Norvège Un militant d’extrême droite libéral chrétien s’attaque au Parti travailliste : près de 200 morts et blessés (8 articles)

samedi 29 juillet 2023.
 

8) Massacre perpétré en Norvège : Communiqué de Jean-Luc Mélenchon et Déclaration du PG

Cliquer sur le titre ci-dessus pour accéder à ces deux textes.

7) De la Norvège à la France, la haine à bout portant

La tuerie de l’île d’Utoya (Norvège), perpétrée par un « fondamentaliste chrétien », interroge le discours de haine des extrêmes droites européennes, dont le Front national.

« Le FN a un rôle pacificateur. » À se tordre de rire (jaune), n’était l’auteur de la phrase, Bruno Gollnisch, cadre déchu du Front national. Une fois n’est pas coutume, il volait dimanche au secours de sa rivale, la présidente du mouvement d’extrême droite français Marine Le Pen. C’est qu’une des conclusions politiques tirées de la tuerie d’Utoya ne leur plaît évidemment pas : les partis populistes et d’extrême droite européenne, dont le FN fait partie, sont accusés, par le Mrap notamment, de porter une « lourde responsabilité dans le climat délétère qui pèse sur le continent tout entier ».

L’association, qui met également en cause, « en France, la droite extrême qu’est la Droite populaire », en appelle à « plus de vigueur dans la lutte contre les groupuscules d’extrême droite racistes, ainsi qu’à plus de responsabilité pour combattre des politiques dont on sait qu’elles entretiennent la xénophobie et le rejet de l’autre ».

« Le Front national est évidemment parfaitement étranger à la tuerie norvégienne », a cru bon de préciser Marine Le Pen. « Les Français savent très bien qu’on n’incite pas à ce genre d’action violente », plaide Steeve Briois, son bras droit. Eux ne font pas le lien entre les discours haineux et le passage à l’acte. Et s’ils se disent prêts à déposer plainte pour diffamation contre « quiconque » se prêterait à l’exercice, c’est sans doute qu’il y a matière à creuser.

Certaines réactions sont en effet pour le moins ambiguës. La Droite populaire, partie intégrante de l’UMP, n’est intervenue que pour... demander l’arrêt des subventions au Mrap, « issu historiquement » du Parti communiste. Jean-Marie Le Pen l’a fait en son temps. Une « surenchère avec le Front national » dénoncée par le PCF. Au FN, Bruno Gollnisch souligne « l’interprétation littérale du Coran qui permet à certains de partir en guerre contre les chrétiens », alors que « la Bible ne permet pas l’inverse ». Laurent Ozon, membre du bureau politique du parti, écrit sur Twitter : « Expliquer le drame d’Oslo : explosion de l’immigration x 6 (multipliée par 6) entre 1970 et 2009. » 
Pacificateurs, vraiment ?

Le poison de la musulmanophobie

Les idées véhiculées par les partis populistes 
et nationalistes européens nourrissent bien 
la violence. Pour le chercheur spécialiste 
de l’extrême droite Jean-Yves Camus, « depuis dix ans (elles) présentent l’Europe comme un continent en voie d’islamisation et tous les musulmans comme des ennemis de l’Occident ». Mathieu Guidère travaille sur la radicalisation dans le monde. Il estime logique qu’Anders Breivik ait pris pour cibles les jeunes travaillistes norvégiens « qui diffusent cette idéologie 
de l’ouverture multiculturelle ». Car « côté chrétien on estime que la culture chrétienne 
a été corrompue par le multiculturalisme ».

Grégory Marin, L’Humanité

6) Plongée dans la pensée du tueur présumé Anders Behring Breivik

L’auteur présumé de la tuerie d’Oslo a laissé derrière lui de nombreux écrits. On y lit ses peurs, amalgames et croyances, comme on peut suivre sa radicalisation. Plongée dans les bases idéologiques du tueur.

Nous nous sommes principalement attachés à lire ses très nombreuses contributions sur des sites Internet de débat publics, politiques et culturels, comme Document.no. Ce qui nous paraît bien plus pertinent que de se borner à consulter sa page Facebook...

