Grèce : Déclarations Theodorakis, Tsipras, Le Hyaric, ATTAC, NPA

dimanche 19 février 2012.
 

1) Mikis Theodorakis : « Je veux les regarder dans les yeux avant qu’ils votent »

« Je veux les regarder droit dans les yeux, avant qu’ils votent pour les mesures d’austérité » a déclaré le célèbre compositeur Mikis Theodorakisaux aux journalistes avant d’entrer dans le parlement grec. »Ils se préparent à voter pour la mort de la Grèce » a-t-il souligné. Mikis Theodorakis, 85 ans, et Manolis Glezos, 89 ans, avait appelé les gens à manifester devant le Parlement ce dimanche.

Les deux hommes se rendirent ensemble à la manifestation, quand ils ont été victimes du gaz lacrymogène tiré par la police. Les masques chirurgicaux qu’ils portaient ne les ont pas empêché de se sentir mal à l’aise. Ils ont tous deux été traités au cabinet médical du Parlement. Comme anciens députés, Theodorakis et Glezos ont assisté au vote des sièges réservés pour le public.

« Nous envoyons un message d’optimisme. Nous nous sommes battus et cette fois nous allons gagner », a déclaré Theodorakis, qui avait combattu pendant la guerre civile et la dictature militaire et qui a été condamné plusieurs fois à exil.

2) Discours du président du groupe parlementaire de SY.RIZ.A, Alexis Tsipras

Question :

« Monsieur le premier ministre, je pense que vous conviendrez avec moi qu’il n’existe pas une seule personne sensée dans ce pays – en pas uniquement dans ce pays – qui ne conclue pas que la politique de grande austérité, la logique de la dévaluation qui est le cœur même de la politique de rigueur, détruisent depuis deux ans déjà l’économie , la paralysent, et nous ont conduit à un enfer social.

Les personnes qui nous ont imposé cette politique concluent elles-mêmes au désastre. C’est une recette qui ne fonctionne pas. Même des représentants du FMI ainsi que des économistes allemands sont d’accord là-dessus. Et vous, au lieu de vous saisir de cela et d’exiger un changement de stratégie, vous vous présentez, tout du moins publiquement, comme n’ayant aucune perspective alternative, et vous acceptez tout.

Votre phrase, comme quoi la ligne rouge serait le salut de la nation revient à une reddition sans limite aux créanciers. M. Papandréou disait exactement les mêmes choses durant deux ans et il ne peut plus circuler aujourd’hui ; même les députés de son propre parti, le PASOK, se retournent contre leurs ministres.

Monsieur le premier ministre, on vous dira, si vous sortez voir dehors – je pense que vous le savez – que le salut de la patrie réside ses éléments qui brillent et qui sont assombris. Un jeune sur deux est aujourd’hui sans emploi. Sept ménages sur dix opèrent des réductions drastiques, même sur la nourriture. Le taux de suicide a grimpé de 20% et il n’existe plus de porche dans les rues principales d’Athènes n’abritant pas un sans-abri. Est-ce cela le salut de la nation ?

Même votre collègue, M. Monti, a imposé quelques limites, quelques lignes rouges. Il a imposé quelques limites à Mme. Merkel. Vous, que négociez-vous au juste ?

J’arrive donc au cœur de la question, car vous prouvez de cette façon tragique que la politique de rigueur, conduite au prétexte de la dette, est la menace de la plus extrême des politiques de classe, au profit, bien entendu, de quelques uns, lesquels – souvenons-nous de la période de l’occupation – comme tant d’autres commerçants du marché noir, sont prêts à tuer pour arriver à leurs fins.

Je vous demande donc. Vous, qui êtes un économiste de renom. Pensez-vous que le problème de la compétitivité de l’économique grecque soit le salaire élevé des travailleurs ?

Vous pensez même légiférer sur une baisse des salaires, un acte législatif donc, en ignorant le fait que, M. le premier ministre, vous n’êtes pas élu du peuple grec pour apposer des signatures. Vous êtes élu des députés. Vous ignorerez même ceux qui vous ont élu ?

