PSA Aulnay ou la capitulation annoncée du social-libéralisme

mardi 24 juillet 2012.
 

Injuste. Irresponsable. Insupportable. Le verdict est tombé le 12 Juillet après des mois d’avertissements de la part de la CGT et de mensonges de la part de la direction du groupe PSA : 8000 suppressions d’emplois auront bien lieu (10 % des effectifs français !) sur 5 usines, et le site d’Aulnay- sous- Bois, 3300 ouvriers, sera carrément sacrifié sur l’autel de la rentabilité financière.

C’est le plus grand plan de licenciement dans l’industrie depuis 30 ans ! Dans cette affaire, la crise a bon dos : même si l’on assiste à une baisse conjoncturelle des ventes de voitures en Europe, personne ne peut prétendre qu’une usine moderne située aux portes de Paris et à proximité des réseaux autoroutiers et ferroviaires desservant toute l’Europe ne soit plus viable économiquement.

Mais voilà, les actionnaires en ont décidé autrement , au premier rang desquels le milliardaire Robert Peugeot, parmi les premiers fraudeurs du fisc en Suisse (source : la Tribune décembre 2011), qui a touché des dividendes records en 2010 et 2011 (250 et 292 millions) et veut les augmenter encore en se débarrassant des salariés.

Peugeot allait donc bien jusqu’à l’an dernier, au point de pouvoir rembourser par anticipation un prêt généreux consenti par le gouvernement Sarkozy au début de la crise en 2008, sans parler des aides publiques comme la prime à la casse ou le bonus-malus qui ont boosté les ventes de petits modèles pendant plusieurs mois et coûté 4 milliards d’euros aux contribuables. Peugeot n’en a cure et prend prétexte du ralentissement actuel pour augmenter la productivité dans l’optique d’un rapprochement avec le géant américain General Motors et sans doute d’une délocalisation d’une partie de la production vers des pays émergents plus profitables.

Pour se justifier, le président du Directoire de Peugeot-Citroën Philippe Varin a avancé l’argument du coût du travail « le plus cher en Europe, alors que nous produisons 44 % de notre production en France, donc il faut baisser les charges qui pèsent sur le travail de manière massive. » Et tous les commentateurs de la presse économique d’enfoncer le clou du manque de compétitivité de l’industrie française, refrain repris aussi par JF Copé. C’est évidemment un mensonge car l’INSEE affirme que le coût du travail dans l’industrie automobile est supérieur de 29 % en Allemagne, pourtant présentée comme un modèle.

Tout ce petit monde « oublie » que les salariés français sont parmi les plus productifs du monde, ce que Toyota par exemple a su exploiter en implantant son usine européenne de YARIS près de Valenciennes en 2001. Pourquoi la C3 ne serait-elle pas aussi rentable ?

Le problème, c’est que Hollande et Ayrault partagent cette vision patronale de la crise, comme ils l’ont montré il y a quelques jours en reconnaissant étudier la piste d’une augmentation de la CSG pour financer la SECU, ce qui reviendra à transférer sur l’ensemble de la population une partie de ce que doivent payer les employeurs. De quoi s’inquiéter sur leur capacité de répondre à l’urgence sociale de s’opposer à la fermeture d’Aulnay…

« L’Etat ne peut pas tout » avait dit Jospin en 1997 face à la fermeture de l’usine de Vilvoorde par Renault, société où pourtant l’Etat garde un levier en tant qu’actionnaire. Ce renoncement est resté un symbole de l’impuissance de la gauche de gouvernement face aux choix du grand capital. Les socialistes au pouvoir ont-ils retenu la leçon ? Pas sûr quand on entend Claude Bartolone, président du Conseil Général de la Seine Saint Denis, s’insurger de l’héritage empoisonné de Sarkozy tout en rejetant l’idée de l’entrée de l’Etat au capital de PSA .

François Hollande , lors de l’interview du 14 juillet, a certes parlé de plan inacceptable et a demandé à Peugeot de le renégocier pour qu’il n’y ait aucun licenciement sec. Mais il n’a pas dit qu’Aulnay ne devait pas fermer et qu’il ferait tout pour l’empêcher, y compris en nationalisant. C’est maintenant qu’il faut pourtant oser prendre des décisions volontaires pour stopper l’irréparable.

Si dans le cadre d’une économie libérale, l’Etat n’a certes pas les moyens de contrôler les stratégies des entreprises privées, il lui revient de fixer les grands caps de l’économie de demain et il se doit d’être vigilant au respect de l’intérêt général. Pour la banlieue Nord de Paris, le maintien d’un pôle automobile de cette taille est vital car il génère des ressources fiscales dont a bien besoin le département le plus pauvre de métropole et surtout 7 à 8 000 emplois indirects dans la sous-traitance, la logistique … c’est souvent la seule perspective d’embauche (avec la plate-forme de Roissy) pour les jeunes des quartiers durement victimes du chômage et de la discrimination à l’embauche. La fermeture d’Aulnay serait donc une catastrophe sociale pour un territoire où le taux de chômage monte déjà à 17 %.

Citroën Aulnay a été dans le passé le symbole des luttes pour les droits syndicaux des travailleurs immigrés contre un patron de choc, à la faveur des lois Auroux dans les années 1982. Un an plus tard, et la rigueur étant passée par là, Aulnay a connu hélas une des premières percées électorales du Front National à des élections locales, préfigurant l’installation du FN dans la vie politique. Le parallèle avec aujourd’hui est facile : laisser fermer Aulnay, c’est démoraliser les travailleurs, les décevoir de la gauche à nouveau, laisser le champ libre aux rancoeurs de l’extrême droite...

Des solutions existent pourtant pour protéger les travailleurs de la recherche effrénée du profit mondialisé, à condition de ne pas adopter la ligne de moindre résistance face aux diktats patronaux comme Montebourg s’apprête à le faire avec un énième plan de soutien à l’ensemble de la filière automobile et des incitations à l’achat de voitures « made in France ». Pour le Parti de Gauche, l’Etat doit impulser avec les organisations syndicales la réorientation d’ d’Aulnay, vers la production de petites citadines électriques par exemple, ce qui permettrait de pérenniser l’activité : c’est possible dans le cadre de la planification écologique indispensable pour répondre aux enjeux du monde de demain.

Des outils juridiques doivent être mis en place d’urgence , comme la proposition de loi Warin contre les licenciements boursiers proposée au Sénat en février dernier par le groupe FDG, votée par les socialistes mais bloquée depuis. Le texte prévoit qu’une entreprise qui a distribué des dividendes au cours de l’exercice écoulé ne peut pas procéder à des licenciements économiques. Et si l’entreprise procède à des licenciements dans de telles conditions, elle devra rembourser toutes les aides publiques qu’elle a reçues. Les députés Front De Gauche entendent reposer cette proposition de loi à l’Assemblée dans les prochains jours, le gouvernement Ayrault osera t’il l’inscrire à l’ordre du jour ?

Quoi qu’il en soit, le Parti de Gauche soutiendra activement la lutte des salariés de Citroën Aulnay pour défendre leur emploi et l’avenir de la Seine Saint Denis, d’abord par le maintien de l’activité automobile sans céder aux mirages et aux promesses sur une prétendue « ré-industrialisation ».

Rien ne repousse durablement quand la terre est brûlée…

Lundi 16 Juillet 2012

Lionel Bouton


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