Bête noire : le multiculturalisme

Le « Multikulti » dans le texte d’Anders Behring Breivik. Il en a une définition un tantinet réductrice, ce serait la tentative d’intégrer les musulmans à des cultures européennes. Ce qui est, selon lui, non seulement voué à l’échec, mais surtout suicidaire. En effet, il est convaincu que le nouveau visage du Jihad est une guerre démographique. Il emploie pour décrire ce phénomène le terme : dhimmitude. De Dhimma, statut et impôt spécial pour les non-musulmans, créé au début du VIIIème siècle dans les pays conquis par les Omeyyades. Pour Breivik, "le résultat est une mort longue et douloureuse pour une partie de l’Europe, comme au Liban." Le Liban est son exemple phare pour représenter la conquête démographique des musulmans. Il cite très souvent ces chiffres : en 1911, le pays était majoritairement chrétien, les musulmans représentaient 21% de la population. En 2008, ils étaient 75%.

Mahomet et Marx, même combat

C’est la culture marxiste qui promeut le multiculturalisme. Pour Breivik, de SOS Racisme à l’ONU, quiconque souhaite l’intégration des immigrés est de culture marxiste. Ce sont ceux qui "mentent au peuple en parlant d’humanisme et des droits de l’homme". Sa culture politique est visiblement assez limitée... Il explique en 2009 : "Ce que la plupart des gens ne comprennent toujours pas, c’est que l’islamisation en cours de l’Europe ne peut pas être arrêtée sans tirer un trait sur les doctrines politiques (et les individus qui font ces doctrines) qui le permettent. Il faut se concentrer sur les doctrines multiculturelles (multiculturalisme = la culture marxiste)."

C’est le moment de la radicalisation chez Anders Behring Breivik. Il s’éloigne du Parti du Progrès, formation populiste dans laquelle il avait milité. Il était alors, à l’image du parti, chrétien, très attaché aux traditions norvégiennes et économiquement libéral. Le Parti du Progrès se dit également contre le multiculturalisme, à l’image de Geert Wilders aux Pays Bas. Mais Breivik s’en éloigne, car "nous avons été honnêtes autrefois, mais Marx et Mohammed nous ont forcé à devenir plus comme eux (ndlr : des guerriers), malheureusement." On voit mieux pourquoi il a choisi, comme cible de sa fusillade, le rendez-vous des jeunes du Parti du travail norvégien, incarnation pour Breivik du marxisme culturel, et donc cause du multiculturalisme. Son dernier message, posté quelques heures avant l’attentat le confirme, son but est "l’exécution des marxistes culturels et des traitres multiculturels".

Eglise, Israël et nazis modérés

Breivik est chrétien, et c’est important pour lui. Si, en se basant sur les écrits qu’on a pu lire, on ne peut clairement pas parler d’extrémisme religieux, cela fait partie de son identité. De la même manière, il souhaiterait que le christianisme soit constituant de l’identité européenne. Il appelle à un retour clair aux traditions religieuses les plus conservatrices, jugeant que " l’Eglise protestante d’aujourd’hui est une blague", avec ses "prêtres en jeans qui prêchent pour la Palestine".

Car Breivik est pour Israël. Ses prises de positions sur le sujet rappellent celles du Likoud : "Israël a le droit de se protéger contre le Jihad" dit-il. Mais tout en étant sioniste, Breivik se dit pour accepter les "nazis modérés", qui se sont détachés de la crémation des juifs (il n’emploie pas le mot génocide). On arrive là dans un sacré flou idéologique.

Ajoutons à cela qu’il se pose contre la libération sexuelle et le féminisme, cause selon lui de l’affaiblissement de l’église et de la morale. Mais c’est aussi la raison de la faillite du système patriarcal, garant de la famille nucléaire, ce qui implique une baisse du taux de natalité. C’est une point important lorsqu’on est convaincu que l’Islam mène une guerre démographique contre l’Europe.

Pour finir, un mot sur la France, que Breivik cite souvent. En premier lieu comme exemple : il voue une haine farouche à Marseille notamment, ville qu’il dépeint avec horreur, en proie aux émeutes, du fait que 38 % de ses habitants (ce sont ses chiffres) seraient musulmans. Plus intéressant, en 2009 il attaquait le Front National ainsi : "le Front national n’a pas réussi. On ne peut pas lutter contre le racisme (Multikulti) avec le racisme. L’ethnocentrisme est donc le contraire de ce que nous voulons atteindre."

