2ème tour des législatives : Anomalie démocratique

mercredi 27 juin 2012.
 

L’abstention a battu un nouveau record pour le second tour des législatives. 44,6% des électeurs inscrits ne sont pas allés voter. L’ensemble des partis désormais présents à l’Assemblée représentent à eux tous moins de 55% des inscrits au premier tour. La situation est pire encore si l’on regarde la distorsion que produit le double effet du scrutin majoritaire et de la présidentialisation du régime. Ainsi, après avoir obtenu au premier tour de la présidentielle 55% des suffrages, le PS et l’UMP et leurs satellites ont totalisé au premier tour des législatives 68% des voix soit 38% des inscrits. Ils obtiennent 94% des sièges (541 sur 577).

Avec 1,8 millions de voix au premier tour (6,91% des exprimés), le FG obtient seulement 10 élus (1,7% des sièges). Un député du FG représente 179 000 électeurs du premier tour. A l’inverse, un député PS ne représente que 28 000 électeurs du premier tour. En résumé, il faut six fois plus de voix au Front de Gauche qu’au PS pour obtenir un député ! Enfin, alors que le Front de Gauche, le Front National et le Modem ont rassemblé près de 14 millions de voix et 40% des suffrages à la présidentielle, ils obtiennent au total 14 députés soit 2,4% des sièges.

La déroute de l’UMP

Pour autant, la déroute de la majorité sarkozyste sortante n’en est pas moins réelle. Après de lourdes pertes en voix au premier tour, l’UMP et ses alliés subissent un nouveau revers. Le total droite chute de 116 sièges, passant de 343 sièges à 227 sièges dont seulement 194 pour la seule UMP. Le désaveu est tranchant pour des figures de l’UMP : Michèle Alliot-Marie, ancienne présidente du RPR, Hervé Novelli, n°2 de l’UMP ou encore Frédéric Lefebvre sont battus. Dans l’ancienne circonscription de François Fillon dans la Sarthe, l’UMP obtient 40% au second tour. On comprend qu’il ait fui vers Paris, dans une circonscription gagnée d’avance. La même sagesse a guidé Alain Juppé : dans la 2ème circonscription de Gironde où il devait être candidat avant de renoncer, l’UMP ne recueille que 41% au second tour !

Extrême droitisation de l’UMP

La défaite de la droite est surtout l’échec de la stratégie d’extrême-droitisation de l’UMP. Ses principaux artisans sont battus comme Claude Guéant et Guillaume Peltier, un des théoriciens du rapprochement idéologique avec le FN. Nadine Morano avec ses appels aux électeurs du FN connait la même sanction. Enfin, la "Droite Populaire" perd la moitié de ses membres : seuls 20 de ses 41 députés sont réélus. Quant à Thierry Mariani, chef de file du mouvement, il ne doit sa réélection qu’à un parachutage dans une circonscription des Français de l’Etranger.

Loin d’affaiblir le FN au profit de l’UMP, la stratégie d’extrême-droitisation de l’UMP produit exactement l’inverse. Elle renforce l’extrême-droite. C’est le maire d’extrême-droite d’Orange Jacques Bompard qui récupère la circonscription de Thierry Mariani dans le Vaucluse. C’est dans ce même département que le FN gagne un de ses deux sièges avec Marion Maréchal-Le Pen. Et, dans le Gard voisin, si un député UMP-Droite Populaire est battu, c’est dans la circonscription d’à côté que Gilbert Collard est élu à la faveur d’une triangulaire et d’un effondrement de l’UMP au profit du FN entre les deux tours. A noter qu’aucun candidat FN n’obtient plus de 50% des suffrages dans le pays, les deux élus l’étant dans des triangulaires avec 42% des voix et que les trois députés d’extrême-droite sont élus dans des terres anciennes d’implantation du FN. Bien qu’en hausse entre les deux tours, les autres dirigeants du FN n’ont pas réussi à s’imposer comme Florian Philippot et Marine Le Pen battus en Moselle et dans le Pas-de-Calais.

Le FN perd dans 57 circonscriptions sur les 59 où il était présent au second tour. Pire, il est battu dans les 31 duels qui l’opposaient soit à la gauche (22 dont 20 PS-FN) soit à l’UMP (9). Et dans un cas sur deux, les "consignes" de Marine Le Pen appelant à faire battre 8 candidats n’ont pas fait la décision.

Le PS hégémonique

Avec 51% des voix au second tour, la gauche remporte 343 sièges. Elle gagne au total 118 sièges. Le PS se trouve dans une configuration inédite depuis 1981. Avec 280 députés, il tutoie la majorité absolue à lui seul à l’Assemblée (289 voix) d’autant qu’il pourra compter sur les 19 députés divers gauche, pour l’essentiel des dissidents socialistes. A cela, le PS peut encore ajouter les 15 sièges des députés PRG et MRC qu’il a fait élire. Au total, les soutiens de François Hollande au premier tour de la présidentielle trustent 314 sièges soit 54% de l’Assemblée.

Le PRG et Europe Ecologie Les Verts auront plus de sièges que le FG. Pour autant, avec 17 députés dont seulement 16 siègeront, le groupe EELV ne pèsera pas comme il l’espérait à l’Assemblée, le PS pouvant se passer de ses voix. Surtout, l’accord électoral signé entre le PS et EELV prévoyait entre 25 et 30 députés EELV en cas de victoire de la gauche. A l’arrivée, EELV obtient moitié moins de députés que prévu.

Le FG rassemble au 2e tour

Avec 10 députés, le Front de Gauche réalise quasiment un sans-faute au second tour. Seul un candidat FG échoue face à Jean-Louis Borloo dans le Nord. Dans les autres circonscriptions, les candidats FG rassemblent très largement. C’est bien sûr le cas de Marc Dolez, Marie-George Buffet et trois autres candidats qui restaient seuls en lice et sont élus avec 100% des voix. C’est aussi vrai pour Gaby Charroux et Alain Bocquet qui obtiennent plus de 60% dans des duels avec le FN. Jacqueline Fraysse, André Chassaigne et Patrice Carvalho l’emportent sur l’UMP dans les deux premier cas, dans une triangulaire contre le sortant UMP et un FN dans le troisième. Enfin, les scores solides du FG au premier tour permettent la défaite de la droite et du FN dans des scrutins serrés comme à Hénin-Beaumont, Marseille-3 ou dans les 15 autres circonscriptions où le candidat de gauche est élu avec moins de 51%.

Et maintenant ?

Le système de la Vème République atteint son paroxysme avec une majorité écrasante pour un président qui a réuni moins de 30% des voix au premier tour de la présidentielle. Avec le contrôle de l’Assemblée, du Sénat, de 23 régions sur 24, de 61 départements sur 100 et de la majorité des villes du pays, le PS a désormais tous les leviers du régime en main. Comme l’écrit même Le Nouvel Observateur : s’il échoue, il n’aura "aucune excuse".


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