6 mai 2012 Une déferlante de joie plate

mardi 15 mai 2012.
 

Drôle de soirée électorale. La défaite de Nicolas Sarkozy a fait s’exhaler un soulagement universel et une formidable bouffée d’envie de vivre autrement. Mais c’est tout. Je veux dire qu’il n’y avait rien qui ait ressemblé à ce que fut 1981 dont le souvenir a pourtant été beaucoup sollicité par les commentaires. En 1981 la gauche avait un programme commun et comptait faire le socialisme. Personne ne sait ce que l’on compte faire au juste à présent. Je veux dire que c’est la première fois que les socialistes gagnent sans aucun projet de société ni aucune réforme emblématique. La pluie des truismes et des mots creux s’est donc vite diluée dans le vide. Et la soirée a vite tourné en rond sur les plateaux de télé. Les dirigeants socialistes n’avaient rien à dire sinon leur émotion et leur compassion pour la tristesse du camp d’en face. Noble retenue et fair-play en bronze antique. Le camp d’en face n’avait rien à dire non plus sinon sa déception et son émotion. Noble fair-play et retenue en marbre antique. Ces salamalecs mutuels, coupés de petites remontées du gaz de la campagne électorale lassèrent vite. Impossible de lancer un débat. J’ai pu en faire l’expérience.

A la Bastille, on vit la tribune, une magnifique rangée de costards cravates masculins, recommander à la foule de ne pas rater le dernier métro. Sur les écrans tout échange était sans cesse interrompu par des images à vocation palpitante mais qui, en vérité, rendait totalement virtuelle la réalité qu’elle prétendait cerner au plus près : « la voiture de François Hollande va démarrer ! La voiture a démarré. La voiture roule suivie par de nombreux motards. Les motards sont nombreux qui suivent la voiture. La voiture accélère devant les motards qui roulent en nombre derrière la voiture ». Puis ce fut « l’avion de François Hollande va décoller ! L’avion a décollé » et ainsi de suite.

Comme le souvenir de cette immense liesse est encore très frais, respectons la trace de ses vibrations teeeeeellement émouvantes. Mais il est impossible à l’observateur qui a de la mémoire et de la culture de gauche de ne pas se sentir perplexe. Quels mots trouver pour rendre compte de cette étrange ambiance ? « On l’a viré, on l’a viré » lancèrent les nôtres sur l’air de « on lâche rien ». Il est vrai qu’ils se lassaient des « on a gagné, on a gagné » trop platement footballistique à leur gout. La foule reprenait de bon cœur ce résumé du sens de la soirée. Sur la place de la Bastille des groupes de militants socialistes venaient saluer les nôtres amicalement. Beaucoup remerciaient nos camarades venus, avec leurs drapeaux, se joindre au rassemblement. Mais pour les chefs socialistes : le Front de Gauche, quézaco ?

Ils, elles, remercient les « humanistes », et même le Modem, sans oublier « nos amis écologistes ». Bref tout ce qui compte pour du beurre dans le résultat et dont il est possible de caresser la tête sans risque. Mais le « Front de gauche » ? C’est le parent qui fait honte ? On dirait bien. A moins qu’il soit considéré comme peu avouable de lui devoir autant ! Car il y avait un constat chiffré pourtant facile à faire. Mais j’admets qu’il avait du mal à trouver sa place entre l’observation des mouvements de la voiture de François Hollande, des motos et de l’avion, sans oublier l’émotion des uns et la déception des autres. Un fait qui ne nécessite que des connaissances mathématiques rudimentaires. Nicolas Sarkozy a été battu par le Front de Gauche. Car si l’on retire nos quatre millions de bulletins de vote, François Hollande ne recueille que 40, 2% des voix. Au deuxième tour on élimine. Nous l’avons fait. Nous avons éliminé Sarkozy. Combien « d’humanistes, de Modem » et même de « nos amis écologistes » aurait-il fallu rassembler pour compenser cette masse politiquement active et déterminée au point d’aller mettre un bulletin de vote qui ne la représentait pas ? Le résultat est assez serré pour que nous puissions rappeler notre décisive existence à quelques désinvoltes.

Comment et pourquoi faire ? Nous n’avons pas éliminé Nicolas Sarkozy pour nous contenter d’une soirée de sortie place de la Bastille avant le dernier métro. Maintenant il faut donner au peuple la part à laquelle sa victoire lui donne droit. C’est-à-dire du pognon et des services publics, pour résumer l’affaire ! Comme l’élection législative arrive c’est le moment de le dire avec un bulletin de vote. Nous allons donc commencé par aller rechercher ceux qui ont voté avec nous à l’élection présidentielle. Et nous allons solliciter ceux qui ont hésité et choisi au dernier moment de voter Hollande en pensant se donner une garantie de victoire contre Sarkozy. Cette fois-ci, il s’agit d’assurer le coup à gauche. Ils peuvent le faire sans risque réel ou supposé en votant pour que ça change vraiment avec une gauche qui sert les objectifs de l’humain d’abord. Nous allons leur proposer de se donner une garantie à gauche en élisant nos députés. Ces députés-là ne lâcheront rien. Ils continueront le travail commencé en chassant Nicolas Sarkozy. Plus il y en aura, meilleur sera le rapport de force quand commencera la négociation sur le SMIC, la discussion avec madame Merkel et ainsi de suite. Elire des socialistes n’améliore pas le rapport de force avec la droite. Tout au plus cela confirme le niveau minimum de leur programme. Avec nous c’est le bond en avant, une nouvelle ligne d’attaque bien avancée. C’est l’ambiance de ce moment.


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