Libye. Le rôle décisif des insurgés berbères de l’Ouest

samedi 3 septembre 2011.
 

Concentrés dans le massif montagneux des Infusen, les Berbères libyens sont animés d’une rancune tenace envers Muammar Kadhafi, dont le régime a interdit leur langue.

Les Berbères de l’Adrar n’Infusen (Djebel Nefoussa, en arabe), dans l’ouest de la Libye, furent parmi les premiers à se soulever contre le régime de Muammar Kadhafi, en même temps que les populations de la Cyrénaïque, dans l’est du pays. Ces insurgés de l’ouest ont finalement pris une part décisive dans la prise de Tripoli. Leur progression, depuis mars, a pourtant été lente, les forces restées loyales au colonel Kadhafi leur disputant chaque position, en faisant pleuvoir sur eux des déluges d’obus et de roquettes. Les rivalités tribales et l’indiscipline ont aussi desservi cette armée improvisée, jusqu’à la constitution d’un conseil militaire de la région Ouest, installé à Zenten. Pendant des semaines, au printemps, les deux camps belligérants se sont disputé le contrôle du poste frontière de Dehiba-Wazen, stratégique pour le ravitaillement des insurgés et pour l’évacuation des blessés vers les hôpitaux et dispensaires tunisiens. Les combats ont alors souvent débordé sur le sol tunisien. Cette bataille à armes inégales a pris un tout autre tour lorsqu’en juin, la France a parachuté des armes aux insurgés de l’Adrar n’Infusen. Lance-roquettes, fusils d’assaut, mitrailleuses et missiles antichars ont permis aux rebelles de prendre l’avantage. 
À la mi-juillet, les combats se sont intensifiés autour de Bir Ghanem, ville par laquelle passait la ligne de front. Village par village, les insurgés sont alors remontés jusqu’à Gariane, principal verrou sur la route de Tripoli. Cette ville, abritant un centre de commandement de l’armée libyenne, est tombée le 15 août aux mains des insurgés, appuyés par les bombardements de l’Otan. Dès lors, la voie vers Tripoli était pour ainsi dire libre.

Principalement concentrés dans ce massif montagneux des Infusen, les Berbères libyens sont animés d’une rancune tenace envers Muammar Kadhafi, dont le régime a interdit l’usage de leur langue amazighe au nom de l’appartenance de la Libye à la « nation arabe ». Mêmes les prénoms berbères étaient bannis par l’état civil. Adeptes du rite ibadite, un rite islamique non orthodoxe et minoritaire, ces populations étaient aussi la cible d’une forme de répression religieuse. « Si l’ensemble des populations libyennes subissent la répression et l’autoritarisme du régime en place, les Berbères, eux, subissent une discrimination et une répression supplémentaire due à leur appartenance ethnique », alertait, en 2005, un rapport de l’ONG Tamazgha. Étouffées jusqu’ici, les revendications linguistiques et culturelles des Berbères s’exprimeront sans nul doute dans la Libye post-Kadhafi.

Rosa Moussaoui


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