50 % des Français n’excluent pas de voter Mélenchon

vendredi 16 mars 2012.
 

Jamais sans doute une campagne présidentielle n’a été aussi vide de propositions au point que le Front de Gauche fait figure de singularité inouïe avec sa série détaillée de mesures soumises aux électeurs. Qu’importe, il y a les sondages pour occuper les colonnes des journaux en racontant des histoires rapides à lire et faciles à comprendre. Les courbes de Sarkozy et Hollande vont se croiser nous annonce-t-on. Est-ce sûr ? Quand cela va-t-il se produire ? Sarkozy refrènera-t-il une mimique de joie ? Hollande saura-t-il cacher sa profonde déception ? Voici le palpitant feuilleton censé animer le système politique français, mélange de la personnalisation intrinsèque à la Cinquième République et du record mondial de consommation de sondages politiques. Car les deux phénomènes vont ensemble. Mais le débat démocratique, lui, va mal. Les questions de fond sont occultées. Et les sondages ainsi que les commentaires médiatiques auxquels ils donnent lieu permettent toutes les manipulations. Ainsi, la thèse de la remontée de Sarkozy s’appuie sur un sondage IFOP-JDD qu’un examen de bon sens devrait conduire à invalider complètement. Selon cet « institut », il n’y aura pas d’abstention à la prochaine présidentielle puisque 100% des personnes interrogées expriment l’intention de voter. Une prouesse permise par les sondages en ligne qui évacuent tout simplement cette option, quand bien même elle peut représenter dans la réalité le choix d’une majorité relative d’électeurs.

Mais le comble de la manipulation revient au journal Libération qui titre en caractères énormes que 30% des Français pourraient voter Le Pen. Pour atteindre ce chiffre qui fait bien peur, la nouvelle Pravda parisienne de Hollande additionne ceux qui voteraient « certainement » (8 %) ou « probablement (10 %) » pour Le Pen avec ceux qui ne le feraient « probablement pas (12 %) » ! Appliquée au dernier sondage de potentiel électoral concernant Jean-Luc Mélenchon, avant même sa candidature, le 24 février dernier, cette méthode conduirait à la conclusion que « 50 % des Français n’excluent pas de voter Mélenchon ». On attend que ce chiffre choc soit repris à la Une de Libé.

Pour les partisans de l’Europe austéritaire, la dégradation du débat civique n’est pas un problème. Il faut bien divertir le peuple auquel les traités ont lié les mains pendant que des institutions européennes « indépendantes » gouvernent sans lui rendre aucun compte. Mais pour les partisans de la révolution citoyenne, c’est non seulement un problème majeur mais c’est sans doute le problème principal. Celui-ci ne se règlera pas de l’intérieur du système médiatico-sondagier. Si celui-ci peut parfois laisser un peu d’espace à un candidat du Front de Gauche qui fait monter les audiences et permet de vendre les minutes de publicité plus cher (les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons, disait Lénine), il expose le monstre dans la cage débilitante de ces histoires écrites d’avance. C’est pourquoi la seule manière d’inverser le rapport de forces idéologique et culturel et d’obliger au débat public est le travail de terrain. C’est ainsi que le « non » de gauche s’est imposé en 2005. Seule une campagne populaire peut faire place au peuple. C’est la conviction du Front de Gauche qui relance sa campagne avec un matériel imprimé cette semaine à plus de sept millions d’exemplaires.

François Delapierre


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