Article de L’Humanité

5) « La religion transformée en arme pour exclure les nouveaux arrivants »

Frédérique Harry est maître de conférences à la Sorbonne à Paris, pour le département d’études nordiques. Elle a travaillé sur la place de l’extrême droite et de la religion en Norvège.

L’extrême droite a obtenu 22,9% lors des élections législatives de 2009. Comment expliquez-vous ce repli identitaire  ?

Frédérique Harry. L’extrême droite est puissante en Norvège depuis quinze ans pour plusieurs raisons. Jusque dans les années 1960-1970, la société norvégienne a été homogène. 
Par la suite, il y a eu de grandes vagues d’immigration. Aujourd’hui, 
le taux d’immigrés dans la société est de 10%. Cela a été perçu comme une explosion qui met en difficulté le modèle norvégien. Ce dernier reposait sur cette homogénéité, 
à savoir une entraide très importante entre Norvégiens, avec des taux d’imposition extrêmement forts. 
Il y a une surenchère de débats 
à l’heure actuelle sur l’égalité hommes-femmes, la place 
de l’islam. Depuis le début 
des années 2000, l’extrême droite 
se retrouve toujours dans le trio 
de tête des forces politiques lors 
des élections. Son discours 
s’est adapté aux exigences 
du politiquement correct. Il est un peu moins offensif contre les immigrés, au moins en apparence. 
À cela s’ajoutent d’autres craintes, 
liées à l’Europe, à la mondialisation. La Norvège est indépendante depuis 1905. Les Norvégiens sont très attachés à ces valeurs d’indépendance, de souveraineté nationale, liées, dans la représentation collective, à la démocratie. 
D’autant qu’il existe une crainte quant à la survie de ce pays 
de 4,8millions d’habitants. 
Ce sentiment est compensé 
par l’argent du pétrole, qui permet 
de maintenir le système norvégien.

Quelles sont les relations entre extrême droite et mouvements religieux  ?

Frédérique Harry. C’est une relation complexe. La religion luthérienne est une religion d’État, partagée par 85% des Norvégiens. Son poids est très fort dans la culture norvégienne. Mais cela n’implique pas que 
les gens soient pratiquants. Dans 
les années 1970, le Parti du progrès (FrP, extrême droite) voulait renvoyer la religion à la sphère privée. Mais dans les années 2000, le luthéranisme est devenu, dans le discours du FrP, l’une des bases de l’identité norvégienne. En filigrane, il y a une critique de l’islam, jugé incompatible avec les valeurs de la démocratie. 
La religion est devenue une arme pour exclure les nouveaux arrivants. Par ailleurs, il convient de savoir que les églises évangélistes et l’extrême droite ne sont pas perçues comme 
des éléments de radicalisation extrême. Ces dernières années, 
les mouvements religieux ont eu recours à un discours plus messianique, recentré autour de la conviction, 
de l’idéologie. Certes, aucun 
des mouvements religieux que j’ai pu étudier ne défend les actes d’Anders Behring Breivik. Mais on retrouve chez lui cette teinte messianique, celle 
de la prétendue bonne parole à porter, quel qu’en soit le coût…

Entretien réalisé par G. D. S.

4) Malgré un signalement, la police ne surveillait pas Breivik car "il a vécu une vie incroyablement respectueuse de la loi"

Le principal suspect de la double attaque avait été signalé aux services de sécurité en mars.

Anders Behring Breivik avait fait l’objet d’un signalement aux services de sécurité en mars dernier, a annoncé lundi Janne Kristiansen, la directrice de l’Agence de sécurité de la police.

Le signalement faisait état d’un achat, modique, dans une entreprise polonaise vendant des produits chimiques. Un épisode trop anodin pour y donner suite, selon Janne Kristiansen. En mars, nous avons reçu (...) une liste de 50-60 noms et son nom y figure parce qu’il avait dépensé 120 couronnes (15 euros) dans une entreprise en Pologne", a-t-elle expliqué. "Cette entreprise était surveillée parce qu’elle vendait entre autres des produits chimiques", a-t-elle poursuivi.

