LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE : ENQUÊTE SUR UNE IDÉE RÉTRO-FUTURISTE

mercredi 11 avril 2012.
 

Lundi 2 avril, ce n’est pas le petit livre rouge que brandit Martine Billard, co-présidente du parti de gauche (PG), sous la verrière de l’Usine, le siège de campagne du Front de gauche…, mais le Petit manuel de planification écologique. En fait, ce n’est même pas un livre, mais un CD comprenant des discours de Jean-Luc Mélenchon sur l’écologie ainsi que des photos de manifs. La députée de Paris s’apprête à les envoyer à la direction d’Europe-Ecologie-Les Verts, histoire de les affranchir sur la culture écologiste de son parti. Par Jade Lindgaard pour Mediapart.

Dans la bataille politique qui oppose les deux partis, la planification écologique occupe une place de choix. Apologie du Gosplan, le plan quinquennal soviétique, selon l’euro-député vert Yannick Jadot, défense de « méthodes et de l’industrie du passé » pour Jean-Vincent Placé, président du comité de campagne d’Eva Joly, la proposition est portée par le parti de gauche depuis au moins trois ans. C’est « un mot-obus » résume Corinne Morel-Darleux, secrétaire nationale à l’écologie du PG, « comme le mot “décroissance”, c’est une manière de frapper les esprits. Si on avait dit que le Front de gauche était pour le développement durable, tout le monde aurait répondu “nous aussi” ».

Comme son nom l’indique, le projet de la planification écologique est de s’extraire du court-termisme pour penser et mettre en œuvre des politiques économiques, environnementales, sociales, à long terme. Ses modèles affichés sont le commissariat général au Plan, disparu en 2006 – étudiante en économie, la future députée a rédigé un mémoire sur le sujet –, mais aussi le schéma directeur de la région Île-de-France qui, en 2008, voulait aménager l’espace francilien à l’horizon 2030, les circuits courts (Amap, etc.), les schémas de cohérence territoriale (Scot), les comités de bassin et même les instances de démocratie participative. Autrement dit, de la gestion locale des affaires publiques, le niveau de pouvoir préféré des écologistes car il leur permet d’expérimenter, loin de la machine normalisatrice des administrations centrales.

Accoler le plan et l’écologie, la trouvaille sémantique semble être conjointement sortie des cerveaux de Jean-Luc Mélenchon et de Martine Billard. « On a beaucoup discuté d’écologie au début du Parti de gauche, se souvient Corinne Morel-Darleux, elle-même ancienne d’Utopia, le courant décroissant et trans-partis. Ça n’a pas été chahuté mais ce furent de grandes discussions. La notion de planification écologique est le résultat de la confrontation entre républicains, socialistes et écolos ». Une concoction de motions de synthèse. Pour Martine Billard, le « basculement » a eu lieu avec la publication du programme du Front de gauche, l’Humain d’abord, en septembre 2011. La planification verte y figure en bonne place, en troisième titre de chapitre, après « partager les richesses » et « reprendre le pouvoir aux banques ».

En réalité, cette évolution s’intègre dans un mouvement beaucoup plus global de réinvention de l’anticapitalisme autour des luttes et revendications écologistes, depuis le début des années 2000. En témoigne l’émergence de mouvements pour la justice climatique et pour la reconnaissance de la dette écologique, qui conjuguent défense des droits de la nature, critique des excès de la finance et du néo-colonialisme. Très présents en Amérique latine, et un peu moins en Asie, ils se distinguent des environnementalistes historiques par leur insistance sur la justice sociale et leur méfiance vis-à-vis du capitalisme vert. C’est ce terreau idéologique qui permet à des chefs d’État aussi extractivistes que ceux du Venezuela, de la Bolivie et de l’Équateur de claironner depuis Copenhague leur colère contre l’inaction des grandes puissances contre le changement climatique. Même si ce positionnement n’est pas dénué d’opportunisme, il n’en est pas moins ancré dans une véritable effervescence militante et intellectuelle.

Pour poursuivre la lecture de ce texte, cliquer sur l’adresse URL portée en source (haut de page, couleur rouge)


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message