Le peuple français en état de perplexité entre révolte et résignation

vendredi 23 décembre 2011.
 

Les sondeurs ont fini par accepter de le constater. On n’en est donc plus aux sondages « en ligne » dans lesquels cent pour cent des gens étaient supposés prêts à voter et savaient exactement pour qui. Plusieurs entreprises sondagières reconnaissent à présent que la moitié des personnes interrogées ne sont pas certaines de leur intention de vote. C’est exactement le pronostic sur lequel est fondée notre évaluation du moment politique. C’est lui qui fonde une bonne part de notre stratégie de campagne. Il fait notre force. Mais il contient aussi toute la difficulté de notre tâche. Quel est le sens de cette « indécision » ? Ce n’est pas de l’indifférence. Bien au contraire. Nous y voyons un état de perplexité entre révolte et résignation. Révolte et résignation ne s’annulent pas. Ils coexistent, souvent dans la même tête. La perplexité est le résultat de cette tension intérieure que vie le citoyen de ce moment-ci. Pierre Marcelle dans sa chronique pour « Libération » ce seize décembre, décrit cet état en partant d’un autre angle d’observation. Entre autre chose, il montre comment une double vie semble se dérouler devant nous. L’une est faite des problèmes qui obsèdent la vie quotidienne. Elle inclut bien sur la perception que chacun peut avoir de ce qui les explique. L’autre est faite du spectacle de la campagne électorale et des raisons mises en avant pour en expliquer les déroulements. Les deux semblent n’avoir aucun rapport entre elles. Cette perplexité ne va pas diminuer. Elle a une racine. A mesure que l’action politique des dominants se réduit à un simple accompagnement de situation dont ils reconnaissent haut et fort qu’elle leur échappe ces derniers sont conduits à fabriquer ailleurs et sur d’autres sujets leurs affrontements. Plus Sarkozy et Hollande sont d’accord sur la politique d’austérité en Europe, plus la mise en scène de leurs opposition devient opaque et confuse.

Dans cette opération, Sarkozy asphyxie littéralement Hollande. Persuadé d’avoir gagné d’avance, ce dernier se situe en gestionnaire de l’existant. En quinze jours, avec l’appel à Bayrou et avec le renoncement sur la retraite à soixante ans, le candidat socialiste a abandonné deux marqueurs historiques de la gauche française. Puis en Italie il s’est réjoui de l’union nationale autour de Mario Monti et de son programme. Ce programme c’est la retraite à soixante-sept ans, la TVA à 23 %, la baisse des pensions de retraites et ainsi de suite. Certes cet épisode, après celui identique en Allemagne et en Espagne n’a pas été beaucoup repéré dans les larges masses des citoyens. N’empêche le tout fait système. Dans les milieux politisés, on suit tout cela d’assez prêt. Chez les socialistes et en particulier dans l’encadrement intermédiaire de ce parti, non seulement il n’y a plus trace de la flambée des primaires mais le repli est visible. Ainsi a été augmenté le niveau de perplexité générale.

La contre-attaque de la droite a été habile. D’un côté elle a lourdement mis en avant l’appartenance de Bayrou à la droite. A l’utile électoral s’ajoutait l’agréable politicien. Car ainsi était surlignée l’incongruité de la danse du centre de Hollande en direction de Bayrou. De l’autre elle a dénoncé le flou et l’irrésolution du candidat socialiste. Celui-ci s’est senti obligé de démentir par des explications. Mais on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. Les explications ont donc souligné à la fois l’ampleur de la dérive et une grossière envie de le cacher.

Ainsi quand Marisol Touraine dans « Le Monde » confirme le lâchage de la retraite à soixante ans. L’aggravation du mal vient de sa tentative maladroite de faire passer pour une grande nouveauté et une victoire le droit au départ à soixante ans de ceux qui ont commencé à travailler à dix-huit ans. Car tout le monde a bien entendu que c’est à condition d’avoir cotisé quarante-deux ans ! De plus Raffarin avait fait la même chose, mais pour quarante annuités !

Même mésaventure pour les explications de Hollande lui-même sur ce qu’il entend par « renégociation du traité européen ». Premièrement : « Je partage la nécessité d’adresser de nouveaux signes de crédibilité par des procédures de contrôle des engagements budgétaires des états ». Deuxièmement : « je souhaite des moyens efficaces d’actions sur les marchés, conjuguant ceux de la banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance, et d’un fond de secours financier puissamment doté pour décourager la spéculation ». Le contrôle du budget des états et l’indépendance de la banque centrale : les deux verrous essentiels sont posés. Le reste alors n’est plus rien. Tout connaisseur du dossier qui lit les balivernes dont Hollande farcit le reste de son texte sait à quoi s’en tenir. Qu’il se sente lui-même obligé de dire que toutes les mesures qu’il énonce « même le président du conseil européen Hermann Von Rumpuy le propose » suffit à situer leur audace ! Il n’en reste pas moins le désagréable sentiment que l’on se moque de soi. Les lecteurs du « Monde » ont tout de même un niveau d’information qui leur permet de s’en rendre compte.

« Qui sont les déjà déçus de Hollande » demande la une du journal « Le Monde ». Voici la réponse : « un tiers de ces déçus se reporteraient sur Jean-Luc Mélenchon, un second tiers à part égales entre François Bayrou et Nicolas Sarkozy, les autres ne sont plus surs d’aller voter ». Ainsi, la décomposition politique du bloc cristallisé autour de la candidature socialiste engendre des produits très divers. Mais elle augmente aussi la perplexité. La masse des désorientés et désemparés s’accroit. Loin d’avoir clarifié la scène le résultat de la primaire socialiste l’a obscurcie. Pour autant « les enquêtes d’opinion » qui l’établissent d’une main, le récusent de l’autre. Elles continuent d’afficher une assurance de marbre dans leurs annonces. Le même « institut » qui « observe » un glissement du tiers des pertes de François Hollande vers ma candidature me retire cependant un point dans sa dernière enquête ! En toute logique bien sûr ! Ce n’est qu’un exemple ! Les écarts constatés entre les différentes « instituts » qui publient des résultats ont rarement été aussi importants ! Qui a raison, qui a tort ? Et, puisque tout le monde ne peut pas avoir raison en même temps, peut-être que tout le monde à tort !


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