Mélenchon : mission (presque) accomplie (par Pauline Graulle, Politis)

vendredi 27 avril 2012.
 

L’outsider de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, a clos hier une campagne aussi inattendue que réussie par un meeting géant à Paris. Et a pris rendez-vous avec l’avenir. Par Pauline Graulle de l’hebdomadaire Politis.

Du jamais vu dans le métro parisien. Une rame bondée comme un jour de grève, qui se met à chanter, timidement d’abord, puis à tue-tête, « l’Internationale » ! Il est 21h30, et la ligne 12, celle qui passe par les stations « Solferino » et « Assemblée nationale », a sans doute rarement connu pareille allégresse. Vieux, jeunes, blancs, noirs, basanés… Tous reviennent, drapeaux rouges à la main et espoirs plein la tête, de la Porte de Versailles où Jean-Luc Mélenchon a tenu son dernier meeting de campagne.

Quelques instants plus tôt, entre 30 000 et 50 000 personnes étaient rassemblées dans le gigantesque Hall 1 du Parc des expositions pour écouter le leader du Front de gauche. Un discours de près d’une heure et quart – le format « classique » pour ses meetings en salle –, mais brassant plus de sujets qu’à l’ordinaire, fin de campagne oblige. Jean-Luc Mélenchon, sourire gourmand aux lèvres, l’a débuté par un : « On a bien travaillé ! », lancé à une foule déjà en « standing ovation ».

Chien de garde

Dans le public, il y en a pourtant qui hésitent encore. Comme Emmanuelle, 30 ans, thésarde parisienne et un bébé de trois mois caché dans une écharpe nouée autour du ventre. Elle est venue « voir sur pièces » ce que donne le candidat. « Je n’ai jamais voté PCF, toujours PS, avoue celle qui pourrait, cette fois, aider à renvoyer Marine Le Pen dans les cordes de la quatrième place. Mélenchon a eu une bonne stratégie contre le FN, et son message sur “l’humain d’abord” me séduit. Son côté très charismatique est un bon point… Mais bon, parfois, on a aussi besoin d’apaisement ».

Pas de doute, en revanche, pour Lucie, 29 ans, venue avec son petit ami dont « toute [la] famille va voter Méluche ». « Je vais voter Front de gauche, car je veux le pouvoir, lance la brunette sans sourciller. Qu’est-ce que c’est cette société où on écrit soi-même son encyclopédie [en référence àWikipédia, NDLR] et où on laisse par contre écrire notre histoire par des oligarques pas plus cultivés que nous ?!? »

Youssef, étudiant de 23 ans habitant Les Ulis (Essonne), a « pris [sa] carte » après lemeeting de Marseille. Aux yeux de cet ancien adhérent du PS, la mesure qui représente le mieux la « philosophie du Front de gauche » est la limitation des écarts de salaires entre un et vingt dans la même entreprise car « c’est une limite à l’inégalité ». « Dimanche, le parti de Jean-Luc (sic) doit être le plus fort possible, pour que demain, quand le PS gouvernera, il y ait ce chien de garde à ses côtés ».

Sarkozy-riquiqui

À son pupitre, Mélenchon enfourche vaillamment, pour un dernier round, ses thèmes de prédilection. Mise en garde contre la finance qui attaquera la France au lendemain de l’élection, et ce, « quel que soit le président de la République » : « Face à cette agression qui se prépare […], vous n’aurez que deux possibilités : capituler en vous accommodant, ou résister. […] Et moi je vous dis : céder ne mène nulle part, braves gens. Nos frères et soeurs grecques ont tout vendu, ont tout perdu, et à la sortie : rien ! »

Une énième fois, le candidat appelle à « se débarrasser » de « Sarkozy-riquiqui » et à briser le« verrou que les Le Pen, père et fille, opèrent sur la situation politique ». Mais alors que syndicalistes et politiques craignent une explosion du chômage juste après le 6 mai, c’est la problématique sociale qu’il a choisi de mettre au centre de la prestation. A maintes reprises, il insiste sur l’une des mesures phares de son programme : l’augmentation « par décret » du Smic à 1 700 euros nets sur un quinquennat. Et se fait un plaisir de railler François Hollande qui souhaitait augmenter le salaire minium de… 2,30 euros par mois ! Le public ne retient pas ses huées. Mélenchon rappelle le poids des sondages favorables au Front de gauche sur le candidat socialiste, lequel a finalement consenti à accorder un « coup de pouce » supplémentaire : « Plus vous en mettez [des bulletins de vote], plus ils en lâcheront ! Ça coûte rien, c’est pas des jours de grève ça ! » Tonnerre d’applaudissements.

« J’ai fait de mon mieux »

L’Europe et « l’axe Merkozy », la « trahison du peuple » suite au référendum de 2005, l’accès au soin, ou l’universalisme de la nation française, sont également passés en revue dans ce discours « melting-pot » qui a tout de même laissé une large place à la reconnaissance chaleureuse des « camarades qui ont mené cette campagne éreintante de bout en bout ». Mélenchon se fait lyrique : « Vous tous qui avez été si merveilleux d’organisation, de disponibilité, de discipline consentie. Vous qui avez, partout, porté la parole, déstabilisé les jacasseurs, vous êtes comme moi, vous vous dites : “J’ai fait de mon mieux, j’ai fait de tout mon cœur”. […] Sur mon honneur, jamais je ne me dédierai du drapeau que vous m’avez confié. Ni à vendre, ni à acheter, ni à domestiquer. »

Sur la suite du mouvement, qui a pris une ampleur inattendue (le vote Front de gauche a débuté la campagne à 5 % des intentions de vote pour finir à 17 % dans certains sondages !), Jean-Luc Mélenchon annonce le lancement, après la présidentielle, d’une « convention qui nous permettra de nous rassembler ». Et scelle devant des dizaines de milliers de témoins le « serment de la Porte de Versailles » : « rester unis » jusqu’à la révolution citoyenne.

À la tribune, les représentants de toutes les tendances du Front de gauche ont rejoint leur champion. Main dans la main sur la scène, le poing levé dans le public, on entonne en chœur « l’Internationale » et la « Marseillaise ». « On lâche rien », d’HK et les Saltimbanks, retentit comme une feuille de route pour tenir jusqu’à dimanche. Sur l’écran géant, la caméra montre pourtant un candidat, heureux et ému, qui a pour une fois baissé les armes. Jusqu’à pousser un bref soupir. Celui du devoir accompli.


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