Pas de compromis avec la finance  !

lundi 26 décembre 2011.
 

La gauche est placée devant un énorme défi  : avoir à affronter la plus grave crise que le capitalisme ait connue depuis les années 1930. Cette crise n’en finit pas et paraît devoir échapper à tout contrôle. Les uns après les autres, les pays de la zone euro sont rattrapés par la spéculation financière. Non contents de vouloir dicter aux gouvernements leurs exigences, les marchés financiers se livrent désormais à de véritables coups d’État. À la BCE, en Grèce, en Italie, ce sont les fondés de pouvoir du capital financier (anciens de la banque Goldman Sachs) qui gouvernent. Et l’on parle désormais de Jean-Claude Trichet comme premier président du Conseil européen des chefs d’État ou, à défaut, de l’eurogroupe…

La pensée unique est de retour. Financiers, agences de notation, gouvernements, Commission européenne, BCE, FMI, médias, tous le clament sur tous les tons. Il n’y a qu’une seule politique possible pour « apaiser » les marchés  : la réduction des déficits publics par l’austérité généralisée (baisse des salaires et des pensions, réduction des protections sociales, suppression d’emplois publics, privatisations massives…). On a déjà entendu un tel déferlement de fausses « évidences » à propos du traité constitutionnel européen et le peuple français ne s’était alors pas laissé faire. Les plans d’austérité européens se succèdent. En Grèce et partout en Europe, les peuples trinquent. En France, Nicolas Sarkozy en profite pour aggraver l’austérité par des mesures antisociales à répétition.

Sauf que ça ne marche pas, comme le montre le cas de la Grèce  : l’austérité enfonce toujours le pays qu’elle est censée sauver. La spirale sans fin des coupes drastiques dans les dépenses publiques aggrave la récession, réduit les rentrées fiscales et, au final, cette politique de gribouille creuse encore plus les déficits  ; démantèlement social et explosion du chômage en sont les inévitables conséquences. La conjonction des plans d’austérité en Europe conduira ainsi à la récession générale.

Face à ce défi, la gauche – toute la gauche – doit être à la hauteur qu’appelle la tourmente historique en cours. Elle doit offrir des perspectives aux résistances des travailleurs et aux mobilisations des indignés. Elle ne peut souscrire aux appels à l’union nationale, pas plus que s’effacer devant des « techniciens ». Elle ne peut laisser sans espoirs des citoyens dans la difficulté et anxieux de l’avenir.

Économiquement, elle ne peut circonscrire ses propositions au périmètre autorisé par les marchés et se contenter de « donner du sens » à la rigueur. Politiquement, elle ne peut tabler sur le seul rejet de Sarkozy pour une simple alternance. Si tel devait être le cas, l’absence de dynamique pourrait, au pire, conduire à sa défaite, car, en l’absence d’alternative porteuse d’espoir, c’est l’abstention et le Front national qui pourraient bien engranger les bénéfices du désenchantement populaire. Au mieux, si elle parvenait à l’emporter, elle se retrouverait dans l’incapacité d’affronter les spéculateurs et nourrirait immanquablement de nouvelles désillusions sociales aux conséquences politiques désastreuses dès lors que le Front national s’est désormais installé à des niveaux jamais atteints auparavant.

Dans une situation d’une telle gravité, il faut impérativement ouvrir le débat sur un programme de mesures concrètes et une stratégie offensive, cohérente et crédible de sortie de crise. Il doit s’ouvrir, sans invective, ni exclusive, entre toutes les composantes de la gauche sur les moyens d’affronter les marchés financiers et de répondre aux attentes populaires.

Identifier les causes pour apporter les vrais remèdes, c’est la première tâche. Cette crise n’est pas seulement celle de l’endettement public, mais celle du modèle libéral de développement du capitalisme depuis trois décennies. Il s’adosse à une construction libérale de l’Europe qui en a fait le maillon faible de la mondialisation. C’est l’accaparement accru de la richesse par le capital qui a conduit aux déficits et nourri la spéculation  ; c’est l’interdiction faite aux États de se financer auprès de la BCE qui a donné la main aux marchés financiers sur les dettes souveraines. C’est donc sur cela qu’il faut agir. Cela appelle des ruptures avec des orientations qui sont mortifères, et pas seulement des correctifs à la marge des injustices les plus criantes.

Il faudra s’affronter aux intérêts dominants, puisqu’il s’agit de les remettre en cause. Faire face à la spéculation financière internationale pour restaurer la souveraineté démocratique sur les choix économiques et sociaux ne sera assurément pas un parcours paisible. De même, alors que ses contradictions et ses méfaits éclatent chaque jour davantage, il faudra sortir de la construction libérale de l’UE, fondée sur la « concurrence libre et non faussée », pour retrouver le projet européen initial, celui de coopération et de solidarité, défiguré par les orientations actuelles. Il faudra, encore, répondre à la demande sociale, développer une politique industrielle et engager la nécessaire reconversion écologique de la production pour créer des emplois et échapper à la pente délétère des politiques d’austérité. Enfin, pour s’opposer à la seule logique de « création de valeur pour l’actionnaire » et lutter contre l’insécurité sociale qui gangrène notre société, il faudra définir de nouveaux droits et pouvoirs pour les salariés et construire de nouvelles protections contre le risque économique.

La situation que nous connaissons est grave, très grave. Pour surmonter efficacement la crise, la gauche au pouvoir devra mettre en œuvre des mesures de rupture avec l’ordre dominant. Elle ne le pourra que si elle s’appuie sur une volonté populaire forte. Elle ne peut se permettre de ne gagner que par défaut. Il lui faut savoir dès aujourd’hui susciter une « envie de gauche ». Pour cela, la gauche doit être porteuse d’un véritable espoir.

C’est pourquoi l’urgence est bien à une réflexion collective, entre toutes les composantes de la gauche et impliquant les citoyens. Comme lors du référendum de 2005, les élections présidentielle et législatives peuvent permettre au peuple de dire à nouveau « non » à un ordre libéral mortifère, pour proposer à la France et à l’Europe une nouvelle voie.

Il faut pour cela bousculer le fatalisme et le renoncement et faire prévaloir l’ambition d’une alternative. Les lignes peuvent et doivent bouger à gauche, du moins si l’on veut que se rassemblent les conditions d’une majorité et d’un gouvernement orientés non par les compromis hasardeux avec la finance, mais vers les intérêts du plus grand nombre.

Par Claude DEBONS, syndicaliste, et Jacques RIGAUDIAT, économiste, membres du conseil national du Front de Gauche.


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