Parce qu’une autre Europe est possible, les Hollandais refusent l’Europe libérale

dimanche 21 janvier 2007.
 

Près de deux mois après les élections législatives du 22 novembre 2006, les Pays-Bas n’ont pas encore de gouvernement. Difficiles, les tractations en vue d’une nouvelle coalition impliquent trois dirigeants : Jan Peter Balkenende, premier ministre sortant et leader du Parti chrétien-démocrate, Wouter Bos, chef de file du Parti travailliste, et André Rouvoet, dirigeant de l’Union chrétienne, une petite formation protestante dont les six sièges devraient permettre à la "grande coalition" chrétienne-travailliste de disposer d’une majorité suffisante.

On ignore encore si M. Balkenende dirigera sa quatrième coalition depuis 2001 et si M. Bos y occupera un poste. Ce qui est certain, c’est que le vrai vainqueur des élections, Jan Marijnissen, dirigeant du Parti socialiste (SP), restera, quant à lui, dans l’opposition.

"Les chrétiens-démocrates ne voulaient pas de nous. Ils désiraient absolument gouverner avec les travaillistes", commente dans un entretien au Monde cet ancien ouvrier d’usine, élu meilleur homme politique de l’année 2006 par la presse. Il ajoute en souriant : "Il est vrai que nous n’étions d’accord avec aucun point du programme de Balkenende et que nous avons été les adversaires les plus résolus de sa politique ultra-libérale."

La politique de M. Balkenende s’est manifestée, depuis 2003, par la privatisation partielle du système de santé et des transports, la suppression des aides à la retraite anticipée, la réduction de la durée d’indemnisation du chômage.

"ELITE ARROGANTE"

Après avoir grandement contribué à la large victoire du non lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, en juin 2005, cette formation antilibérale issue de la gauche maoïste des années 1970, a donc signé une autre performance retentissante. Avec 26 sièges (+ 17), le SP s’est hissé au troisième rang des partis néerlandais, devant les libéraux.

En raflant un quart de ses électeurs au Parti travailliste, M. Marijnissen a démontré que sa critique incessante du gouvernement et de la "complaisance" de la gauche traditionnelle à l’égard du libéralisme avait porté. "M. Bos n’a pas voulu d’une alliance pré-électorale qui, s’appuyant sur un programme réaliste, aurait assuré la victoire de la gauche. Une partie de ses électeurs l’a condamné, explique-t-il. Il doit aujourd’hui démontrer comment il va décrocher, sur le plan social, ce que le parti de M. Balkenende a refusé de discuter avec nous."

M. Marijnissen se prépare au rôle de ténor de l’opposition en demandant la fin des "attaques sociales injustes", l’augmentation des minima sociaux, une "redistribution fondamentale du bien-être" et la fin de l’alignement sur la politique étrangère américaine.

Sur le plan européen, le leader du non à la Constitution européenne, qui avait été défendu par une coalition hétéroclite face à une "élite arrogante", comme il le dit, entend poursuivre son combat. Jan Marijnissen est convaincu que le futur gouvernement n’osera pas adhérer à autre chose qu’un traité minimaliste. "L’autoroute à six voies vers l’Europe fédérale est bloquée. Certains voudront peut-être prendre un chemin de traverse. Nous le surveillerons : nous ne voulons pas entraver l’avenir européen, mais la vigilance s’impose face aux "amis de la Constitution", qui ont d’autant moins de leçons à nous donner que la plupart n’ont pas osé organiser de référendum dans leurs pays", dit-il.

Le SP, explique son chef, n’est "pas anti-européen" mais réclame "la transparence, la temporisation pour l’élargissement et un retour à l’essence de la démocratie : que l’Europe s’occupe d’abord d’unifier l’impôt sur les sociétés pour éviter que les Etats deviennent de plus en plus pauvres".

Jean-Pierre Stroobants


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