Mondialisation Démondialisation 22 Il faut s’attaquer à la logique même du capital ( Élisabeth Gauthier, CN du PCF)

dimanche 14 août 2011.
 

Les propositions récentes de « démondialisation » montrent à quel point la gravité de la situation dans le monde appelle des alternatives. Certes, la crise de la finance, du commerce international, des monnaies est spectaculaire, mais ces aspects doivent être saisis dans leurs articulations avec la globalité de la logique du capitalisme contemporain. La mondialisation des échanges sous ses formes actuelles est elle même une expression de la crise du mode d’accumulation et de reproduction du capital, d’un nouveau régime du capitalisme : financiarisé et globalisé, il marque progressivement le monde et l’ensemble des sociétés ; il y modifie la confrontation de classe.

Lors des échanges des marchandises sur le marché, lorsque prend forme la valeur d’échange, le travail humain comme facteur constitutif de cette valeur reste masqué. On en voit les conséquences jusque dans les travaux d’économistes critiques de la mondialisation qui étudient le commerce, la finance, la monnaie, mais sans en établir le rapport au mode de production. Ils ne saisissent bien souvent la mondialisation que comme un vaste processus de dérégulation, de démontage des protections. Or la mondialisation ne peut être réduite à cette dimension. En réalité, les transformations du capitalisme à partir des années 1970 constituent une réponse à la crise du capitalisme de type fordiste -et son volet (néo)colonialiste - de l’après-guerre.

C’est dans un même mouvement que s’organisent de grandes transformations - portée par la grande offensive néolibérale - ayant pour objectif de relancer la dynamique d’accumulation : démontage du statut du salariat ; pilotage des entreprises par les intérêts de la finance et baisse des investissements productifs ; redistribution de la valeur ajoutée en faveur du capital ; démantèlement des régulations locales, nationales et internationales ; déconnexion entre finance et économie réelle ; extension du capitalisme financiarisé et mondialisé à l’ensemble des régions du monde ; marchandisation progressive de l’ensemble des activités humaines ; inégalités croissantes dans les deux hémisphères ; vaste dépossession (D.Harvey) des populations à travers le monde (terres, maisons, secteur public, matières premières,…). Le tout s’accompagnant de la mutation des Etats vers des formes de « market state ». Le nouveau régime du capitalisme avec l’ensemble de ses caractéristiques - dont la globalisation - finit par restreindre, du local au global, les pouvoirs politiques basés sur la souveraineté populaire. Cette logique globale et cohérente a fini par plonger le monde - qui ne peut rester en l’état - dans une crise de civilisation (1). Le capitalisme est lui-même gravement endommagé, les réponses des dominants ne font qu’aggraver la crise.

Comment nommer le projet alternatif ? « Démondialisation » ? Ne doit-on pas plutôt travailler à changer le monde, à travers des logiques alternatives de nature à dépasser le capitalisme ? S’il s’agit de contester l’ensemble des logiques du capitalisme financiarisé et mondialisé, nous ne pouvons nous en tenir à des protections limitées, concernant essentiellement le champ des échanges internationaux. Un nouveau mode développement social, écologique, démocratique est à inventer partout dans le monde, ce qui suppose de mener partout une confrontation multidimensionnelle avec la logique du capital devenu globale. Les sphères de la finance, des monnaies, des échanges commerciaux constituent des champs essentiels de cette confrontation. Mais le projet alternatif doit viser simultanément des changements radicaux en ce qui concerne le travail, la répartition des richesses, des pouvoirs, une nouvelle démocratie politique et économique à toutes les échelles. Les protections contre la liberté du capital de circuler sont décisives, pour autant qu’on les articule à des protections contre l’exploitation. Les marchés financiers doivent être pris en tenaille, d’un côté à travers un ensemble de mesures de régulation contraignantes et de l’autre par le dépassement du rapport actuel entre capital et travail. Poser ainsi l’ensemble des enjeux dans leur cohérence devrait permettre de dépasser une certaine ’division du travail’ dans les luttes (altermondialistes, syndicales, politiques..). Face à la crise de civilisation, rassembler toutes les forces - du local au global - pouvant porter un « intérêt général » face aux logiques destructrices du capitalisme constitue un défi de première importance.

Par Élisabeth Gauthier, membre du Comité National du PCF, coéditrice de la revue TRANSFORM  !

(1) Une crise de civilisation ? Colloque Espaces Marx janvier 2011. Hors série de la revue Transform !. 220p. Paris 2011. Voir www.Espaces-Marx.org


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message