Droit 
de préemption des salariés lors des cessions d’entreprise

mardi 24 janvier 2012.
 

Le 2 février prochain, dans les locaux de l’Assemblée nationale, des salariés d’entreprises en difficulté viendront donner leur point de vue sur une proposition de loi.

Le réseau Ap2E (Agir pour une économie équitable), animé par Sylvie Mayer et Jean-Pierre Caldier, travaille à l’élaboration d’une proposition de loi destinée à encadrer (accès au crédit, à la formation…) le fait de faire bénéficier les salariés d’un droit de préemption en cas de cession de leur entreprise, à travers une Scop par exemple. 700 000 chefs d’entreprise vont partir en retraite dans les années qui viennent. Trois millions de salariés sont directement concernés, mais aussi des territoires entiers. C’est dire si l’enjeu est de taille. Il ne s’agit plus de présenter la Scop comme un ultime recours à défaut de repreneur, mais bel et bien d’un droit de préemption à exercer ou non, une fois que le coût de la vente de l’entreprise a été fixé par son propriétaire, à la manière de ce qui se passe pour un locataire lorsque le propriétaire du logement ou ses ayants droit le mettent en vente. Les chiffres croissants du chômage et les centaines de cas d’entreprises pillées par leurs actionnaires 
stimulent par ailleurs le projet, qui pourrait être déposé avant les échéances électorales de 2012, porté par des députés de tous horizons politiques.

Le 2 février, une séance de travail se tiendra dans les locaux de l’Assemblée nationale, réunissant des salariés en lutte pour la sauvegarde de leur emploi et de leur outil de travail actuellement dans une situation critique (Fralib dans l’agroalimentaire, Lejaby dans l’industrie textile, Still spécialisé dans le matériel logistique industriel, Petitjean qui produit des matériels galvanisés, entre autres…). De quoi adapter et finaliser le texte de loi au plus près des réalités vécues dans les entreprises, dans une démarche active de démocratie participative, encouragée notamment par les députés communistes André Chassaigne et Daniel Paul. Une initiative de grande actualité quand on sait que les salariés d’une vingtaine d’entreprises se sont manifestés sur ces questions auprès de l’Élysée à la suite du soutien 
apporté par Nicolas Sarkozy 
au projet de Scop de la compagnie maritime SeaFrance.

L’ébauche de ce texte de loi est disponible dans son intégralité sur le site Internet du réseau  : http://www.ap2e.org /.

L. M.

2) Jean-Luc Mélenchon « Une lutte de résistance et de conquête de pouvoir »

Jean-Luc Mélenchon estime que les salariés de Fralib ou le Groupe Chèque Déjeuner ont créé des formes de prise de pouvoir.

Jean-Luc Mélenchon est à l’aise au siège de Chèque Déjeuner, à Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Il est comme chez lui, ce jeudi 5 janvier, dans cette société coopérative où il peut marteller son thème « Prenez le pouvoir  ! », décliné dans sa deuxième phase de campagne depuis le début du mois. Le candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle tenait à se déplacer dans cette Scop qui « réussit » et qui lui permet de rendre visible son concept de « radicalité concrète ».

L’odeur de peinture accompagne sa visite, guidée par le PDG Jacques Landriot, dans les locaux aménagés en janvier 2011. Ici, la recette pour prospérer tient en deux maîtres mots  : 
diversification et investissements. « On a racheté de nombreuses entreprises pour diversifier la production », explique Jacques Landriot. Afin de permettre l’accès à la lecture pour tous, la filière Chèque Livre est conquise au début des années 1990. Ce sera la première d’une longue série d’acquisitions. « On investit pour devenir leader incontesté. Les dividendes ne sont pas notre priorité. On a pu embaucher entre 
100 et 200 personnes par an », se réjouit le PDG, heureux de faire visiter sa société à des candidats au scrutin présidentiel.

