Jean-Luc Mélenchon progresse et gagne en appétit (Le Monde du 6 mars 2012)

dimanche 25 mars 2012.
 

Bonne nouvelle pour Jean-Luc Mélenchon, de retour de vacances : dans le sondage Ipsos pour Le Monde, France Télévisions et Radio France, le candidat du Front de gauche progresse de 1,5 point et frôle la barre symbolique des 10 % d’intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle.

Et visiblement, M. Mélenchon est rentré en forme de ses quelques jours de repos dans la Manche. Il a attaqué la dernière ligne droite avant la présidentielle par un passage certes tardif mais remarqué, lundi 5 mars, dans l’émission "Parole de candidat" diffusée sur TF1. Retraite à 60 ans, smic à 1 700 euros, VIe République : après Marine Le Pen qui était invitée en "prime time", le candidat du Front de gauche y a défendu son programme pendant plus d’une heure. Et même s’il a vertement critiqué le traitement que lui a réservé TF1, l’eurodéputé n’a pas annulé sa venue.

Car ce "showman" sait tout le bénéfice qu’il peut tirer de ses passages télévisés. Plus de 3 millions de personnes avaient suivi sa prestation sur France 2 début janvier. Une émission qui avait marqué un avant et un après pour Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche (PG). "Il faut être réaliste : il y a beaucoup de gens qui ne lisent aucune presse et qui ne savaient pas qui était Jean-Luc Mélenchon, souligne-t-elle. Ça a créé une vraie rupture."

"LA DYNAMIQUE EST LÀ"

Autre signe qui ne trompe pas pour l’équipe du candidat : ses meetings font le plein. "On mobilise au-delà des cercles politisés", affirme M. Mélenchon, qui devait être mardi soir à Rouen. "Sur le terrain, on sent que la dynamique est là", ajoute Olivier Dartigolles (PCF), son codirecteur de campagne. Notamment chez les militants communistes qui avaient pu se montrer méfiants au début de la campagne.

"A 45 ans, je vis un moment que je n’ai jamais vécu dans ma vie politique, assure Marie-Pierre Vieu, membre de la direction nationale du PCF. A l’échelle des communistes, on a l’impression qu’on est sorti de la peur de la présidentielle – en 2007, on avait fait moins de 2 %. On n’est plus dans ce traumatisme mais sur une mobilisation exceptionnelle."

Le prochain rendez-vous est fixé au 18 mars. Ce jour-là, le Front de gauche organise une marche sur la Bastille, qui partira de la place de la Nation et se conclura par un discours du candidat sur le thème de la VIe République. "Plusieurs dizaines de milliers de personnes" sont attendues. "L’idée est d’en faire une démonstration de force qui montrera la dynamique créée autour du Front de gauche", souligne Ian Brossat, un élu parisien du PCF.

"SEUIL DE CRÉDIBILITÉ"

Profitant de la faiblesse de l’extrême gauche – Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Arthaud (LO) dépassent rarement les 2% d’intentions de vote à eux deux –, M. Mélenchon se situe désormais entre 8 % et 9,5 % des intentions de vote dans les sondages. "Il y a une véritable progression dans la durée", note Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. M. Mélenchon pourrait également bénéficier de l’égalité stricte du temps de parole, qui débute le 20 mars.

Autant d’éléments qui pourraient aider l’eurodéputé à franchir les 10 % d’intentions de vote – un "seuil de crédibilité" pour M. Mélenchon. "Le regard porté sur vous n’est plus le même, juge Alexis Corbière, secrétaire national du PG. Il y a une attente très forte de battre Sarkozy mais aussi d’une gauche à la hauteur des enjeux. Et dans cette campagne, les gens veulent voter utile." Avec un candidat socialiste aujourd’hui donné autour de 30 % des intentions de vote, le spectre du 21 avril 2002 s’éloigne, ce qui pourrait faciliter un vote de conviction, estime le Front de gauche.

De son côté, François Hollande regarde plutôt d’un bon œil la progression de M. Mélenchon dans les sondages, même s’il préférerait gagner des points sur son nom. "Il tire un bénéfice de la campagne qui a été la sienne : après avoir été dans l’affrontement avec moi, il cherche l’affrontement direct avec l’extrême droite. Il a raison. Sa campagne est utile à la gauche quand il va chercher des électeurs qui pourraient pencher du côté de l’extrême droite", analyse le candidat PS. Et d’ajouter : "Il a compris que c’était mieux si nous gagnons la présidentielle que si nous la perdions."

"Hollande est sous la pression de la montée du Front de gauche", veut croire Alexis Corbière. Un score à deux chiffres modifierait le rapport de force avec le Parti socialiste pour le report des voix au second tour de l’élection présidentielle mais également pour les élections législatives.

"HOLLANDRÉOU"

Pour Jean-Luc Mélenchon, sa progression dans les sondages a déjà commencé à produire des effets. Il en veut pour preuve la proposition de M. Hollande de taxer à 75 % les revenus supérieurs à un million d’euros par an. "Ce n’est pas vrai qu’il gardait cette proposition dans sa musette : c’est parce qu’il craignait de se faire asphyxier par Sarkozy qu’il l’a dégainée", juge M. Mélenchon.

En cas de victoire socialiste, un bon score du Front de gauche posera aussi la question d’une participation gouvernementale. Une hypothèse que M. Mélenchon n’envisage pas pour lui-même. Il l’a redit lundi soir sur TF1 : il ne participera pas à un gouvernement "Hollandréou", en référence à l’ancien premier ministre grec Georges Papandréou qui a mis en œuvre des plans d’austérité dans son pays.

Pour les communistes, l’approche est différente mais la réponse est la même. "Nous n’irons pas dans un gouvernement qui ne s’inscrit pas dans une politique de rupture", assure Olivier Dartigolles, qui voit "trois verrous à faire sauter" : sur la politique européenne, sur une politique de redistribution des richesses (emploi, salaire et pouvoir d’achat) et sur une réforme des institutions, avec une consultation des électeurs par référendum sur les sujets jugés cruciaux.

La situation pourrait se compliquer pour les socialistes si le Front de gauche réussit à renforcer son groupe à l’Assemblée nationale, adoptant alors "une attitude critique mais responsable", comme le résume Roger Martelli, historien et ancien membre de la direction du PCF, qui a quitté le parti en 2010. "La question se pose alors ainsi : comment créer une dynamique pour tirer au maximum le PS sur sa gauche tout en évitant les déconvenues des précédentes participations à des gouvernements socialistes", interroge-t-il.


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