Institut des Cultures d’Islam : Intervention d’Alexis Corbière au Conseil de Paris

lundi 23 juillet 2012.
 

je veux porter à votre connaissance mon intervention au sujet d’une subvention de fonctionnement qui concerne l’Instituts des Cultures de l’Islam (ICI), lieu culturel existant dans le 18e qui va s’agrandir durant l’année 2013 par des salles qui seront louées pour l’exercice d’un culte. J’ai voulu une nouvelle fois clairement faire entendre ma position sur ce projet. Voici ce que j’ai dit mardi 12 juillet :

« J’interviens au nom de Danielle Simonnet et moi-même à propos de cette délibération qui concerne l’Institut des Cultures de l’Islam.

Nous ne soutenons pas cette délibération pour deux raisons.

D’abord, nous ne comprenons pas pourquoi, alors que nous avons constaté depuis hier une volonté de réduire les dépenses dans la quasi-totalité des directions et délégations, que, dans cette délibération, la subvention de fonctionnement prévu augmente de 100 000 euros (passant de 325 000 à 425 000 euros). Pourquoi ce traitement de faveur quasi-exceptionnel ? Pourquoi cette augmentation de près de 15 % est présentée sans explication, sans justification. Nous constatons donc là une volonté de promouvoir un projet à part, hors normes, bénéficiant d’un traitement différent que les autres associations et projets culturels du quartier et des différents arrondissements Parisiens. C’est regrettable.

La seule explication à ce traitement de faveur réside selon nous dans la volonté de faire de cet établissement un exemple particulièrement choyé, afin sans doute qu’il se reproduise dans d’autres villes.

Et bien, nous profitons de l’occasion pour vous dire que nous ne sommes pas d’accord sur le plan intellectuel comme philosophique.

Nous l’avons Danielle Simonnet et moi déjà exprimé, dans cette instance ou ailleurs, mais nous le faisons une nouvelle fois pour que vous entendiez clairement nos arguments.

La laïcité exige que l’on fasse la claire distinction entre ce que relève des convictions privées, intimes concernant les convictions spirituelles de chacun de nos concitoyens (qui doivent pouvoir d’exprimer librement et être respectées) et ce qui relève du bien public, de l’intérêt général.

Le désaccord que nous avons avec l’Institut des Cultures de l’Islam, impulsé durant la précédente mandature où nous n’étions pas élu au Conseil de Paris, c’est qu’il théorise et met en œuvre la proximité et finalement le mélange, et nous pensons la confusion, entre ce qui relève du culturel et du cultuel. De plus, par sa nature même, ce lieu « confessionnalise » en quelques sortes des faits culturels et politiques qui n’ont pas nécessairement de relations directes ou mêmes indirectes avec l’Islam. Le monde arabe (sans oublier les Kabyles, berbères, etc..) ce n’est pas l’Islam, ce n’est pas que l’Islam. Les millions d’hommes et de femmes qui vivent dans ces régions ne peuvent être, en quelque sorte, assignées à résidence des convictions spirituelles prétendues de la majorité de leurs concitoyens.

Oui, il faut parler et mieux faire connaître le monde arabe, de ses aspirations politiques et sociales, des cultures diverses qui s’y expriment et s’épanouissent. Un Institut du Monde Arabe existe d’ailleurs avec cette mission première.

Mais, avec l’Institut des Cultures de l’Islam, c’est différent. Un établissement culturel est bâti et en plus, imbriqués dans les mêmes bâtiments, des salles sont construites également et réservées, dans le but exclusif de permettre que se réalise l’exercice d’un culte.

Nous craignons demain que la confusion des genres l’emporte dans ces établissements. Nous craignons que de l’argent public soit utilisé pour construire des locaux qui deviendront rapidement privatisés, au bénéfice d’une seule catégorie de citoyen, uniquement en raison de leur confession. Si cela est le cas, c’est l’esprit même de la grande loi du 9 décembre 1905, et son noyau de sens qui réside dans ses deux premiers articles, qui serait bafoué. Nous refusons donc que le financement du culturel serve de prétexte au financement du cultuel.

Cette logique avait été impulsée par un rapport initié par la Commission présidé par Jean-Pierre Machelon, en octobre 2005, qui proposait précisément de prendre prétexte de financer les lieux dits culturels pour financer du cultuel. Généraliser cela est particulièrement dangereux pour la République et la laïcité.

A ceux qui nous reprocherons de faire un procès d’intention, d’exagérer, de ne pas connaître la réalité du dossier, nous répondrons sereinement que nous prenons acte aujourd’hui et que nous resterons vigilant.

Nous attendons avec impatience depuis 2008 que se mette en place l’Observatoire de la laïcité. On nous affirme que c’est pour bientôt, tant mieux, nous pourrons mieux débattre de tout cela. Ce sera l’occasion, nous l’espérons de discuter de l’ensemble des financements publics qui concerne cette question sensible. Nous vous l’avons déjà dit, nous avons des désaccords nombreux sur des choix qui sont faits concernant de nombreux financements et travaux, allant au delà de la loi de 1905, qui sont mis en place depuis plusieurs années par la majorité municipale.

Le respect de la laïcité nous concerne tous. Il est un des enjeux majeurs du 21e siècle à Paris comme dans le reste du Monde. »


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