Pas grand chose pour l’Agence de sécurité de la police, qui reçoit en permanence de "nombreuses informations" sur "de très nombreuses personnes", s’est justifié sa directrice. "On n’avait absolument rien sur Behring Breivik", a-t-elle encore dit, "il a vécu une vie incroyablement respectueuse de la loi". Qui plus est, la police n’avait "aucune information sur lui en lien avec nos observations sur les milieux d’extrême-droite en Norvège".

Dans le manifeste de 1.500 pages qu’il a diffusé le jour même des attaques, Anders Behring Breivik détaille la nature de ses achats d’explosifs en ligne auprès de la société polonaise : il dit les regretter de peur que la société ait été placée sous surveillance par les services de sécurité.

3) Norvège : communiqué du MRAP

Après les épouvantables tragédies de Norvège, le MRAP en appelle à plus de vigueur et de responsabilité contre la xénophobie et le rejet de l’ « Autre »*

Le MRAP apporte son soutien au peuple norvégien et toute sa compassion aux familles des victimes si durement éprouvées par les deux violents attentats d’hier samedi 22 juillet 2011 à Oslo, qui auraient fait au moins quatre-vingt-sept morts.

Il condamne cet acte horrible commis, selon les informations rendues publique à ce jour, par un fanatique d’extrême-droite présenté comme un fondamentaliste chrétien, nationaliste et violemment hostile aux musulmans.

Mais cette tuerie ne saurait se réduire au seul acte d’un déséquilibré. La mémoire des victimes nous impose de déterminer toutes les causes et responsabilités de ce crime épouvantable.

En Norvège, le « Parti du Progrès », nationaliste et xénophobe, a recueilli plus de 22% aux élections législatives de 2009. Sa leader a fait de l’islamophobie - ou plus exactement de la « musulmanophobie » - la matrice de son discours politique. Ceci ne pouvait rester sans conséquences.

Dans toute l’Europe, les partis populistes et les extrêmes droites - “Front National” en France, “Parti du progrès” en Norvège, “Démocrates suédois” (parti politique suédois nationaliste), « Parti du peuple danois » (PPD), « Jobbik » de Hongrie...( que leurs personnalités s’appellent Siv Jensen en Norvège, Geert Wilders au Pays Bas ou Marine Le Pen ) – sans oublier en France la droite extrême qu’est la « Droite populaire » de l’UMP qui est présente au gouvernement - portent une lourde responsabilité dans le climat délétère qui pèse sur le continent tout entier.

Après cette épouvantable tragédie – qui ne peut être dissociée de cette sombre réalité - le MRAP en appelle à plus de vigueur dans la lutte contre les groupuscules d’extrême-droite racistes ainsi qu’à plus de responsabilité pour combattre des politiques dont on sait qu’elles entretiennent la xénophobie et le rejet de l’Autre.

Paris le 23 juillet 2011

2) Norvège : le suspect, proche de l’extrême droite, reconnaît les faits

Anders Behring Breivik, un Norvégien proche de l’extrême droite, a reconnu être responsable du carnage qui a fait au moins 92 morts à Oslo et dans ses environs, le pire acte de violence commis en Norvège depuis la Seconde guerre mondiale.

"Il reconnaît les faits", a déclaré dans la soirée l’avocat Geir Lippestad, "il explique que c’était cruel mais qu’il devait mener ces actions à leur terme", a-t-il rapporté, ajoutant que les attaques avaient "vraisemblablement été planifiées sur une longue période".

Breivik est considéré par les enquêteurs comme l’auteur des deux attaques de vendredi, l’explosion d’une bombe de forte puissance dans le centre d’Oslo et le massacre à l’arme à feu commis ensuite sur l’île d’Utoeya, proche de la capitale norvégienne qui fait 92 morts et 97 blessés, selon le dernier bilan. Sur la foi des informations qu’il a mises en ligne sur l’internet, l’homme est un Norvégien "de souche" âgé de 32 ans et "fondamentaliste chrétien", a déclaré un responsable de la police, Roger Andresen, précisant que ses opinions politiques se situaient "à droite".

