La Gauche Antilibérale victime des appareils par Raoul Marc JENNAR

lundi 25 décembre 2006.
 

Sans doute est-ce un peu téméraire de procéder à chaud à une analyse de l’échec de la démarche unitaire des antilibéraux de gauche en vue des échéances électorales de 2007.

Qu’est-ce qui est en jeu ? Transformer la victoire du "non" au référendum sur la Constitution européenne en projet politique pour la France et l’Europe. Toutes les études ont confirmé sans exception que sur les 15 millions de voix ayant exprimé un rejet du traité européen, plus de 12 millions sont des voix de gauche. Un projet alternatif crédible porté par un rassemblement regroupant toutes les composantes de la gauche du "non" peut dès lors modifier la donne à un moment où le PS accentue son orientation social-libérale, brouille les repères traditionnels de l’engagement à gauche et favorise l’évolution de la France vers un bipartisme à l’américaine.

Telles sont les données qui justifient le lancement, le 11 mai dernier, d’un "appel à une alternative antilibérale de gauche et des candidatures unitaires". Près de 800 collectifs se créent dans tout le pays à l’image d’un collectif national qui se réunit tous les mardis à Paris.

Quatre défis sont à relever : la composante du rassemblement, la stratégie à adopter, le contenu du projet politique et, système politique de la Ve République oblige, le choix d’une candidature pour l’élection présidentielle.

Toutes les composantes de la gauche du "non" y compris le PCF ont signé l’appel du 11 mai, mais pas la LCR d’Olivier Besancenot. Celle-ci redoute d’être piégée dans une opération conduisant à la création d’une nouvelle gauche plurielle. Les disciples de Trotski ne sortent pas de leur face à face avec les héritiers de Staline. Des efforts considérables seront faits pour fournir, dans un document définissant la stratégie, des garanties que toute forme de gauche plurielle est exclue. Ce document est finalement adopté par tous, y compris par des personnalités minoritaires au sein de la LCR, mais pas par celle-ci. Quelques semaines plus tard, Olivier Besancenot annoncera sa candidature. Un premier coup est ainsi porté à la démarche unitaire.

En dépit de ce revers, suit un travail qui n’a pas de précédent dans l’histoire de France : les 800 collectifs, à partir de documents rédigés par la Fondation Copernic, élaborent ensemble, par consensus, un projet politique alternatif. Lors d’un rassemblement de délégués de tous ces collectifs, 125 propositions sont adoptées, par consensus, à l’issue de deux jours de débats à Nanterre, à la mi-octobre.

Alors que le mouvement antilibéral vient de réussir l’exploit de se rassembler sur des propositions alternatives concrètes, crédibles et chiffrées, la machine se grippe. Il faut passer à l’étape suivante et choisir une candidature. Certes, le mouvement récuse la personnalisation du système présidentiel. A cet effet, il est convenu que le projet politique sera porté par un ensemble de porte parole représentant toutes les sensibilités. On parle de candidature collective. Mais il faut bien choisir un nom qui figurera sur le bulletin de vote.

Il y a 5 candidats : Clémentine Autain, adjointe au maire de Paris et apparentée PCF, Marie George Buffet, secrétaire nationale du PCF, José Bové, Patrick Braouezec, député PCF et Yves Salesse, président de la Fondation Copernic et initiateur de l’appel du 11 mai.

Une procédure est choisie : le double consensus. Le nom retenu devra faire l’objet d’un choix consensuel au sein de chaque collectif. Il devra ensuite faire l’objet d’un consensus entre les organisations politiques qui, à côté des personnalités non encartées, constituent le collectif national.

Et c’est là que tout dérape. A l’initiative de cadres du PCF, des dizaines de collectifs locaux sont soudainement créés qui ne sont que des duplicatas de sections PCF locales. Dans les collectifs où les militants du PCF sont majoritaires, très souvent, ils imposent l’abandon du consensus et réclament un vote. On a même vu, lors de la réunion prévue pour le choix, la composition de la composante communiste soudainement gonflée par l’arrivée de dizaines d’affiliés du PCF. Dans certains cas, il n’y a pas eu de choix. Les membres du collectif n’ont eu à se prononcer que sur le seul nom de Mme Buffet.

Ces pratiques vont être dénoncées. Le vote n’est pas la règle convenue. Les collectifs ne sont pas un électorat. Dans un rassemblement aussi divers, voter crée un rapport de forces contraire à l’esprit de rassemblement. L’absence de réaction justifie ma démission du collectif national, puis trois semaines plus tard, le retrait de la candidature de José Bové.

Le double consensus n’est pas réalisé. Le 10 décembre, le PCF invoque la démocratie pour imposer la candidature de Mme Buffet qui a recueilli entre 55 et 62% des suffrages exprimés, dans les conditions décrites, par les collectifs. L’attitude de la direction du PCF suscite de nombreuses réactions de militants communistes qui se rendent compte que le rassemblement ne peut pas être réduit à un ralliement à la dirigeante du parti. Mais la direction demeure inébranlable. On se croirait revenu aux temps de Georges Marchais. Cinq personnalités démissionnent des instances dirigeantes.

Une ultime tentative pour sauver la démarche unitaire est lancée par plusieurs composantes du collectif national : proposer le nom de Francis Wurtz, député européen communiste et président du groupe parlementaire Gauche Unitaire Européenne, élu en 2004 sur une liste de rassemblement. Au moment où j’écris ces lignes, elle se heurte au refus d’une direction du PCF, certes de plus en plus ébranlée mais encore soumise aux plus durs de ses membres.

Il y a un peuple de gauche qui ne se retrouve pas dans le PS, son programme et sa candidate. Y compris au PS. Il manifeste fortement son soutien à une démarche antilibérale unitaire. Cela s’est vu dans trois meetings organisés il y a peu, sans qu’il y ait eu mobilisation :1500 personnes au Mans, 3000 à Grenoble, 4000 à Montpellier. Mais la transformation de cet élan populaire en un nouvel espace politique est bloquée par des appareils issus du léninisme et fidèles à ses pratiques. Les directions du PCF et de la LCR porteront la responsabilité de ce blocage.


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