Et si un nouveau « printemps des peuples » avait commencé dimanche 28 août à Grenoble ?

dimanche 28 août 2011.
 

Jean-Luc Mélenchon, le candidat commun à la présidentielle de 2012, est venu à Grenoble ce dimanche 28 août pour un meeting unitaire du Front de gauche qui se tient à l’ancienne patinoire.

Souvenirs, souvenirs. En février 1968, ici même, l’équipe tchécoslovaque de hockey sur glace a battu l’équipe soviétique (5-4). Prague retient son souffle, ce jour-là, ses habitants sont rivés à leurs postes de télévision noir et blanc, et après le coup de sifflet final, des groupes de manifestants se forment dans les rues. Le froid sévit avec rigueur, le printemps est dans nos têtes, l’expression « printemps de Prague « commence à courir dans les rues. Pierre Broué, qui suit les événements de près, commence à rédiger son livre, qui portera pour titre « Le printemps des peuples commence à Prague . »

Ce rappel suffit à évoquer le parfum de cette grande année. Le match opposant l’Union Soviétique et la Tchécoslovaquie à un moment particulier de l’histoire, le début du « printemps de Prague », portait l’émotion olympique à un paroxysme, dans les coeurs des spectateurs et téléspectateurs français également. Car il faut bien le dire, la magie olympique est là, en cette fin d’hiver dans les Alpes françaises. La présidence du Comité d’organisation des jeux étant tenue par le grand résistant Albert Michallon, les Xes Jeux olympiques d’hiver de Grenoble, non-sponsorisés par CocaCola, organisés par la majorité municipale PS-PSU-GAM avec le maire Hubert Dubedout en tête, est un événement sportif et populaire d’envergure internationale inégalée.

Les voies impénétrables de l’émancipation humaine ! En Pologne, l’explosion de 1968 est provoquée par l’interdiction d’une pièce d’Adam Mickiewiez « Les aïeux », dont les tirades anti-tzaristes provoquent les applaudissements d’un public prompt à saisir les analogies. En Tchécoslovaquie, la victoire de l’équipe de hockey sur glace dans la capitale des Alpes françaises, à 1500 km à vol d’oiseau, accélère le processus démocratique qui commence, quelques semaines après la nomination du nouveau premier secrétaire du Parti communiste Alexander Dubcek. Dans quelques jours, ce sera le tour des étudiants de Nanterre, suite à quelques incidents banals survenus sur leur campus universitaire.

Il est inutile d’accumuler d’autres exemples, le miracle soixante-huitard est là. Il faut bien employer ces mots, quelque usés qu’ils puissent être. Les certitudes de nos vingt ans font toujours un peu rire, s’imaginer que l’on puisse « vaincre » sur glace l’Union Soviétique post-stalinienne, la nouvelle diffusée à l’aube du 21 août 1968 nous a démontré le contraire. Mais je ne puis m’empêcher de m’attendrir sur notre capacité à nous saisir d’événements fortuits pour entonner We shall overcame..., à Prague, à Paris, à Berlin, à Mexico, à Belgrad, sur les campus américains.

Nos vingt ans n’étaient pas de tout repos, le mur de Berlin nous enserrait de toutes parts, mais « derrière le rideau de fer », l’espoir avait un nom : « socialisme démocratique. » Et maintenant ? « Ceux qui ont vingt ans travailleront jusqu’à 70 ans et au -delà. » C’est officiel, le gouvernement ultralibéral Klaus-Necas l’a annoncé. C’est dire que l’oligarchie au pouvoir se voit aux affaires en 2080 « et au-delà. » La voie « post-communiste » après l’effondrement du mur de Berlin a abouti à un échec patent, et on flaire dans cette « fin de l’histoire » de Fukuyama un relent de fin du monde.

Le peuple tchèque n’oubliera jamais son printemps. Mais un nouveau « printemps des peuples » dans l’ancienne Tchécoslovaquie ne sera possible qu’après les avancées significatives du mouvement d’émancipation dans la patrie des Droits de l’Homme. Il faut un choc. Ce choc s’appelle désormais « Place au peuple et révolution citoyenne. » Poussant inévitablement en avant la question des inter-actions des peuples de l’Europe des Lumières.

Le meeting dimanche 28 août laissera des traces. Je suis pressé de revoir ce lieu chargé de souvenirs. « Comme si j’étais en retard sur la vie. » (René Char)

Karel Kostal


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