Anders Behring Breivik aurait préparé son opération depuis 2009

Selon un mémoire de 1 500 pages qu’il a publié sur Internet avant les faits, Anders Behring Breivik préparait activement son opération depuis l’automne 2009 au moins. Il y détaille les préparatifs de son action, évoquant "l’usage du terrorisme comme un moyen d’éveiller les masses" et dit s’attendre à être perçu "comme le plus grand monstre depuis la Seconde guerre mondiale". Breivik a été arrêté sur l’île à la suite de la tuerie. "Le suspect s’est rendu dès que la police est arrivée sans opposer de résistance", a déclaré le commissaire Sveinung Sponheim, de la police d’Oslo. La tuerie a duré "environ une heure trente", a-t-il dit, précisant que l’homme avait deux armes à feu, dont une de poing. La police a déclaré que le suspect n’avait pas expliqué ses motifs. Mais un élément pourrait être fourni par une longue vidéo publiée sur YouTube, contenant de violentes diatribes contre l’islam, le marxisme et le multiculturalisme, et attribuée samedi par des médias norvégiens à Breivik. A la fin de ce document, le suspect apparaît sur trois photos, dont l’une le montre en position de tir avec un fusil d’assaut. Publiée le jour des attaques, la vidéo décrit l’islam comme "la principale idéologie génocidaire". "Avant de commencer notre Croisade, nous devons faire notre devoir en décimant le marxisme culturel", est-il également écrit.

Le suspect a été membre de le formation de la droite populiste norvégienne, le FrP

Les deux cibles des attaques ont été le gouvernement travailliste du Premier ministre Jens Stoltenberg et un rassemblement de la jeunesse du Parti travailliste à Utoeya. Le Parti du Progrès (FrP), une formation de la droite populiste norvégienne, a annoncé que le suspect avait adhéré au parti en 1999 et l’avait quitté en 2006. "Cela m’attriste encore plus d’apprendre que cette personne a été parmi nous", a déclaré la présidente du FrP, Siv Jensen. Dans un message mis en ligne en 2009 sur le site de débats www.document.no (lire le document en norvégien), Breivik reprochait au FrP "sa soif de vouloir satisfaire les attentes multiculturelles et les idéaux suicidaires de l’humanisme". Selon la fondation Expo, un observatoire des groupes d’extrême droite basé à Stockholm, le suspect avait été inscrit en 2009 sur un forum extrémiste suédois sur internet. Baptisé Nordisk, ce forum créé en 2007 déclare défendre "l’identité, la culture et les traditions nordiques".

Sur son profil sur Facebook, l’homme à la chevelure blonde mi-longue se décrit comme "conservateur", "chrétien", célibataire, intéressé par la chasse et par des jeux tels que "World of Warcraft" et "Modern Warfare 2". Sur Facebook, le suspect se présente aussi comme directeur de Breivik Geofarm, une ferme biologique qui lui a donné accès à des produits chimiques susceptibles d’être utilisés pour la confection d’explosifs. Une centrale d’achat agricole a indiqué samedi qu’il avait acheté début mai six tonnes d’engrais chimiques.

Le carnage, qualifié de "tragédie nationale" par M. Stoltenberg et qui a suscité une vague d’indignation et de compassion à travers le monde, a débuté par un attentat à voiture piégée en plein coeur du quartier des ministères à Oslo, qui a fait sept morts et neuf blessés graves. Peu après, le suspect a ouvert le feu sur les participants d’une université d’été de la jeunesse du Parti travailliste sur l’île d’Utoeya, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de la capitale. L’homme s’est introduit dans le camp en prétendant vouloir s’assurer de la sécurité du rassemblement après l’explosion d’Oslo. Puis il a commencé à tirer sur les participants. Il portait un pull avec le sigle de la police lorsqu’il a été arrêté. Selon un nouveau bilan établi samedi par la police, au moins 85 personnes ont été tuées sur l’île, et quatre ou cinq personnes sont encore portées disparues. Des témoins ont rapporté que plusieurs jeunes avaient tenté de fuir l’île à la nage. La Croix-Rouge norvégienne a aussi indiqué que ses plongeurs prenaient part aux recherches autour de l’île. Les survivants ont été rassemblés à quelques kilomètres de là, à l’hôtel Sundvolden.

