Du CPE à une crise politique (PRS national)

lundi 3 avril 2006.
 

L’intervention de Jacques Chirac vendredi soir monte encore d’un cran le niveau du bras de fer engagé autour du CPE. La légitimité du pouvoir en place n’a jamais été aussi faible. C’est désormais à une échelle de masse que l’on rappelle les conditions de l’élection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen. Dans les manifestations, les appels à la démission du gouvernement ou du président se multiplient. En annonçant vouloir réviser le CPE par un amendement parlementaire, Chirac en est réduit à tenter de détourner la colère populaire sur sa propre majorité. Dans ce contexte, la Convention nationale de PRS change de nature.

Le rejet de la société de précarité généralisée symbolisée par le CPE et de l’humiliation de la France populaire que représentent les autres mesures du projet de loi pour l’égalité des chances a débouché sur une crise politique de première grandeur. Après avoir sciemment fermé toutes les issues, le pouvoir barricadé derrière une légitimité de papier en est réduit à renvoyer le soin de réviser le CPE à sa propre majorité parlementaire. Sarkozy, à la fois président du parti majoritaire et numéro deux du gouvernement, annonce sans être démenti par quiconque qu’il prend désormais personnellement en main les négociations. Le pouvoir du président de la République et celui de son premier ministre ne sont déjà plus que des apparences. Celui de Sarkozy est construit sur le pari extrêmement hasardeux que l’annonce d’un CPE light suffira à calmer la mobilisation et que le président de l’UMP apparaîtra alors comme le maître d’oeuvre de la sortie de crise. Mais rien n’est moins sûr. Si la manifestation de mardi 4 marque un maintien voire un élargissement de la mobilisation, cette dernière tentative aura échoué. Ce sont alors toutes les voies de recours internes aux institutions en place qui auront été épuisées. La question du retour aux urnes se trouvera donc directement posée. L’expérience de mai 1968 montre ce qu’il en coûte de ne pas affronter politiquement la crise politique lorsqu’elle a lieu. L’élection de juin 1968 donna alors raison aux gaullistes qui prononcèrent la dissolution de l’Assemblée et non aux manifestants qui criaient « élections piège à cons », ce qui paraît d’un certain point de vue assez logique... Expliquer aujourd’hui contre toute évidence et contre le sentiment même des personnes mobilisées que la crise est purement sociale et non politique serait commettre une erreur similaire. Il faut donc souhaiter que les déclarations relevées par l’AFP à la sortie du sommet des gauches soient des écarts passagers. On y lit en effet que « les socialistes ont insisté sur le fait que, pour l’instant, il s’agissait d’une "crise sociale" et non politique, comme l’a dit Henri Emmanuelli. François Hollande a assuré que la gauche ne voulait "pas utiliser, instrumentaliser un mouvement qui a sa force, sa dignité, et qui va bien au-delà des clivages traditionnels". "La gauche ne poursuit pas d’intérêt partisan : ce n’est pas le temps des élections, c’est le temps de la responsabilité", a martelé le premier secrétaire du PS, assurant qu’il ne demandait "aucune démission, si ce n’est celle du CPE ». L’appel au respect des échéances électorales et le refus de poser la question de la légitimité du pouvoir actuel procèderaient d’une négation invalidante de l’état d’urgence politique. Pour que la gauche incarne une sortie à la crise, il faut d’abord qu’elle regarde la crise en face, qu’elle l’assume et qu’elle y réponde. On peut certes se féliciter que les onze partis de gauche, du PRG à la LCR, se soient retrouvés samedi pour s’exprimer d’une même voix, exiger le retrait pur et simple du CPE et rejeter la manoeuvre chiraquienne. Mais si la crise continue d’enfler, cela ne suffira pas. C’est une issue politique qu’il faut dessiner : la gauche doit se déclarer prête à gouverner dans le prolongement de ce mouvement populaire. Ce qui pose d’abord la question de son unité. « La gauche doit s’unir, la droite doit partir », voilà le slogan de PRS dans la période.


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