Où est la gauche ? (par Clémentine Autain)

vendredi 2 décembre 2011.
 

Dans ce monde qui a perdu ses boussoles politiques, comment avoir les idées claires sur la gauche ? Il y a deux ans, un ouvrage collectif remarqué publié chez Fayard sous la direction d’Alain Caillé et Roger Sue portait un titre qui en disait long sur la perte des repères. Il s’intitulait : De gauche ? Comme si l’on ne savait plus bien de quoi la gauche était le nom… De nombreux sondages montrent d’ailleurs régulièrement que les Français se situent de moins en moins à partir du clivage droite/gauche. Signe des temps, l’image de Barack Obama et Nicolas Sarkozy se congratulant vendredi dernier comme s’ils étaient de la même famille politique ne peut qu’apporter de l’eau à ce moulin d’identités brouillées.

Rien d’étonnant donc que Serge Halimi se demande dans Le Monde diplomatique ce mois-ci : « Où est la gauche ? ». « Alors que le capitalisme connaît sa crise la plus sérieuse depuis celle des années trente, les principaux partis de gauche semblent muets, embarrassés. Au mieux, ils promettent de ravauder le système. Plus souvent, ils cherchent à prouver leur sens des responsabilités en recommandant eux aussi une purge libérale. Combien de temps ce jeu politique peut-il durer alors qu’enflent les colères sociales ? », s’interroge le journaliste. Il remarque que des dirigeants politiques longtemps présentés comme des références par la gauche modérée, en Grèce, en Espagne ou ailleurs, affrontent des cortèges indignés contre leur politique de rigueur. Comme Sarkozy en France ou Berlusconi en Italie. C’est le signe, nous dit Serge Halimi, que « le terme de gauche s’est à ce point déprécié qu’on ne l’associe plus à un contenu politique particulier ». Il note alors que « le Parti des Travailleurs (PT) brésilien estime que la gauche latino-américaine doit prendre la relève de celle du Vieux Continent, trop capitaliste, trop atlantiste, et donc de moins en moins légitime quand elle prétend défendre les intérêts populaires ». Du coup, poursuit le journaliste, le « déclin de l’Europe, c’est peut-être aussi le crépuscule de l’influence idéologique du continent qui avait vu naître syndicalisme, socialisme et communisme - et qui paraît plus volontiers que d’autres se résigner à leur effacement ». Juste une illustration : pour plaider la cause de Papandréou, la députée socialiste grecque Elena Panaritis a recouru à une référence renversante - écoutez : « Il a fallu onze ans à Margareth Thatcher pour mener à bien ses réformes dans un pays qui avait des problèmes structurels moins importants. Notre programme a été mis en place il y a seulement quatorze mois ! ». En résumé, dit Halimi : « Papandréou, mieux que Thatcher ! ».

Pour sortir de cette nasse, le journaliste du Monde diplo explique qu’il faut mettre au pas la mondialisation financière et assumer un certain nombre de ruptures avec l’actuel ordre européen et avec les politiques auxquelles les socialistes se sont ralliés. Pour exister, la gauche doit donc affirmer un refus. Ce point de vue m’a fait penser à ce vieux texte de l’intellectuel communiste Dyonis Mascolo, qui vient d’être réédité aux éditions Ligne, sur « le sens et l’usage du mot gauche ». Pour lui, « est de gauche tout refus, même partiel, de ce qui est. Tout jugement de gauche est une contestation (qui) nie quelque chose de ce qui tente de s’imposer comme non dépassable, comme impossible (…) Tout acte de gauche a un sens : il est le refus d’une limite établie ». Alors, où est la gauche ? Elle semble aux abonnés absents à l’heure de la tourmente économique. Mais, conclut Serge Halimi, « quand les peuples ne croient plus à un jeu politique dont les clés sont pipés, quand ils observent que les gouvernements se sont dépouillés de leur souveraineté, quand ils s’obstinent à réclamer la mise au pas des banques, quand ils se mobilisent sans savoir où les conduira leur colère, cela signifie malgré tout que la gauche est vivante ».


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message