Jean-Luc Mélenchon à Montataire (Oise) contre la fermeture de Still-Saxby

mardi 29 novembre 2011.
 

1) Mélenchon au chevet d’ouvriers en détresse (article de Libération)

Il y a des déplacements de campagne qui marquent plus que d’autres. Pour Jean-Luc Mélenchon, celui de ce vendredi, à Montataire (Oise) pour soutenir les 255 ouvriers de l’entreprise Still-Saxby dont l’usine est menacée de fermeture, en est un. Flanqué de l’ex-n°1 du PCF, Marie-George Buffet, responsable du secteur des « luttes » dans la campagne du candidat Front de gauche, Mélenchon avait prévu de passer donner le coup de main aux employés fabricants de charriots-élévateurs et d’intervenir en réunion publique avec des représentants syndicaux d’autres boîtes en difficulté sur une terre marquée par le vote Front national. Mais trois jours après la mort du délégué syndical CGT de l’usine, José Montero, décédé d’une crise cardiaque, la visite de Mélenchon dans le sud de l’Oise s’est faite dans une atmosphère lourde. Poignante.

Après un tour sans caméras sur le poste de travail du syndicaliste pour un moment de recueillement, voici l’ancien socialiste devant près de 200 personnes pour échanger sur les fermetures d’usines, les conséquences de la crise et les propositions du Front de gauche pour enrayer la désindustrialisation. Se lève alors un ex-ouvrier des Continental de Clairoix, d’abord fier de montrer son ancien habit de travail noir et orange aux couleurs de l’entreprise désormais fermée, l’émotion le prend. Il donne deux chiffres : « 1 suicide et 140 divorces ». -« T’as raison, lui lance Mélenchon bondissant de son siège. C’est une affaire humaine cette histoire ! » L’ex-Conti reprend, ému : « J’en croise plein au supermarché qui croient que leur usine va revenir... Mais c’est tout vide là-dedans... » Une vingtaine de minutes plus tard, débarque sans prévenir Xavier Mathieu. Le leader des Contis, marqué et ému, prend le micro, s’excuse de ne pouvoir rester : « J’ai beaucoup de problèmes dans ma vie en ce moment. La lutte c’est bon, mais ça laisse beaucoup de traces. »

Haro sur « le monarque quinquennal » et le FN

Juste avant, costume noir et cravate rouge, Mélenchon se tenait debout, micro sous le menton pour vingt minutes de discours, alternant dans les registres de l’indignation, l’humour et la gravité : « La France n’est pas un endroit où on joue au monopoly avec les entreprises et les travailleurs ». Dans une région où le vote d’extrême droite est fort, le député européen se lance dans une défense des sans-papiers : « C’est un intérêt de la classe ouvrière ! brandit-il. A partir du moment où ils ont des papiers, ils peuvent venir au syndicat, le patron ne peut plus les sous-payer, nous brisons la concurrence entre les salariés ». Et à ceux tentés par le vote Marine Le Pen, il leur lance : « Ne vous laisser pas berner ! Ne vous laisser pas entraîner dans la division ! » Face au « protectionnisme aveugle » d’une FN qui devrait devenir, dans les semaines qui arrivent, la cible principale du candidat Front de gauche, Mélenchon oppose des « filtres » et la « coopération » contre les « portes ouvertes » qui « mettent les peuples en compétition les uns et les autres ».

Son programme rouge L’humain d’abord proche de lui, il égrenne « les solutions à la crises » proposées en 2012 par le Front de gauche : nouvelles formes de productions plus écologiques, relocalisations, nouvelles institutions... Mélenchon prévient : « On va aller chercher un par un ceux qui nous entourent pour revenir au combat. Parce qu’on peut gagner ! Beaucoup de gens réfléchissent. Ils ne s’occupent pas des étiquettes politiques ». Et s’il est élu en avril prochain, il annonce qu’il « prend la clé » de l’Elysée, « la jette dans la Seine : plus de monarque quinquennal... Et enfin je me repose ». Le candidat Front de gauche en appelle enfin à la « culture révolutionnaire française » : « On ne substituera pas une société à une autre en un mandat mais nous allons ouvrir une telle brèche, s’enflamme-t-il, que ça fera pour les autres [en Europe] comme pour nous ». Il termine en se moquant de son adversaire de la veille, Jean-François Copé, et de sa peur d’une « nuit du 4 août », il prévient la droite qu’« à l’ordre du jour », il met une « nouvelle révolution [...] qui leur fasse autant de mal que la dernière ».

Dehors, de retour devant l’usine des Still, une centaine d’employés l’attendent dans un silence de deuil. Drapeaux en bernes noués d’un bandeau noir. Le portrait de José Montero accroché en haut d’une banderole au-dessus de la scène. D’une voix grave, Mélenchon se lance dans un hommage au syndicaliste, présent derrière lui lors de son discours sur la grande scène Fête de l’Humanité. Il conclut, lyrique et touché, sur une référence au Chant des partisans : « Amis sortez de l’ombre et prenez la place de celui qui est tombé. » Il y a des moments de campagne qui marquent un candidat.

2) Video

http://www.liberation.fr/politiques...

3) Jean-Luc Mélenchon à Montataire La politique, c’est d’abord une affaire humaine (article de L’Humanité)

De nombreux salariés de l’Oise, du privé et du public, ont participé à la rencontre organisée par le Front de gauche, en présence de Jean-Luc Mélenchon. Omniprésente, la mort du syndicaliste de Still, José Monteiro, a libéré la parole.

