Pour penser l’avenir, il faut penser l’instabilité, l’inattendu, la rupture.

samedi 25 juin 2011.
 

L’agence de notation Standard & Poor’s a abaissé lundi de trois crans la note de la Grèce. Une nouvelle baisse de cette ampleur placerait la dette souveraine du pays au niveau le plus bas que prévoit cette notation. Oui mais la Grèce trouve toujours des prêteurs sur les marchés se rassurent ceux qui professent les vertus autorégulatrices du marché. Sauf que les taux sont de plus en plus prohibitifs. Une baisse de note alourdit paradoxalement la dette qu’elle juge trop pesante.

Le résultat n’est pas l’équilibre mais l’emballement. Même fournies hors marché par l’Union Européenne et le FMI, les liquidités dont la Grèce a besoin viendront d’Etats eux-mêmes déficitaires et endettés. Ils seront donc empruntés sur les marchés, creusant le coût du financement public au moment même où les besoins de refinancement des banques privées atteindront un sommet : le fameux mur de la dette que l’on percutera en 2012.

Le défaut de l’Etat grec est en réalité devenu une certitude. Si les marchés financiers semblent imperturbables c’est que leur unique horizon est le court terme. Jusqu’à la veille du krach, il y a encore de l’argent à se faire et l’investisseur doit en ramasser pour rester dans le jeu concurrentiel. Comme cette course de voitures dans la Fureur de vivre, il faut rester pied au plancher jusqu’au bord de la falaise. C’est effrayant de voir comment ce temps court de la finance a pris le pouvoir sur tous les autres. Il domine les institutions politiques dont la fonction est au contraire de penser le temps long où se construit l’intérêt général. On les voit mener des politiques qui aggravent une catastrophe inéluctable pour donner un bref délai au festin de la finance. C’est le cas notamment du pacte euro plus et des recommandations hallucinantes de la Commission Européenne aux Etats membres qui mises en œuvre conduiraient à une récession violente et généralisée. Une telle distorsion entre les politiques menées par les gouvernements et l’intérêt général révèle la confiscation du pouvoir au profit d’une oligarchie qui, elle, s’enrichit dans la financiarisation de l’économie.

Quand le défaut grec se produira, il frappera les banques. C’est la vraie bombe à retardement pointée récemment par le FMI qui en est à souhaiter que les prochains crash test conduisent à la disparition d’un certain nombre d’établissements européens. Ce sont des banques françaises et allemandes qui sont les principaux détenteurs de dette grecque. Mais la BCE, gardienne de la zone euro aussi ! Et l’effet d’interconnexion du système financier est tel, « mondialisation » oblige, que les banques moins exposées mais plus fragiles pourraient être emportées. Cela concerne l’intégralité du système bancaire de plusieurs pays : l’Irlande, la Grèce, le Portugal, tous en zone euro. Soit ces Etats laissent couler leurs banques et leur économie s’effondrera, soit ils viennent à leur secours et c’est eux qui s’effondreront à leur tour. La restructuration de la dette mondiale laissera des morts.

Un monde qui s’effondre, ça n’existe pas, se rassure le naïf qui-croit-dans –les-autorités-de-son-pays. Eh pourquoi pas !

Un referendum adopté à 95% dans un pays européen membre des 10 premières puissances économiques du monde contre une loi votée majoritairement quelques semaines auparavant par son Parlement élu, ça n’existe pas non plus ? C’est pourtant ce qui vient de se produire en Italie. Pas pour une loi, mais pour quatre d’entre elles.

Pour penser l’avenir, il faut penser l’instabilité, l’inattendu, la rupture.


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