En préparant dimanche soir...

lundi 7 mai 2012.
 

J’ai rédigé ces lignes au retour de mon rendez-vous avec les ouvrières de Sodimédical dans l’Aube. Je reparlerai de cette visite à cœur fendre. Des femmes courageuses, abandonnées sans paye depuis sept mois, jetées comme des chiffons par des patrons voyous, un ministre des finances qui laisse la loi et les décisions de justice être piétinés, une usine comme neuve grassement subventionnée sur fonds publics et pourtant vide. Un cauchemar. Dimanche on va régler les comptes. La moitié du chemin sera faite. Restera à faire l’autre moitié. Celle qui consistera pour les nouveaux pouvoirs publics à faire respecter la loi, punir les voyous. Et peut-être même décider les mesures qui rendront ce genre de situation impossible à l’avenir. Dimanche, le vote sanction sera un encouragement et un déblocage. Qu’il reste à faire beaucoup ensuite est dans l’ordre des choses. Mais il faut faire son ouvrage en commençant par un bout si l’on veut pouvoir finir à l’autre. Dans cette note je reviens sur l’analyse des résultats électoraux. Tel qu’est fait mon emploi du temps je ne pourrai sûrement pas me remettre devant mon clavier avant minuit ce vendredi. Ces mots seront donc les derniers peut-être avant la libération. Prenez-y votre part. Au deuxième tour on élimine. C’est le cas de le dire !

J’ai dit ici, déjà, que la lecture d’un résultat électoral est un enjeu idéologique. C’est toujours l’idéologie dominante qui gagne la partie visible. C’est elle qui rabâche ses refrains. Elle parvient ainsi à fixer non seulement les esprits qui en sont gavés mais aussi et surtout, elle ordonne le débat public lui-même en lui enjoignant son cadre et ses thèmes. C’est une très ancienne affaire que celle-là. Lire un résultat c’est raconter l’Histoire de son temps. Depuis longtemps on observe que l’histoire conservée est le plus souvent celle qu’écrivent les vainqueurs.

La science historique est récente et souvent reléguée au profit de versions simplifiées et politiquement correctes selon l’air du temps. Si Néron est si mal vu dans l’histoire, depuis l’antiquité, c’est parce que les récitants qui travaillaient pour les pouvoirs du moment ont ramassé en un seul récit tous les ragots qui traînaient sur son compte, et jusqu’aux plus absurdes comme celui qui lui attribue l’incendie de Rome elle–même. Je cite cet exemple pittoresque et lointain pour faire sourire mon lecteur avant d’en revenir à notre quotidien étouffant. En faisant du Front National le centre de toute l’élection, les marionnettistes sont parvenus à effacer la question sociale que nous étions parvenus à ramener dans le débat. La vieille ruse a fonctionné de nouveau à plein régime pendant quinze jours. Les ravages sont immenses. Les blessures et les régressions innombrables. L’abaissement de l’esprit public, souillé par le flot de propos officiels xénophobes et les grossiers bidouillages, est terrible. La banalisation des « lepénismes » est un désastre qui marquera les esprits les plus faibles pour longtemps. Le Sarkozysme s’achève ainsi dans une ambiance glauque et les odeurs d’égoût.

Mais à côté de tout ce qui nous échappe de cette façon, parce que cela nous pleut dessus à grosses cordes, il y a la ligne de résistance que nous nous pouvons installer. Du moins dans nos propres esprits. C’est d’ailleurs l’essentiel. Cette résistance c’est celle qui se constitue quand on prend le temps de l’analyse et du débat argumenté. Je sais que des dizaines de réunions de bilan du premier tour ont eu lieu dans les partis du Front de Gauche ou bien en réunions publiques communes. L’examen ville par ville et parfois bureau par bureau est souvent très éclairant. Il montre une réalité bien différente du discours dominant. De toute part j’entends confirmer que l’avancée de l’extrême-droite se fait par transfert de voix de la droite. Et le nombre des localités et bureaux de vote où la course-poursuite entre nous et l’extrême-droite a été visible est considérable. Cette partie-là est jouée en dynamique. Il ne suffit pas de regarder les chiffres du moment, il faut aussi observer les évolutions et les tendances.

Il est important et très formateur de faire cet examen et d’en parler tranquillement. Car c’est de cela que nous pouvons ensuite tirer des objectifs de travail et une compréhension approfondie de notre terrain d’action. Je mentionne ce point car une leçon se dégage de tout ce que je lis et entends. C’est l’importance de l’intervention des militants sur le terrain. C’est un fait bien plus neuf qu’il n’y paraît. J’ai connu l’époque où l’opinion était très cartellisée. On bougeait des gens, à la marge. C’était, pour finir, décisif ! Mais cela ne concernait pas des pans entiers de population comme ce peut être le cas aujourd’hui. Nombreux sont les témoignages qui l’attestent. Des escouades de quelques militants, parfois seulement deux partant en campagne en voiture de village en village, ou bien de porte en porte dans un quartier populaire ont conquis des centaines de personnes. Elles n’avaient vu personne avant cela ni discuté de politique avec personne, parfois depuis bien longtemps. Le déclic ne se faisait pas selon la loi du dernier qui a parlé. Pas du tout. Il s’agit d’autre chose. Des retours à gauche, des retours aux urnes, de l’intérêt. Tout simplement parce que les filets d’eau tiède de la télé et de la radio, s’ils imprègnent évidemment beaucoup le terrain sur lequel ils se déversent, ne parviennent pourtant pas à le construire stablement. Ce que l’on retient d’un conditionnement ce sont des préjugés et des réflexes conditionnés. Rien que la verbalisation et le contact ne puisse retourner en quelques instants. L’effet Dracula s’applique aussi à l’esprit de tout un chacun. Les grandes peurs périssent d’être reconnues dirait Albert Camus. Et de même les préjugés placés sous la lumière de sa propre raison.

Pour ma part, je ne me contente pas de ce qu’on me dit, ni même de mes intuitions tirées de l’expérience. Je travaille à partir des tableaux de résultats comparés. Et je lis beaucoup de presse régionale. Car à mesure que les jours passent, il se produit un effet de vérité très intéressant sur les résultats électoraux dans la presse régionale. Jour après jour, cas par cas, sont démentis les emballements convenus qui ont été le refrain des analystes et experts qui ont péroré toute la semaine passée.


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