L’émotion emplit la salle des fêtes, ce vendredi 18 novembre. Elle s’incruste et s’impose dans la rencontre à laquelle participent des représentants syndicaux de plusieurs entreprises de l’Oise, à l’initiative du Front de gauche. Jamais un rendez-vous politique n’a autant suscité d’émoi au fur et à mesure que s’exprime le mal-être des salariés. Ni Jean-Luc Mélenchon ni son alliée Marie-George Buffet ne peuvent dissimuler leur bouleversement. Ébranlés, ils le resteront tout au long de leur déplacement à Montataire, prévu bien avant la mort brutale de José 
Monteiro , l’un des principaux animateurs de la lutte menée depuis près de cinq mois contre la fermeture de Still-Saxby, l’usine de chariots élévateurs située dans la commune picarde.

Les regards restent déterminés

Dans la salle, le premier à s’emparer du micro donne le ton. Lui est venu habillé de son ex-bleu de travail. D’une voix tremblante, il murmure  : « On a eu un suicide, 140 divorces… Je croise dans le supermarché des collègues, on dirait des zombies… Ils croient encore que la boîte va rouvrir… » L’homme, ex-ouvrier chez Continental, lance un : « Bon courage les gars. Il ne faut pas baisser la tête, il faut rendre les coups. » Elle, syndicaliste à SUD, évoque « les différents cancers et les dépressions » qui se multiplient à la caisse primaire d’assurance maladie. Une autre, cadre à la SNCF, parle de la « misère sociale, psychologique, présente dans toutes les entreprises ». Et puis, alors qu’on ne l’attendait plus, Xavier Mathieu, l’emblématique leader CGT de Continental, déboule et balance  : « J’ai promis de venir, mais je ne peux rester. J’ai de gros problèmes dans ma vie… La lutte, c’est bien, mais ça laisse aussi des traces… » Il s’en va, le visage strié de larmes.

Les yeux se brouillent, mais les regards restent déterminés, subjugués par la force communicante de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat du Front de gauche à la présidentielle arrive à remonter le moral après quarante-cinq minutes d’une intervention au ton grave, parfois moqueur pour détendre l’atmosphère. « La France n’est pas un endroit où l’on joue au Monopoly avec les entreprises et les travailleurs  ! »

« Amis, sortez de l’ombre »

La mort d’un des leurs a sans doute libéré la parole. « Avant le syndicaliste, l’époux, José Monteiro était notre semblable. Nous ressentons ce qui lui arrive comme une affaire personnelle », note Jean-Luc Mélenchon. Tout le monde a en tête son image. Ni les participants à la rencontre ni ses collègues ne veulent croire que son décès, mardi 15 novembre, dû à une crise cardiaque, n’est pas lié au bras de fer qu’il avait engagé avec la multinationale Kion dont dépend Still-Saxby. « Il a combattu au service de l’intérêt général, soutient Marie-George Buffet (PCF), contre les spéculateurs et autres actionnaires qui rongent la société, contre le cancer financier qui tue. »

Une mort injuste, vécue comme un trop-plein par ces salariés du privé comme du public qui assistent à la rencontre placée sous le signe de « l’Humain d’abord ». Ces femmes et ces hommes, travailleurs avec ou sans papiers, ouvriers ou cadres, sont unis pour dire « stop » aux licenciements boursiers, à la désindustrialisation de la région picarde. « En 2035, il n’y aura plus d’industrie dans le pays si on continue dans ce sens », s’inquiète Jean-Pierre Bosino, maire (PCF) de Montataire. « Va-t-on laisser un désert à nos enfants  ? » s’indigne Jean-Marc Coache, élu (sans étiquette) au comité d’entreprise européen de Still-Saxby. Lui ne l’entend pas ainsi. Ne veut pas voir des zombies en plein désert picard. Au nom du défunt  : « Je n’arrive pas à réaliser qu’il n’est plus avec nous, souffle-t-il. On va continuer la lutte et chaque instant on pensera à José. »

Un message de détermination porté jusque devant la porte de l’usine, où les salariés, en tenue de travail, assistent à l’hommage rendu à José Monteiro. Un silence puis des applaudissements accompagnent les paroles de Jean-Luc Mélenchon. « Regardez comment à travers celui qui s’avance dans la lutte se dessine le visage de l’humanité universelle. (…) Pensez à celui qui marche devant, à celui qui s’avance pour porter la parole des uns et des autres. » Le candidat conclut en se référant au chant des partisans  : « Amis, sortez de l’ombre, prenez la place de celui qui est tombé, entrez dans la lutte, car elle vous rend libres, dignes et humains. »

Hommage à l’ami, au camarade

En deuil, les salariés ont cessé le travail, vendredi 18 novembre, le temps d’assister à l’hommage rendu à leur collègue José Monteiro. Représentant CGT à Still-Saxby, il avait trente-huit ans d’ancienneté dans cette usine. Ce technicien de cinquante-six ans était de nationalité espagnole, arrivé en France à l’âge de sept ans. À l’annonce, le 5 juillet, de la fermeture de l’entreprise, « il a tout de suite dit  : “On y va les gars.” Il est entré directement dans la lutte », raconte son collègue Jean-Marc Coache. La CGT va demander à ce que son décès soit classé en accident du travail.


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