Ukraine : une crise sans fondement

dimanche 22 avril 2007.
 

L’Ukraine est actuellement secouée par une crise politique opposant les représentants des partis de la majorité gouvernementale à ceux des partis de la « Révolution orange » soutenus par le président de la République. Il s’agit avant tout d’un conflit entre oligarchies qui sont en fait d’accord sur l’essentiel : la libéralisation de l’économie.

De Kiev,

La nouvelle crise politique en Ukraine a débuté le 23 mars, après que onze députés de l’opposition ont rejoint la coalition majoritaire, dirigée par le Parti des régions et soutenant le Premier ministre, Victor Ianouko-vitch. Le président de la République, Victor Ioucht-chenko, minoritaire au Parle-ment, a considéré ceci comme anticonstitutionnel et a dissous le Parle-ment le 2 avril. La coalition majoritaire a décidé de ne pas exécuter la décision du président, la déclarant, à son tour, anticonstitutionnelle. Ce conflit entre le président et le Parlement doit être examiné par la Cour constitutionnelle.

En attendant, à Kiev et dans les plus grosses villes, des manifestations et des meetings se déroulent. Par la télévision ou la presse, les deux camps propagent leurs rumeurs sur l’intervention possible dans le conflit d’une armée ou de services spéciaux contrôlés par le président ou des troupes du ministère de l’Intérieur, dirigées par le gouvernement. Le Parti communiste d’Ukraine (PCU) et le Parti socialiste d’Ukraine (PSU) se sont rangés dans le camp de la coalition gouvernementale [1]. Le dirigeant du PCU, Piotr Simonenko, a appelé à une grève préventive, avec arrêt des entreprises et des transports, en soutien au Parlement et au gouvernement. Mais l’influence du CPU et de ses dirigeants sur la classe ouvrière est négligeable. Il s’est en effet discrédité pendant des années par son abandon de la lutte pour les droits sociaux, sa corruption et son crétinisme parlementaire.

Ce conflit n’est rien d’autre que l’intensification de l’opposition entre des élites bourgeoises. Le président Iouchtenko et son opposition « orange » n’ont pas supporté de perdre le pouvoir, à la suite des élections de l’été 2006. Le Parti des régions et son dirigeant, Victor Ianoukovitch, ont réussi à convaincre le PSU et le PCU d’entrer dans la coalition gouvernementale. De plus, le président, suite à la réforme constitutionnelle de 2005, s’est vu retirer la plupart de ses prérogatives.

Les camps opposés ne sont que l’expression politique d’intérêts de groupes capitalistes financiers et industriels se faisant concurrence. Si les partis traditionnels de la coalition gouvernementale sont considérés comme pro-russes et ceux de l’opposition comme pro-occidentaux, il s’agit en fait surtout de rhétorique. La participation des masses à ce conflit est insignifiante. En 2004, durant la « révolution orange », des milliers de personnes manifestaient dans les rues. Aujourd’hui, les meetings sont peu suivis et, souvent, par des gens payés pour y participer.

Les deux parties, Iouchtenko comme Ianoukovitch, soutiennent la privatisation du secteur économique d’État et municipal, la libéralisation de l’éducation et de la santé et la limitation des droits syndicaux. Dans le conflit entre le travail et le capital, qui a connu une impulsion depuis que l’Ukraine est indépendante, les deux camps se rangent du même côté de la barricade. Malgré la croissance économique, la moitié du pays vit avec moins de 80 euros par mois. La hausse des prix des soins de santé, du logement et de l’éducation rend ces services de moins en moins accessibles, y compris aux couches moyennes qui vivent majoritairement dans les grandes villes.

En Ukraine, il n’y a pas d’organisation politique de masse, indépendante des travailleurs, mais seulement un petit nombre de syndicats indépendants qui s’opposent aux syndicats jaunes dont la structure n’a pas changé depuis le temps de l’URSS. Malgré tout, le nombre de grèves et de conflits sociaux s’accroît légèrement mais sûrement.

Note

1. Sur le PCU et le PSU, lire Rouge n° 2193. Sur le site d’ESSF : Ukraine : une gauche en reconstitution

ATANASOV Vitali

* Paru dans Rouge n° 2201 du 12 avril 2007. Traduit par Jack Radcliff.


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