interdiction de la spéculation sur les CDS (vente à nu à découvert). Les représentants de la France à Bruxelles ont toujours freiné les maigres initiatives de la Commission sur la régulation financière. Sur la question de la taxation des transactions financières, malgré le discours apparemment offensif de Nicolas Sarkozy, le ministère de Christine Lagarde s’est toujours refusé à produire des notes et études préparant une décision, et la France ne s’est jamais engagée réellement auprès de ses partenaires de l’Union européenne ou de l’Eurogroupe.

Aurélie Trouvé propose une réorientation fondamentale du FMI, partant du principe que la stabilité financière mondiale est un bien public qui doit être démocratiquement géré par la communauté internationale dans son ensemble.

Son programme pour le FMI comporte donc :

- l’arrêt des plans d’austérité, et la mise en place d’une taxe sur les transactions financières et d’une stricte régulation des transactions sur les produits dérivés

- la coordination des politiques économiques au plan international, amenant les pays présentant des déséquilibres excessifs (Chine, Allemagne, Japon du côté des pays excédentaires, États-Unis du côté des pays déficitaires) à se rééquilibrer de façon coordonnée par des ajustements des taux de change ainsi que des politiques budgétaires et salariales actives ;

- le développement d’une monnaie internationale basée sur un panier des principales devises, comme alternative au dollar ;

- l’émission de Droits de tirage spéciaux pour aider les pays en difficulté durant la période de réduction des déséquilibres internationaux ou face à des chocs conjoncturels imprévus ;

- la démocratisation du FMI, par l’élargissement de son Conseil d’administration à tous les pays de la planète et l’intégration du FMI dans le système onusien, avec une voix pour chacun des 187 pays membres du Fonds : il s’agit d’en finir avec le pouvoir exclusif des grandes puissances.

C’est sur cette base qu’Attac a envoyé hier 1er juin 2011 au FMI la candidature officielle de Mme Aurélie Trouvé, 31 ans, économiste. Toute candidature doit être présentée par un des gouverneurs et administrateurs du FMI. L’association Attac compte sur le fair play de Christine Lagarde, actuel gouverneur du FMI pour la France.

Attac France,

Paris, le 2 juin 2011


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