Les centres de santé, une réponse pertinente aux déserts médicaux

lundi 30 juillet 2012.
 

Quelle est la réalité aujourd’hui des déserts médicaux  ?

Éric May. Le terme de désert médical recouvre deux problématiques. Le désert lié à l’absence de médecins, que l’on trouve dans les zones rurales et suburbaines, notamment dans certaines banlieues totalement désertées. Et le désert par absence d’accessibilité sociale  : les médecins sont bien présents, mais, de par leur pratique de dépassement, ils excluent un certain nombre de patients, dont les bénéficiaires de la CMU et de l’AME, mais aussi tous ceux confrontés à des difficultés pour pouvoir payer la consultation.

Comment se créent ces déserts  ?

Éric May. Il y a plusieurs facteurs, liés à la fois à un problème de démographie médicale et de répartition des médecins. Déjà, 
le numerus clausus a entraîné 
une diminution globale du nombre de médecins formés. Aujourd’hui, il y a des spécialités qui tendent à disparaître, comme la gynécologie médicale. On est également confronté à une crise des vocations, particulièrement aiguë en médecine générale où le cadre libéral, qui nécessite d’être à la fois médecin et entrepreneur, n’apparaît pas toujours favorable. Beaucoup de médecins s’orientent vers d’autres pratiques, comme par exemple les médecines homéopathiques, ce qui se voit beaucoup en région parisienne, et vers la médecine salariée de prévention. Ces phénomènes conjugués ont siphonné les besoins en médecine traditionnelle de premiers soins. Enfin, les médecins d’aujourd’hui recherchent une certaine qualité de vie. Ils ne sacrifient pas toute leur vie à la médecine et veulent aussi s’épanouir en dehors du travail.

Quelles sont les zones touchées  ?

Éric May. Le nord de la France est sinistré avec une des plus basses densités médicales du territoire. A contrario, en région parisienne ou en Paca, comme dans les grandes villes, il y a une surdensité. En fait, les médecins ont tendance à s’installer autour des autres structures de santé qui permettent un exercice de la médecine en collaboration. Ils prennent également en compte, de plus en plus, le cadre de vie qui permet l’épanouissement personnel. Entre une zone désertifiée, où il n’y a plus de services publics, plus d’école ou de l’insécurité, et un centre-ville où l’on dispose de tout, le choix est vite fait…

Quelles solutions préconisez-vous  ?

Éric May. Il faut, d’abord, régler le problème démographique en formant massivement des professionnels de santé. Il y a ensuite le problème de la répartition sur le territoire. Sans être pour des mesures coercitives, il va bien falloir trouver une solution négociée qui tende à aider les médecins à s’installer dans ces zones désertées, ces quartiers difficiles où les gens connaissent la triple peine de la misère sociale, de l’insécurité et de l’absence d’offre de soins. Et c’est là qu’apparaît toute la pertinence des centres de santé.

Quels sont leurs atouts  ?

Éric May. Ces structures collectives à but non lucratif permettent, dans un même lieu, de centraliser une offre de soins complète (généralistes, infirmiers, kinés, radiologues, orthodontistes, etc.) et de garantir l’accès à tous par la pratique du tiers payant et le respect des tarifs opposables. Cela permet de sécuriser à la fois le patient, dans son parcours de santé, et le médecin qui peut avoir des inquiétudes à aller s’installer tout seul. Les médecins y sont salariés, ce qui fait qu’il n’y a plus de rapport mercantile avec le patient. Leur existence est une réponse à la désertification. En Seine-Saint-Denis, plus de la moitié des enfants consultent, en orthodontie, dans un centre de santé. Mais ces structures restent fragiles.

Pourquoi  ?

Éric May. Il faut savoir que les missions sociales des centres, la pratique du tiers payant et la promotion de la santé publique, ne sont financées ni par l’État ni par la Sécu. Cela entraîne des déficits structurels que le mode de financement classique, paiement à l’acte, ne suffit pas à compenser. En clair, on a des structures créées par la loi, pertinentes, avec des missions précises, mais sans financement adéquat  ! Les centres se débrouillent aujourd’hui en trouvant des subventions d’équilibre. Mais c’est de plus en plus dur. Dans les Bouches-du-Rhône, onze d’entre eux sont menacés de fermeture. C’est pourquoi nous réclamons un financement de la pratique du tiers payant qui représente environ 15 % des frais de structure. Cette mesure permettrait à la plupart des centres de santé de survivre et à d’autres d’émerger.

Entretien réalisé par Laurent Mouloud


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