Dans la nuit, la liberté nous écoute (Itinéraire d’un français dans le Vietnam en guerre)

vendredi 28 octobre 2011.
 

Le récit d’Albert Clavier, arrivé sur le sol vietnamien avec l’armée française et passé au Viêt-minh, fait l’objet d’une belle adaptation en bande dessinée.

Dans la nuit, la liberté nous écoute, de Maximilien Le Roy. Éditions Le Lombard, 2011, 25 euros.

En 1947, Albert Clavier a vingt ans. Pourquoi s’engage-t-il dans l’artillerie coloniale  ? Il se posera longtemps la question quand, en découvrant la réalité de l’entreprise coloniale française au Vietnam, avec son cortège de massacres, d’humiliations et de tortures, il éprouve un profond malaise. Il en fait part à son supérieur. «  Mais bon sang, vous vous rendez compte ou quoi  ? Mon frère s’est battu pendant la guerre et m’a raconté tout ce qu’il a vu  ! Il m’a raconté les atrocités commises par les nazis  ! Comment pouvez-vous faire la même chose ici  ?  » Rien n’y fait.

Sa rencontre avec Bat, combattant viêt-minh fait le reste. Il lui rappelle pourquoi Hô Chi Minh a refusé les conditions indignes proposées par la France pour la paix  : ne pas trahir les non-Vietnamiens qui avaient participé à leur combat. «  Le Viêt-minh ne fait pas la guerre au peuple français, seulement aux troupes coloniales  », explique Bat. Albert Clavier se surprend lui-même à se déclarer communiste, à l’instar de son frère résistant. Il joue donc les informateurs, mais sous la menace d’être découvert, il passe en zone libre, pour dit-il rester fidèle aux idéaux de sa patrie  : liberté, égalité, fraternité.

C’est cette histoire, celle d’un homme pris dans l’engrenage de l’histoire et qui décide de désobéir radicalement, que raconte Maximilien Le Roy, avec une sobriété qui donne de la puissance au récit. C’est aussi sa rencontre avec Albert Clavier et sur les traces duquel il a marché jusqu’au Vietnam. Une rencontre avec un peuple. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai. Passionné par l’histoire de notre monde et chantre de la liberté, il a déjà dessiné à plusieurs reprises, par exemple, à propos de Gaza et de la Palestine. Avant de mourir, Albert Clavier a pu découvrir quasiment toutes les pages de sa vie restituée par la magie du jeune dessinateur.

Maximilien Le Roy, qui était présent avec sa bande dessinée en avant-première à la Fête de l’Humanité, le dit  : «  Espérons que cet ouvrage puisse contribuer à la transmission de ses souvenirs. Souvenirs d’un individu qui franchit la frontière, l’idéal en bandoulière, frondeur et réfractaire à l’ordre impérial. D’aucuns parleront encore de traîtrise, mais lorsqu’une patrie renie ses principes, il incombe au patriote de la trahir à son tour pour lui être fidèle.  » Il a choisi de clore le livre par un entretien avec Alain Ruscio, historien du Vietnam.

Pierre Dharreville, L’Humanité


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