1) Sur l’île d’Utoeya, l’interminable calvaire des victimes du carnage

Traqués, pris pour cible et achevés : pendant près de 2 heures, des dizaines de jeunes Norvégiens sont tombés sous les balles d’un homme de 32 ans déguisé en policier, transformant l’île paradisiaque d’Utoeya dans le fjord d’Oslo en enfer sur Terre.

Quand les premiers coups de feu éclatent vers 17h, près de 600 personnes, essentiellement des jeunes, se trouvent sur la petite île pour participer à un camp d’été festif de la jeunesse du parti travailliste du Premier ministre Jens Stoltenberg. "Soudain, on a entendu des tirs derrière une butte", raconte Khamshajiny Gunaratnam, une rescapée de l’horreur d’Utoeya qui a eu la vie sauve en fuyant l’île à la nage. "On s’est dit : mais bon sang qui est en train de chasser ici ? Ca ne pouvait être rien d’autre qu’un chasseur", raconte-t-elle sur son blog.

Revêtu d’un pull portant le sigle "Police", le tireur, un grand blond dentifié par les médias norvégiens comme s’appelant Anders Behring Breivik, attire ses victimes en prétendant vouloir les protéger et leur donner des informations importantes, selon plusieurs témoignages. "Venez ici, j’ai des informations importantes, venez ici, il n’y a rien à craindre", a dit le tireur avant d’ouvrir le feu, a raconté Elise, une adolescente de 15 ans interrogée par l’agence NTB.

Auparavant, une violente explosion avait dévasté le quartier du gouvernement dans le centre d’Oslo, ce que les jeunes militants travaillistes n’ignorent pas : ils sortent précisément d’un point d’information sur cette attaque.

Cachée sous un rocher, la jeune fille se terre à quelques pas du tueur, dont elle entend la respiration "haletante". "Les gens couraient partout comme des fous. Il tirait, il tirait", dit-elle.

L’île, plantée des tentes colorées des militants, se transforme subitement de "paradis" en "enfer", selon les mots du Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg, qui s’y rend chaque été depuis 1974.

"Je l’ai entendu crier qu’il allait tous nous tuer. On aurait dit qu’il sortait tout droit d’un film nazi", raconte Adrian Pracon, 21 ans, blessé par le meurtrier sur un rivage de l’île après avoir échoué à s’enfuir à la nage. Quand le tireur a commencé à tirer sur le groupe autour de lui, "je me suis couché et j’ai fait semblant d’être mort. Il était à peine à deux mètres de moi, je l’entendais respirer, je sentais la chaleur de son arme", explique le jeune Norvégien à la télévision australienne ABC, depuis l’hôpital. Il tire encore plusieurs balles, et l’une atteint l’épaule du jeune homme. "Il essayait tout le monde, il leur donnait des coups de pied pour voir s’ils étaient en vie, ou bien il leur tirait simplement dessus", explique Adrian.

Dans un long compte-rendu sur son blog, Khamshajiny —"Kamzy"— Gunaratnam raconte ses efforts désespérés avec ses camarades pour se cacher, éviter le tueur, fuir à tout prix, à travers les rochers, les ronces et les balles. "Nous courions, nous courions. Le pire, c’est quand on a su que celui qui tirait était habillé en policier. A qui devions nous faire confiance ? Si jamais on appelle la police, c’est ce type qui va venir à notre secours ?", souligne la jeune femme de 23 ans. "Mais on a tout de même appelé la police ! Mais ils ont mis un temps fou", se souvient-elle.

Ce n’est que peu après 19 heures qu’un commando de la police norvégienne, venu en hélicoptère, arrive enfin à mettre la main sur le suspect. Kamzy avec son ami Matti parvient à nager vers la rive d’en face, distante de plus de 700 mètres, malgré les tirs sur les fuyards. Un bateau les récupère et les place en sécurité. "Je n’arrive pas à verser une seule larme", s’émeut Kamzy. Je ne peux pas y croire : aujourd’hui (vendredi) j’ai failli être tuée. Pourchassée et tuée".


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