L’offensive nord-américaine contre les banques européennes est avérée

samedi 29 décembre 2012.
 

L’arrière-plan géopolitique de la crise européenne montre clairement le bout de son nez. Il est acquis à présent que les établissements nord-américains ont, de propos délibéré, coupé l’accès aux dollars pour les banques françaises. Le but de la manœuvre est certes de fragiliser des concurrents en profitant de l’opportunité. Mais c’est une agression. Les retraits de dépôts de gros déposants comme des grandes firmes, mettant pourtant tout le système financier en danger, ont lourdement complété la manœuvre. Pour autant la manœuvre ne vise pas seulement les banques françaises. Le but essentiel est de décrédibiliser la zone Euro. Ces informations me confortent dans mon approche des causes des événements qui affectent la zone euro depuis le début de la crise grecque.

Pour moi, le point de départ est aux Etats-Unis d’Amérique même si l’organisation actuelle de la zone Euro, les failles qu’ouvre le principe de mise en concurrence fiscale et sociale des pays membres de l’union entre eux constituent un terrain favorable pour les manœuvres de déstabilisation. Les Etats-Unis d’Amérique ont une monnaie qui dépend de la confiance que l’on a en elle. Sur le plan économique le dollar ne mérite aucune confiance. Le montant des émissions et la masse en circulation ne sont même plus indiqués par les autorités US depuis 2006. C’est une monnaie sans contrepartie matérielle équivalente ou d’une valeur tant soit peu approchante. Depuis 1971, la masse monétaire en dollar a augmenté dix fois plus vite que la richesse produite aux USA. Celle-ci a été multipliée par 4 et la masse monétaire par 40 ! La masse ainsi en circulation ne cesse d’augmenter. Elle pèse d’un poids décisif dans l’économie de casino qui surplombe le monde réel. En 1970 les transactions en dollars se montaient à 20 milliards par jour. Elles étaient déjà de 1 500 milliards par jour en 1990. En 2010 elle s’élevait à 4 000 milliards de dollars par jour ! C’est-à-dire qu’elles représentent dorénavant 100 fois les échanges réels de biens et services, dont la valeur est de 40 milliards par jour. En 4 jours d’échange sur le marché des changes, on atteint le montant annuel total du commerce international. Au cours des mois qui ont précédé le début de la crise grecque, les ventes de dollars contre des euros s’étaient accélérées. Cette montée en puissance de l’euro dans la période précédant la crise qui l’a frappé est un fait avéré.

Si la réserve fédérale a acheté en masse de la dette de l’Etat Fédéral c’est aussi parce que celle-ci ne trouve plus tous les preneurs dont elle aurait besoin. A présent, la FED détient donc 1 500 milliards de dette de l’Etat fédéral nord-américain. Cela représente plus de la moitié de son bilan. 55% exactement. Elle est ainsi passée devant la Chine qui en détient pourtant 1 145 milliards. Celle-ci fait d’ailleurs tout ce qu’elle peut pour réduire cet engagement. Et si les chinois achètent tout ce qu’ils peuvent partout où ils peuvent c’est une autre façon de se défaire de leur réserve en dollars. Ce problème est posé aux Etats Unis depuis la création de l’euro qui est, mécaniquement, sur le long terme, le vrai concurrent du dollar compte tenu de la place qu’occupe l’union européenne comme premier producteur et acheteur dans l’économie mondiale. Un quart des 3 200 milliards de réserves de change de la Chine est déjà libellées en euros.

Au cas qui court, l’offensive nord-américaine est avérée. C’est la Banque centrale américaine elle-même qui a donné le signal en asséchant le financement des banques européennes en dollars. Les grands fonds monétaires américains ont aggravé la situation en durcissant leurs conditions de prêts au système financier européen. Une agression en bonne et due forme avec des prétextes ridicules de méfiance de la part d’un système pourri jusqu’à l’os par ses propres turpitudes. On mesure l’ampleur de l’étranglement ainsi réalisé en constatant que sitôt que la Banque Centrale Européenne a ouvert les vannes en dollar pour contrer cette manœuvre, les banques françaises ont emprunté auprès d’elle en un seul jour 547 millions de dollars ! Cette offensive nord-américaine trouve des alliés en Europe. Et notamment parmi ceux des allemands qui sont hostiles aux contours actuels de la zone euro. Quand Siemens retire ses dépôts des banques françaises, pour moi, c’est un signal fort. Et quand BNP Paribas a annoncé la cession d’ici fin 2012 de 70 milliards d’actifs en dollars, soit 10 % de son bilan, afin d’alléger son bilan des actifs les plus risqués et exposés au "risque dollar", il faut y voir une réponse du berger à la bergère, en quelque sorte. Et quand la Banque Centrale Européenne se met à demander des dépôts de garantie en euros et non en dollars on peut dire aussi que la partie de gifle est rondement menée. Mais si la fragilité des banques françaises est ainsi avérée c’est aussi parce qu’elles même sont lourdement engagées jusqu’aux essieux dans la spéculation plutôt que dans le financement de l’activité productive réelle. Le bilan des banques françaises s’est gonflé de manière disproportionnée en actifs de marchés par rapport à leurs fonds propres. 70 % du bilan de la BNP correspond à des activités de marché et seulement 30 % à des activités bancaires traditionnelles de financement de l’économie. La banque est punie par où elle a péché ! Mais quoique ce ne soit mon objet à cet instant je dois souligner le problème que pose cette prédilection pour la spéculation par rapport à l’investissement. La situation est telle que les syndicats patronaux comme l’UIMM en est à mettre en place par ses propres moyens des fonds de financement de l’investissement des entreprises. Rien ne décrit mieux l’impasse sur laquelle débouche la financiarisation de l’économie mondiale !


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