Modifier les accords de Schengen : Sarkozy vient d’inventer l’eau chaude !

mercredi 21 mars 2012.
 

La nouvelle polémique de Nicolas Sarkozy sur l’espace Schengen n’est pas si nouvelle ! La dernière fois qu’il s’y est lancé c’était en avril 2011 aux côtés de Silvio Berlusconi. Ils avaient demandé conjointement le rétablissement provisoire des contrôles aux frontières des Etats membres en cas de "difficultés exceptionnelles dans la gestion des frontières extérieures communes, dans des conditions à définir". Ils demandaient que les accords Schengen soient modifiés en conséquence. Scrogneugneu ! Oui mais, voilà, la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières des Etats membres existe déjà dans le Code des frontières Schengen. Ça se trouve aux articles 23 à 26. Il y est permis à un Etat, « en cas de menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure », de réintroduire le contrôle à ses frontières intérieures. Le maintien des contrôles peut durer 30 jours maximum "ou pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours". Donc c’était de la gesticulation. En juin 2011, les chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union européenne avaient proposé d’élargir les circonstances dans lesquelles le rétablissement de ces contrôles est possible. Seraient désormais possible "à titre exceptionnel, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en cas de situation véritablement critique, lorsqu’un État membre n’est plus en mesure de respecter ses obligations au titre des règles Schengen". Mais cette mesure serait "d’une portée et d’une durée strictement limitées" et "serait prise sur la base de critères objectifs précis et d’une évaluation commune ». Ça sentait le gaz pour Sarkozy car en septembre 2011, la Commission proposait certes de modifier le code des frontières mais à condition que la décision de rétablir les frontières lui revienne. De plus les frontières ne pourraient être rétablies que pour une "période renouvelable de trente jours, pour six mois au maximum". Certes cette période pourrait être prolongée par la Commission au cas où un Etat membre ne protégerait pas suffisamment ses frontières extérieures. Mais la possibilité pour les Etats membres de réintroduire unilatéralement le contrôle aux frontières intérieures est réduite à 5 jours prolongeables sur décision de la Commission. Insupportable pour Nicolas Sarkozy qui garde un chien de sa chienne à ceux qui ont perverti son idée. Cette proposition vient d’arriver en commission parlementaire au Parlement européen. On est donc encore tout au début de la procédure législative. La sortie de Sarkozy intervient dans ce contexte. Comme une pression et un coup de pied de l’âne. Rien de plus.

Mais ce qu’a dit Nicolas Sarkozy comporte aussi le nombre habituel des approximations langagières du personnage. Amusons-nous. Exemple. "Les accords de Schengen ne permettent plus de répondre à la gravité de la situation. Ils doivent être révisés. » De quelle "gravité de la situation" parle-t-on ? Sarkozy agite une menace d’arrivées massives de clandestins qui ne correspond à aucune réalité. Et qui est surtout, par nature, invérifiable. "Il faut un gouvernement politique de Schengen comme il y a désormais un gouvernement de la zone Euro. " Il n’y a pas de gouvernement de la zone euro formalisé. C’est de la pure incantation. Il dit : "Il faut pouvoir sanctionner, suspendre ou exclure de Schengen un État défaillant comme on peut sanctionner un État de la zone Euro qui ne remplirait pas ses obligations." Ah bon ? Mais ça existe déjà ! En effet il y a déjà une discipline commune aux frontières. Les Etats qui ne la respectent pas, ou dont on suppose qu’ils ne la respectent pas, ne parviennent pas à entrer dans l’espace Schengen. C’est, par exemple, le cas de la Bulgarie et de la Roumanie qui se sont encore vu refuser l’entrée dans l’Espace Schengen le 2 mars dernier alors qu’ils sont membres de l’UE depuis 2007. Mais "sanctionner, suspendre ou exclure de Schengen un État défaillant", c’est l’exact opposé de la logique de l’accord Schengen qui prévoit au contraire que si un Etat, notamment ceux situés aux frontières extérieures de l’UE, fait face à des difficultés, c’est une coopération renforcée qu’il faut prévoir. Il y a même un organisme prévu pour cela : Frontex.

Frontex, c’est l’ " Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne ". Créée en 2004 et opérationnelle depuis 2005, son rôle est de lutter contre l’immigration clandestine. Elle dispose pour cela d’un budget annuel de 80 millions d’euros. Son fonctionnement repose sur des équipes "mixtes", composées de polices de plusieurs Etats membres, qui sont déployées en permanence aux frontières de l’UE. C’est aussi de moyens matériels conséquents. Environ 20 avions, 30 hélicoptères, 100 vedettes ! Une équipe d’intervention de 500 à 600 garde-frontières des Etats membres, formés par Frontex, est immédiatement mise à disposition des Etats membres en cas de tentative importante de migration illégale ! Sarkozy vient donc d’inventer l’eau chaude !


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