La France paie la bêtise du Traité de Lisbonne L’Allemagne des rentiers domine

dimanche 6 novembre 2011.
 

Le sommet de l’Europe s’est achevé en une sorte de feu d’artifice d’auto-satisfaction. Tout avait été organisé pour cela, il est vrai, par une dramatisation préalable bien orchestrée. Quand on y regarde de plus près, le résultat est pourtant assez inquiétant. Mais pour comprendre ce qui s’est décidé, quelle affaire. Que c’est technique ! Toute l’astuce est peut-être là. Aucun principe général d’action n’est exposé. On doit donc courir d’une source d’information à l’autre pour comprendre ce qui s’est passé. Pour nous, les parlementaires, c’est encore plus humiliant car nous sommes censés savoir. Mais nous ne savons rien. Jeudi matin Barroso et Van Rompuy se sont sentis obligés de venir lire un texte devant le parlement européen tant le scandale était grand que de toute la crise il n’ait été informé de rien ni consulté d’aucune façon. Sinon, le relevé de conclusion qui est arrivé sur nos ordinateurs jeudi matin est un obscur document en langue de fonte. Et d’ailleurs rédigé en anglais. Pas de traduction disponible. Les documents en Français que nous avons ensuite trouvés sur les sites de presse qui ont fait l’effort de les rechercher et de les publier sont des versions partielles.

Bref, nous avons travaillé d’arrache-pied, nous aussi, toute la semaine et avant le deuxième sommet pour suivre d’heure en heure ce qui permettait de compléter le tableau dont nous disposions à travers la presse et les maigres documents en circulation. Vous pouvez trouver tout cela sur mon blog européen. Je vous garantis un document assez unique de précision. Si cela vous paraît être du bon travail sachez qu’il faut aussi en savoir gré à Céline Ménesses, assistante du groupe GUE, qui est aussi membre de l’exécutif du Parti de la Gauche européenne au titre du Parti de Gauche. Faire cet exercice a du bon, cela va de soi. On sait, on comprend. Il y a un revers. On ne supporte plus les approximations et les erreurs d’informations des autres. Cela peut pousser dans une pente pédante ou trop sophistiquée. A moins de disposer d’un talent de vulgarisation ou de simplification qui n’est pas à la portée de tous et en tous cas pas à chaque instant.

L’autre inconvénient de cette situation est que nos interlocuteurs, moins bien informés, ont une grande tendance à vouloir parler d’autre chose et refusent le débat technique. Tout cela je l’ai éprouvé sur le plateau de France 2. Cela ne tient pas seulement à la confusion qui régnait du fait que, faute de compteur de temps de parole, madame Le Pen disposa, à son goût, du pouvoir de clouer tous les débats dans ses récitations de fiches hors sujet ! Le fond de la cacophonie vient de ce que mes trois interlocuteurs n’étaient guère soucieux des résultats réels de ce sommet. Mais je l’ai déjà dit, le contenu de ceux-ci sont d’une incroyable complexité. Par exemple, expliquer que la décote de 50% des titres de la dette grecque ne réduit que de 29% le montant de celle-ci est un exercice assez rude, non ? Pourtant une partie du cœur de la mystification est là. Peut-être ai-je tort de m’ingurgiter autant de choses et de vouloir à tout prix être dans la pédagogie, même de masse. Mais on ne se refait pas. J’aime comprendre. De plus, je ne veux pas vous faire courir le risque que votre porte-parole se trompe, sachant qu’ensuite il y aura le clan des haineux qui en fera des gorges chaudes en boucle de tous côtés. Enfin, je crois qu’on aide mieux notre cause chaque fois qu’on éclaire le jugement du commun.

Je voudrais résumer ce que je comprends de ce que j’ai vu dans ce sommet. Au plan politique La France paie la bêtise du Traité de Lisbonne et Sarkozy la forfaiture de l’avoir fait passer de force. De force, après que le référendum l’a rejeté. Enfermé dans la règle libérale, la France respire moins qu’un autre pays. L’Allemagne des rentiers domine. Je n’y reviens pas. Au plan financier et économique, l’accord du sommet européen ne vaut guère. Il ne résout rien. Les libéraux ont gagné, la BCE n’interviendra pas. Donc la spéculation continuera. Au cas particulier de la Grèce, il faut comprendre qu’elle vient d’être condamnée, officiellement, à dix ans d’austérité et de souveraineté limitée. Si tout va bien. Et Papandréou s’est à nouveau couché. Le retour de la Grèce sur les marchés financiers est prévu pour 2021 mais Papandréou a déclaré : "si nous parvenons à mettre en œuvre les réformes rapidement, ça ne prendra pas dix ans, ce sera bien plus rapide" ! Comme on le sait les 17 pays ont décidé d’effacer de 50% de la dette grecque détenue par les institutions financières soit 100 milliards d’euros. Mais au total, la dette grecque atteint 350 milliards d’euros. En fait, les banques vont voir leur titres actuels remplacés par des titres plus long et à taux plus bas. Cette trouvaille doit ramener la dette grecque de 160% du PIB aujourd’hui à 120% d’ici 2020. Conclusion : dans neuf ans la Grèce en sera au point d’endettement où elle était en début de sa crise. Tout le monde comprend que ce n’est pas soutenable, tout simplement. Ca craquera.

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), présenté comme le pare feu contre la spéculation, est doté de 440 milliards aujourd’hui. Aucun chiffre ne figure dans le communiqué final à son sujet. Mais il y aurait eu accord pour porter sa "force de frappe à 1 000 milliards". Jusqu’à hier, certains espéraient 2 000 milliards. Pourquoi ? Parce que la force de dissuasion d’un pare-feu est à la mesure de ce qu’il doit protéger. C’est pourquoi notre idée du prêt direct aux Etats par la Banque Centrale Européenne est forte. Car la puissance de financement est alors illimitée. Voyons le cas concret : la dette de l’Italie est de 1 800 milliards d’euros. Le FESF est donc insuffisant pour bloquer la spéculation contre la dette italienne.

Et comme le FESF n’est pas transformé en banque comme le voulaient les experts de Nicolas Sarkozy, il ne pourra donc pas se refinancer auprès de la BCE. L’Allemagne a fait retirer une phrase sur le sujet dans le communiqué. Résumé : la puissance du pare-feu est limitée, celle de l’incendie ne l’est pas. On devine la suite.


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