La nouvelle Libye est "entachée" par les atteintes aux droits humains dont sont victimes les prisonniers

jeudi 20 octobre 2011.
 

Les nouvelles autorités de Libye doivent éradiquer les détentions arbitraires et les violences généralisées infligées aux prisonniers, a écrit Amnesty International jeudi 13 octobre dans un nouveau rapport.

Dans ce document intitulé Detention Abuses Staining the New Libya, l’organisation dévoile la pratique généralisée qui consiste à rouer de coups et à infliger des mauvais traitements aux soldats de Kadhafi capturés, aux personnes soupçonnées de lui être fidèles et aux mercenaires présumés dans l’ouest de la Libye. Dans certains cas, on constate des preuves flagrantes de tortures infligées à titre punitif ou dans le but d’extorquer des "aveux".

"Le risque est réel qu’en l’absence de mesures fermes et immédiates, certaines pratiques du passé ne soient remises au goût du jour. Les arrestations arbitraires et la torture ont en effet caractérisé le régime du colonel Kadhafi, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

"Nous avons bien conscience que les autorités de transition sont confrontées à de nombreux problèmes, mais si elles ne rompent pas clairement avec le passé dès aujourd’hui, elles feront passer le message selon lequel il est toléré dans la nouvelle Libye de traiter les prisonniers de cette manière."

Depuis fin août, des milices armées ont arrêté et placé en détention pas moins de 2 500 personnes à Tripoli et al Zawiya.

Des gardes ont reconnu à Amnesty avoir battu des prisonniers pour obtenir plus rapidement des confessions ; les prisonniers sont presque toujours détenus sans décision légale et pour la plupart sans autorisation du parquet général.

Les délégués de l’organisation se sont entretenus avec 300 prisonniers en août et septembre. Aucun ne s’était vu présenter un mandat d’arrêt d’aucune sorte et beaucoup avaient en fait été enlevés chez eux par des ravisseurs non identifiés qui font des raids chez les combattants ou les fidèles présumés de Kadhafi.

Au moins deux gardiens, dans des centres de détention différents, ont admis qu’ils frappaient les prisonniers afin de leur extorquer des "aveux" plus rapidement.

Sur le sol de l’un des centres de détention, les délégués d’Amnesty International ont retrouvé un bâton, une corde et un tuyau en caoutchouc, qui pourraient servir à frapper les prisonniers, y compris sur la plante des pieds – méthode de torture baptisée falaqa. Dans un autre, ils ont entendu des bruits de coups de fouet et des cris provenant d’une cellule proche.

Il semble que les prisonniers sont soumis aux coups et à la torture plus particulièrement au début de leur détention, en guise de "bienvenue" à leur arrivée.

Entre un tiers et la moitié des prisonniers sont des personnes originaires d’Afrique subsaharienne soupçonnées d’être des mercenaires. Certains ont été libérés, aucun élément de preuve n’ayant permis de les relier aux combats.

Dans l’ouest de la Libye, les procédures judiciaires ont été suspendues depuis que le CNT a pris le contrôle de la région. Dans l’est du pays, que le CNT contrôle depuis février, elles sont toujours suspendues.

Lors de rencontres avec Amnesty International en septembre, les responsables du CNT ont reconnu les problèmes de détentions arbitraires et de mauvais traitements, et se sont engagés à faire davantage en vue de reprendre en main les milices armées et de garantir que tous les prisonniers jouissent d’une égale protection de la loi.

"Les autorités ne sauraient laisser faire simplement parce qu’elles traversent une phase de " transition ". Toutes ces personnes doivent avoir la possibilité de se défendre correctement ou être remises en liberté" a affirmé Hassiba Hadj Sahraoui.

Amnesty International s’inquiète du traitement des détenus du CNT

Les nouveaux dirigeants libyens courent le risque de reproduire les atteintes et violations des droits de l’homme qui ont marqué le régime de Mouammar Kadhafi, y compris les arrestations arbitraires et la torture, affirme Amnesty International dans un rapport publié jeudi 13 octobre. L’organisation basée à Londres estime que quelque 2 500 personnes ont été arrêtées, la plupart sans mandat d’arrêt, à Tripoli et dans les environs de la capitale libyenne depuis la prise de la ville par les forces du Conseil national de transition (CNT), le 23 août dernier. Le rapport se base sur les conclusions d’une délégation d’AI qui a interrogé environ 300 prisonniers dans 11 centres de détention dans les régions de Tripoli et de Zawiyah et dans d’autres parties de la Libye entre le 18 août et le 21 septembre. Les procédures judiciaires sont suspendues depuis février dans l’Est libyen et depuis août dans l’Ouest.

Nombre de prisonniers ont été battus, souvent au début de leur détention, et "dans certains cas, il y a des preuves de tortures pour obtenir des aveux ou punir" les personnes soupçonnées de liens avec le régime déchu, selon le rapport. Les plus vulnérables sont les ressortissants d’Afrique sub-saharienne, soupçonnés d’être des mercenaires, et les Libyens à la peau noire, en particulier ceux de la région de Touarga, ancienne base militaire pro-Kadhafi près de Misrata. Ces hommes représentent entre un tiers et la moitié des prisonniers. Les enquêteurs d’AI ont vu des instruments de torture dans un centre de détention, et entendu pendant une autre visite des coups de fouet et des cris.

Selon Amnesty, de nombreux détenus sont en captivité dans d’anciennes prisons ou dans des centres improvisés dans des écoles ou des salles de sport qui ne sont pas contrôlés par le ministère de la justice et des droits de l’homme de l’administration provisoire. Le CNT, poursuit l’ONG, doit faire en sorte que toute détention soit validée par le parquet et que toutes les prisons soient placées sous le contrôle du ministère de la justice.

Jalal Al-Galal, porte-parole du CNT, a indiqué que le Conseil provisoire prendrait assurément connaissance de ce rapport. Il a ajouté que le président du CNT, Moustafa Abdeljalil, avait "déclaré à de multiples reprises qu’il ne tolérerait aucun abus contre des prisonniers et très clairement précisé qu’il enquêterait sur de telles allégations".


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