Prêtres pédophiles au Mexique La loi du silence et le chemin du seigneur

mercredi 26 octobre 2011.
 

La réalisatrice de Bajo Juarez, la ville dévorant ses filles s’intéresse cette fois à l’impunité des prêtres pédophiles par le témoignage d’un jeune homme qui brise le mur du silence.

Agnus Dei, d’Alejandra Sanchez. Mexique. 1 h 21. En pleins champs, on suit les pas d’un jeune homme vers une croix fleurie qui miroite dans une assomption de soleil. De cet éblouissement, les mots qu’il va prononcer n’en seront que plus choquants.

Jesus Romero Colin a été, selon l’expression consacrée, abusé sexuellement durant plusieurs années par le prêtre de la paroisse dont il était enfant de chœur. Il a décidé, à sa majorité, de porter au jour son calvaire. Trois ans plus tard, les autorités judiciaires et ecclésiastiques continuent de l’occulter. Malgré déni de justice et silence religieux, Jesus n’a pas renoncé à tenter de fissurer la chape de plomb qui scelle le sort de trop nombreuses victimes, singulièrement au Mexique, pays très catholique dont est également originaire la documentariste Alejandra Sanchez.

Lors de sa rencontre avec Jesus, à l’occasion d’une conférence sur le thème de la pédophilie ecclésiastique, elle entreprend de suivre son combat. Ce dernier ne pouvait faire sens qu’à reprendre le témoignage de Jesus  : il va donc revisiter les étapes de son supplice devant la caméra de la réalisatrice qui ne manque pas d’interroger divers intervenants, des parents du jeune homme aux dignitaires de l’Église. Photos et vidéos documentent le récit. Terrible.

Jesus est né dans un quartier de piété flamboyante, d’ailleurs baptisé « le second Vatican ». Au milieu de ces familles très modestes dotées d’une foi aveugle, tout membre du clergé est un prolongement de dieu. Ainsi du père Carlos Lopez Valdez lorsqu’il prend sous son aile le jeune Jesus. De surcroît, l’homme est riche. L’enfant bénéficiera donc de toutes les grâces « contre lesquelles on m’a échangé », déclare Jesus devant sa mère, qu’étouffent aujourd’hui de culpabilité les joies pieuses d’hier.

Le prélat se chargeait de l’éducation religieuse de l’enfant, garantissait son chemin vers la prêtrise, lui offrait chaque week-end l’hospitalité dans sa belle villa avec piscine, déjeunait tous les samedis à la table de la famille. Violait l’enfant le dimanche. En violait d’autres. Conservait des photos de pédopornographie que Jesus livrera plus tard à des juges qui refuseront de condamner.

Alejandra Sanchez intercale ces épreuves aux images qu’elle a tournées du prêtre exerçant son office en toute innocence. Emphase cinématographique que l’on peut regretter face à une situation qui ne requiert pas d’ajouts dramaturgiques. L’ultime étape de résilience que cherche Jesus en se confrontant sous nos yeux à son bourreau, la parole de ce dernier renvoyant à sa victime la charge de l’explication pourvoient encore à notre indignation. Autant que les silences complices. Et l’éducation sexuelle délivrée aux jeunes séminaristes, que la réalisatrice explore en regard du parcours de Jesus, ne laisse pas de nous inquiéter. Mortification des corps et supériorité des âmes d’élection tracent peut-être les voies de la sainteté, moins certainement celles de l’humanité.

Dominique Widemann, L’Humanité


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