Nous demandons des réponses précises, car le peuple en ce moment même se plaint et ni les chantages ni le terrorisme sur le monde ne sont profitables. Nous exigeons une argumentation précise ».

Discours :

« Je me demande où vous trouvez le courage, MM. les ministres, d’applaudir dans ce contexte.

M. le premier ministre, le mot magique pour le redressement de l’économie est la croissance et non la hausse des exportations. En particulier dans un contexte de récession mondiale.

Je voudrais donc vous dire que lorsque notre pays se retrouve avec un taux de récession sans précédent en Europe depuis la guerre (à l’exception de la chute de l’Unions Soviétique), et que sa récession est comparable à celle du Soudan, penser que la réduction des salaires fera repartir la croissance et croitre la concurrence est en dehors de toute logique.

Egalement, M. le premier ministre, même si nous nous accordions sur le fait qu’il faille étudier le problème de la compétitivité des prix. En tant qu’économiste, vous savez bien mieux que moi que la compétitivité des prix dépend de trois paramètres. Du coût salarial unitaire mais également de la marge bénéficiaire ainsi que du taux de change effectif nominal. C’est-à-dire que la politique désinflationniste de la BCE a été beaucoup plus dommageable que les travailleurs aux revenus élevés.

Allons maintenant à ce que vous m’avez dit. Qu’en Grèce nous avons une hausse du coût du travail. Je ne suis pas d’accord avec vous. Nous avions une hausse du coût salarial unitaire mais notre pays continue à être derrière tous les autres pays de la zone Euro en comparaison avec leur coût salarial unitaire, tandis que nous sommes les premiers de la zone Euro en matière de marge bénéficiaire.

Tandis que, permettez-moi de vous dire, la Banque de Grèce n’utilise pas l’indice standard de cout salarial par unité. Le cout salarial par unité se calcule en pourcentage, fraction du PIB vis-à-vis du salarié et non de l’actif. Phénomène qui tend à dévaluer systématiquement la productivité du travail, tandis que le coût salarial unitaire, qui est inversement proportionnel à la productivité, apparait plus grand que ce qu’il est en réalité.

Entrons tout de même dans le vif du sujet car cela est en fait un objet d’étude d’économistes et les gens ne le comprendront pas forcément ; je vous parlerai en termes clairs et compréhensibles.

M. le premier ministre, il n’est pas possible que dans cette crise sans précédent, où les revenus de tous ont diminué, où les postes de travail sont réduits tandis que les prix restent à un niveau très élevé, vous pensiez que nous nous sauverons en tant que pays en abaissant encore les salaires lesquels sont déjà très bas, même dans le secteur privé. Il est impensable que vous pensiez cela, vous qui êtes un économiste renommé.

En Grèce le nombre d’entreprises a baissé car beaucoup de PME, lesquelles sont surtout tournées vers le marché intérieur et non vers l’exportation, n’ont pu survivre. Et lorsque le consommateur moyen – car toute cette attaque a été dirigée vers les bas et moyens salaires, les salaires de ceux qui consomment tout ce qu’ils gagnent – c’est-à-dire la majorité des consommateurs, ne peut rien acheter, la consommation diminue et, bien entendu, les entreprises ferment. Il s’agit de mathématiques simples. Il n’est pas nécessaire d’être économiste pour comprendre cela.

En conséquence, tant que vous persévérez dans les politiques d’austérité, dans les politiques de récession, nous n’aurons que peu d’investissements publics et donc aucun développement ni croissance ne seront possibles, et, en même temps, le mécanisme fiscal se détruira petit à petit, nous aurons moins de recettes et donc ce que nous voulions éviter, ce de quoi vous tentez depuis deux ans de nous sauver à travers votre politique, vous-même le provoquez par ces mêmes politiques. Que provoquez-vous ? La possibilité de banqueroute. La faillite se rapproche de plus en plus à cause des politiques que vous suivez. Ne comprenez-vous donc pas cela ?

