La bonne fortune des Bettencourt et la dette

jeudi 28 juillet 2011.
 

Les membres du « clan » se sont versé 237 millions d’euros de dividendes en 2011. Une part de cette manne provient de fonds qui ont assurément spéculé sur les dettes publiques. Un cas parmi d’autres au sein des grandes familles.

Le clan familial des Bettencourt s’est disputé puis s’est réconcilié avant de se déchirer à nouveau. D’un côté, l’ancêtre, Liliane Bettencourt, femme la plus riche de France, héritière du fondateur de L’Oréal, le n°1 mondial des cosmétiques. De l’autre, Françoise Meyers-Bettencourt, sa fille et son héritière, et le mari de celle-ci, Jean-Pierre Meyers. En jeu, derrière ces affrontements familiaux, le contrôle de L’Oréal. Mais les uns et les autres n’ont guère de soucis pour se partager les résultats des placements effectués au travers de leurs holdings.

Téthys et Clymène

Ce sont les deux sociétés par lesquelles les Bettencourt contrôlent le groupe L’Oréal et spéculent en Bourse, sur les actions, mais aussi sur les obligations et notamment les titres de dette publique. Téthys dispose ainsi d’un portefeuille de 20,9 millions d’euros de valeurs mobilières de placement en 2010, tandis que Clymène, filiale de Téthys dédiée essentiellement aux activités de spéculation, possédait en 2009 (les comptes 2010 n’ont pas été encore publiés) un matelas de titres de placements de 388,2 millions d’euros. Le rapport d’activité précisait d’ailleurs que « l’essentiel des produits de la société provient de la gestion des actifs circulants, constitués de valeurs mobilières de placements ».

Ces deux sociétés ont par ailleurs placé une partie de leurs œufs dans le panier des fameux hedge funds, ces fonds spéculatifs pour une bonne part liés à la finance anglo-saxonne. Si l’on ne connaît pas le montant exact de ces placements, on ne peut douter de leur existence dans la mesure même où les rapports d’activité des deux sociétés y font référence. Aussi bien chez Téthys que chez Clymène, il est spécifié que « les parts de hedge funds sont évaluées sur la base de la valeur liquidative, estimée ou finale, à la date de clôture transmise par les administrateurs de ces fonds ». Selon un cabinet spécialisé, ces fameux hedge funds géreraient actuellement 2 044 milliards d’actifs à travers le monde et sont très actifs en Europe, particulièrement depuis le déclenchement de la crise de l’euro.

Autres intervenants très actifs sur le marché de la dette publique européenne et forcément présents dans le panier de Téthys et de Clymène  : les sicav et fonds commun de placements. Les seuls organismes de placements collectifs en valeurs mobilières des compagnies d’assurances européennes possèdent 554 milliards d’euros de titres d’État. Les Bettencourt y goûtent, nécessairement.

290 millions d’euros de produits financiers

Ce sont là, assurément, des stratégies qui rapportent. Téthys a dégagé en 2010 un résultat net de 168,2 millions d’euros et a versé aux Bettencourt en 2011 un dividende de 237 millions d’euros. Pour payer plus qu’il n’a été dégagé de bénéfices, les membres de la famille se sont entendus pour puiser dans les réserves. Clymène a le profit plus modeste. Le bénéfice net comptable dégagé s’est élevé l’an dernier à 16,8 millions d’euros, contre 20 millions en 2009. Le nouveau directeur général, Jean-Pierre Meyers, le gendre de Liliane Bettencourt, qui a remplacé Patrice de Maistre, déménagé, explique le recul des résultats en déclarant dans son rapport d’activité que la direction de Clymène est « restée prudente dans l’exposition de cette dernière aux aléas du marché et n’a pas de ce fait profité pleinement de la hausse des marchés en 2010 ». Un coup pied de l’âne à son prédécesseur, sans aucun doute, qui n’a pas su spéculer comme il faut.

Les 170 milliards de trésorerie des groupes du CAC 40

Le cas de la famille Bettencourt n’est qu’un exemple parmi d’autres des profiteurs de la dette publique. Effectivement, ils ne sont pas les seuls. Les Peugeot, les Wendel, les Arnault… disposent également de holdings qui interviennent sur les marchés financiers. Au-delà de ces gros actionnaires, la spéculation est une activité courante des grands groupes du CAC. Courant 2011, ces derniers affichaient un « cash » de 170 milliards d’euros.

Le besoin de transparence

Pourquoi pas une commission d’enquête parlementaire sur les profiteurs de la dette publique  ? Les sorties de Nicolas Sarkozy contre le capitalisme financier pourraient ainsi être plus convaincantes. Qu’a fait Total 
de ses 15,7 milliards de cash, et Peugeot de ses 10,4 milliards, France Télécom de ses 7 milliards  ? Cela mériterait 
que les élus de la nation aillent y voir de plus près

Pierre Ivorra


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