Jean-Luc Mélenchon suit les explications, savoure les propos sur l’implication des salariés dans la Scop, gérée en « toute transparence  », selon Jacques Landriot. Le prétendant à l’Élysée prend des notes, pose des questions sur les conditions de travail dans ce site qui compte 700 des 2 130 collaborateurs du Groupe Chèque Déjeuner. Il est rare de voir, comme ici, de spacieux espaces dédiés à la cafétéria, à la crèche ou au sport. La salle de gym, high-tech, peut même rivaliser avec certaines du Club Med. « Quand on comprend la stratégie de la société et que l’on travaille dans de bonnes conditions, on ne peut que s’y impliquer 
davantage », analyse le PDG.

Particulièrement intéressé par les Scop, Jean-Luc Mélenchon estime qu’elles sont « une des formes de la prise de pouvoir et d’implication dans le pouvoir. Il peut y avoir la propriété nationale, l’extension des droits dans l’entreprise privée ou encore un droit de veto suspensif des CE lors des licenciements économiques ». Sans en faire le seul modèle à suivre, le candidat souligne toutefois que le Groupe Chèque Déjeuner est concrètement passé « d’une idée sur un projet social pour devenir une activité économique autogérée par ceux qui la produisent ».

Jean-Luc Mélenchon est à la recherche de toute expérimentation d’appropriation de son propre destin. À peine désigné officiellement candidat, il s’est rendu, le 20 juin 2011, à Gémenos, à la rencontre des salariés de Fralib, en pleine réflexion sur la création d’une société coopérative. « C’est une lutte de résistance et en même temps de conquête du pouvoir », juge-t-il. Cette lutte lui a inspiré son slogan du moment  : « Prenez le pouvoir  ! » Fralib incarne la dialectique dans laquelle il se place  : « Partager le pouvoir de gré ou de force, par la force de la loi ou la conquête du pouvoir. » Au fil de sa campagne, ici et là, le candidat dit observer un changement de mentalité dans les entreprises en lutte. Selon lui, « on commence à passer du discours de colère aveuglée » pour entrer dans la phase qui consiste à vouloir s’accaparer du pouvoir.

Mina Kaci, L’Humanité

3) Un droit de préemption des salariés sur leur entreprise ? (Alternatives économiques)

Que se passe-t-il lorsqu’un appartement loué est vendu ? Son propriétaire est tenu d’en avertir le locataire, qui est alors prioritaire pour acheter. Qu’arrive-t-il si une entreprise change mains ? Direction, repreneur et banques mènent la danse, tandis que les salariés n’ont pas voix au chapitre. Ils font simplement partie des meubles : demande-t-on leur avis à des chaises, à des bureaux ou à des machines ? Pourquoi donc ces salariés n’ont-ils pas eux aussi, légalement, un droit de préemption sur leur entreprise, s’ils le désirent et si les conditions pour le faire sont réunies ?

Pourtant, le cas SeaFrance le rappelle : une entreprise n’est pas une simple personne morale que l’on peut supprimer d’un trait de crayon. Cette personne morale n’est qu’une enveloppe qui réunit en son sein des personnes physiques — en l’occurrence plus de 800 —, des femmes et des hommes qui la font vivre. Trentenaires, quadras, quinquas, femmes et hommes, avec deux, cinq ou vingt ans d’ancienneté, tous les salariés sont trop souvent considérés au mieux comme des enfants qu’il est inutile de consulter, au pis comme des obstacles au bon fonctionnement d’une entreprise. Pourtant les exemples sont nombreux de sociétés au bord de la disparition qui, reprises par leurs salariés, sont toujours en activité des années plus tard.

L’association Agir pour une économie équitable (AP2E) organise une deuxième rencontre de discussions et d’échanges — après celle du 27 octobre 2011 — à l’Assemblée nationale. L’objectif est d’élaborer un projet de proposition de loi sur « Le droit de préemption des salariés en cas de cession de leur entreprise ». Cette réunion est ouverte au public. Il suffit pour y participer de s’inscrire sur le site Internet d’AP2E puis de se rendre à l’Assemblée nationale, le 2 février prochain à 14 h 00.


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