Vous nous conduisez à la catastrophe. Nous roulons à 150km/h vers le ravin, sans freins et sans plan de rechange. Savoir si la faillite se produira dans ou en dehors de l’euro, est-ce réellement la question ? Ou encore dites-vous que vous nous sauverez grâce au nouveau prêt de 89 milliards ; 39 iront directement aux banques, 30 au PSI et le reste iront rembourser nos obligations. Aucun euro n’ira à l’économie réelle.

Si le but, M. le premier ministre, est de nous transformer en Inde ou en Soudan, il n’est pas nécessaire de faire appel aux puissances extérieures, nous pouvons y arriver seuls. C’est cette politique qui nous conduit droit aux années 50, et avec une exactitude mathématique et en dehors de la zone Euro, la politique des accords de prêts, du droit anglais sur les obligations, du nivèlement par le bas des salaires, de l’abrogation du salaire minimum, de la destruction du droit du travail, de la braderie des biens publics. Telles sont les responsabilités que vous devez assumer, cela sans avoir été élu et dans un système politique qui s’écroule. Un système politique pourri de la « voleurocratie » et de la corruption.

Vous supposez pouvoir vous en sortir à coup de chantages et de mesures terroristes ? Si, M. le premier ministre, telle est la réalité et que vous n’avez pas de plan alternatif, votre meilleure contribution au pays serait de le conduire vers un processus démocratique, c’est-à-dire au verdict populaire et que le futur soit décidé par le peuple grec et non par une assemblée élue dans un autre contexte et qui aujourd’hui est en dissonance totale avec la volonté populaire ».

Traduction : Manolis Makridakis

3) Et si dans les mois, les années qui viennent nous étions traités comme le sont les Grecs ? (Patrick Le Hyaric)

Je m’adresse à tous les salariés, à tous les peuples de l’Europe.

Plan d’austérité après plan d’austérité, les autorités européennes leur imposent une effroyable purge sociale : diminution du salaire minimum de près d’un quart -en France une telle mesure ramènerait le SMIC à 1000€-, suppression cette année de quinze mille emplois publics, nouvelle baisse des retraites, diminution de la sécurité sociale, privatisation de quatre nouvelles entreprises.

C’est une effroyable saignée qui épargne les armateurs, la riche Eglise orthodoxe, les banquiers et les spéculateurs. On ne peut tolérer que soit ainsi traité au XXIème siècle, sur le continent européen, un peuple qui a légué au monde les principes de la démocratie aujourd’hui piétinés par les autorités européennes. On ne peut accepter que soit niée sa souveraineté et qu’il soit soumis à la « discipline budgétaire » et à « la surveillance » tandis que les marchés financiers et les banques le spolient avec des taux d’intérêts usuraires. Cette danse macabre des vautours de la finance qui dépècent la Grèce doit cesser. Il faut leur couper les ailes sinon ils s’attaqueront à d’autres proies en Europe. Leur austérité mène à la ruine.

Avec les Grecs, refusons-la avec d’autant plus de force que les deux traités européens écrits par Sarkozy et Merkel visent à imposer partout dans l’Union européenne le garrot qui étrangle la population grecque. En Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, dans toute l’Europe, rassemblons-nous sur une exigence simple et réaliste : que la Banque centrale européenne prenne en charge la dette grecque et avance à ce pays directement les 130 milliards dont il a besoin au même taux qu’elle le fait pour les banques privées, c’est-à-dire à 1%. Ne pas le faire serait un crime !

Oui, Grecs nous sommes dans la solidarité en refusant de l’être demain dans le malheur qu’on leur fait subir.

Patrick Le Hyaric

Directeur de l’Humanité

Député au Parlement européen

4) Grèce : la débâcle de l’austérité, le naufrage de l’Europe (Attac France)

Le Parlement grec a adopté hier un énième plan d’austérité négocié avec la Troïka. En échange, la BCE, le FMI et l’Union européenne accepteront de débloquer une nouvelle tranche de financement d’un plan que plus personne n’ose encore qualifier de « sauvetage ».

Malgré les défections de ministres et de députés, les manifestations d’hier, d’une ampleur sans précédent, n’ont pas suffi à bloquer l’adoption du plan au Parlement, avec une majorité incluant le Parti socialiste, la droite classique et l’extrême-droite. La colère et le désespoir populaires vont encore s’amplifier.

