On ne bâtira pas l’Europe avec une camisole austéritaire

mardi 6 mars 2012.
 

La tribune co-signée par Daniel Cohn-Bendit, José Bové et Pascal Canfin débutait pourtant bien. Qui en effet, pour reprendre l’introduction des trois députés européens EELV, ne souscrirait pas à la volonté d’unir la gauche européenne contre la réforme des traités européens qui consacrent l’austérité ? José Bové, avec qui nous avons partagé tant de tribunes pour nous opposer au Traité constitutionnel européen en 2005, aurait-il réussi à convaincre ses deux compères alors partisans du oui ? Las, la suite est nettement moins réjouissante.

On cherche vainement une position claire des auteurs sur le Traité Sarkozy-Merkel. Il y a pourtant urgence puisque ces deux-là entendent se mettre d’accord jeudi. Quid aussi du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui passe ce mardi au Sénat ? Au milieu d’une tribune qui hésite entre politique et règlement de comptes, on croit comprendre que ces députés européens perçoivent du progrès dans le MES. Aïe, est-ce bien le paysan du Larzac devenu député qui a influé sur Cohn-Bendit ? Le MES est pourtant indissociable du Traité Merkozy. Il institue des politiques austéritaires du type de celle infligée aux malheureux Grecs, en échange de fonds dont désormais les parlements nationaux comme européens n’auront plus le contrôle ni de leur montant, ni de leur destination. Ce qui nous persuade d’ailleurs que ce texte n’est pas conforme à la Constitution française.

C’est ce qui a conduit les députés du FDG à voter contre le MES, tout comme d’ailleurs les députés d’Europe Ecologie les Verts. Les sénateurs de ces deux groupes vont aujourd’hui exprimer de nouveau le même refus du MES. C’est sans doute cette alliance de fait qui n’est pas du goût du trio. Elle explique même peut-être cette étrange tribune plus politicienne qu’elle n’en a l’air.

Manifestement, ils se retrouvent plus en phase avec la consigne d’abstention de François Hollande et des groupes socialistes. Pour ses signataires, l’unité de la gauche semble en effet ne se concevoir, pour les citer, que dans l’alliance Rose-Vert... Otez donc ce rouge de notre paysage, qui va jusqu’à être renvoyé dos à dos, pour les besoins de la démonstration, avec le couple Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ! Pour le justifier, on sort l’artillerie lourde : Jean-Luc Mélenchon, car c’est lui et le Front de Gauche qui sont manifestement les cibles de cette tribune, serait donc coupable de « terrorisme intellectuel » ! Rien de moins. Sa responsabilité : il veut notamment permettre que la BCE finance les Etats directement sans conditions.

Oui, et nous l’assumons.

Jean-Luc Mélenchon l’a même proposé dès le premier plan de « sauvetage » de la Grèce, afin d’éviter que ce peuple ne soit livré aux banques et aux spéculateurs, qui plus est sous condition de baisse des salaires, des retraites et du nombre de fonctionnaires dans les services publics. L’austérité plus les banquiers, c’est la double peine ! Difficile aujourd’hui de lui donner tort.

Banquiers d’autant plus avantagés que la même BCE venait de les renflouer –sans conditions... Dany, José et Pascal, vous entendez, sans aucune condition –par des prêts à 1% d’intérêt. Et elle vient de recommencer à hauteur de 500 milliards d’euros ! Demander la même chose pour les Etats, ce qui exige de revenir sur l’indépendance de la BCE, nous vaut donc d’être voués aux gémonies par ce triumvirat. Qui n’hésite pas, pour parfaire la démonstration, à sombrer dans le ridicule : pour éviter le terrorisme intellectuel, il faudrait donc soutenir le FMI et la Commission dans leur lutte contre le clientélisme et l’évasion fiscale en Grèce. En définitive, à en croire les auteurs, la Troika soupeserait finalement sa politique, telle la balance de la Justice, prenant aux uns et aux autres, au peuple et aux armateurs. La démonstration devrait plaire aux Grecs...

En soutenant le Traité constitutionnel européen puis le Traité de Lisbonne, Dany Cohn-Bendit a sans doute voulu combattre les souverainistes. Au final, il aura tout juste apporté son soutien aux libéraux qui se sont régalés de ce grand marché libre et sans contrainte. Cet espace marchand que d’aucuns, naïfs on préfère le croire, ont voulu nous faire prendre pour la consolidation d’une Union européenne. On en voit le résultat aujourd’hui, et pas seulement en Grèce. S’ils veulent combattre à la fois les néo-libéraux et les nationalistes, les trois députés européens devraient commencer par reconnaître qu’on ne bâtira pas l’Europe en niant la souveraineté des peuples et en leur imposant une camisole austéritaire.

Un tel constat pourrait permettre à la gauche de s’unir, dès maintenant, sur au moins une exigence : que chacun de ses candidat à la présidentielle s’engage sur l’organisation d’un référendum sur le Traité Sarkozy-Merkel comme l’a déjà fait Jean-Luc Mélenchon. Voilà qui pourrait être annonciateur d’autres changements politiques en Europe, et notamment en Allemagne en 2013, et redonner ainsi un peu d’espoir. Ce serait ainsi « aller à l’idéal et comprendre le réel » pour combattre le plus efficacement possible le « capitalisme (qui) porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». Car tant qu’à citer Jaurès, mieux vaut ne pas le trahir... Surtout en temps de crise lourde de tous les dangers...

Eric Coquerel, secrétaire national du PG chargé des relations unitaires, conseiller spécial de Jean-Luc Mélenchon

Corinne Morel-Darleux, secrétaire national du PG à l’écologie, animatrice du Front de Gauche


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