L’économie grecque est littéralement laminée par les politiques d’austérité, dont le nouveau plan est une étape supplémentaire : baisse de 22 % du salaire minimum, ramené à 586 euros brut sur 14 mois, suppression dans l’année de 15 000 emplois publics, nouvelles coupes dans les pensions de retraite. Loin de jeter les bases d’une sortie de crise, les prétendues « cures » imposées par la Troïka entretiennent un cercle vicieux de récession et de chômage.

Le but de ces politiques : imposer une « dévaluation interne » par une baisse massive des salaires et des budgets sociaux, en préservant les intérêts des classes dominantes et du secteur financier. Les banques grecques seront recapitalisées par l’État mais resteront dans les mains de leurs actionnaires privés.

Selon le FMI lui-même, la saignée actuelle et la restructuration en cours de la dette grecque ne permettront dans la meilleure des hypothèses que de ramener la dette de 160 % à 120 % du PIB d’ici 2020.Les nouveaux prêts ne serviront qu’à rembourser les anciens, la restructuration de la dette ne servira qu’à maintenir à long terme le flux des intérêts qui saignent l’économie grecque en alimentant les banques européennes. La Grèce sera ramenée à une économie de subsistance et de tourisme à bas prix.

La crise est économique et sociale, mais aussi démocratique et politique. La classe politique grecque reste sourde aux exigences des citoyens, tandis que l’Union européenne exerce une violence sans précédent contre l’un de ses pays membres, prélude à d’autres violences contre d’autres pays. Il faut croire que la Grèce est pour les classes dominantes un laboratoire pour tester jusqu’où elles peuvent aller dans la pression exercée sur les peuples.

Parmi les mesures indispensables pour sortir la Grèce, mais aussi le Portugal, l’Espagne, l’Italie et l’ensemble de l’Europe de cette impasse, il faut d’urgence une reprise en main de la Banque centrale européenne par le politique, une réforme fiscale taxant les revenus financiers et les gros patrimoines, une annulation des dettes illégitimes, une politique européenne de convergence sociale vers le haut, des plans massifs d’investissement public pour la transition écologique...

Les luttes sociales sont appelées à s’amplifier dans les mois à venir dans toute l’Europe pour stopper la spirale infernale de l’austérité et de la désagrégation, et imposer une réorientation solidaire de la construction européenne, à commencer par le rejet du « Pacte budgétaire ». Dans cette perspective, Attac France appelle à multiplier les initiatives de solidarité avec le peuple grec.

Attac France, le 13 février

5) COMMUNIQUÉ DU NPA. SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE GREC

La nuit dernière, la majorité des débutés grecs(199 sur 300) ont cédé au diktat de la BCE, du FMI et de Merkel-Sarkozy en votant les nouvelles mesures d’austérité qui font payer au peuple grec les frais d’une crise dont il n’est en rien responsable.

Ces attaques contre les salaires et les retraites n’ont qu’un objectif, permettre aux banques de continuer de prélever leur tribu. Les 40 députés de gauche et de droite qui ont refusé de se soumettre ont été exclus de leur parti sur le champ. Les banques censurent toute démocratie et imposent une politique qui conduit à la récession et à la régression sociale.

A Athènes, comme dans tout le pays, ces nouvelles attaques ont suscité la colère et la révolte. Malgré la violence des attaques de la police, les gaz lacrymogènes, le peuple grec a désavoué le vote indigne de la majorité des députés. Il dit non à un plan d’austérité qui l’étrangle et ne peut qu’aggraver la crise qui touche aussi tous les peuples d’Europe.

Sa révolte comme sa lutte sont les nôtres.

Le NPA se joint à l’appel unitaire à lui apporter notre solidarité ce lundi à 18h30 à proximité de l’ambassade grecque et du bureau du FMI, à Paris, Place d’Uruguay angle avenue d’Iena et rue AugusteVaquerie(Paris16-métroKléber).

Le 13 février 2012.


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