Gouvernement Ayrault : L’heure de vérité se rapproche (par Christian Picquet)

mercredi 3 octobre 2018.
 

Ainsi vient-on d’entrer dans le dur de l’exercice du pouvoir par le gouvernement issu de la victoire de la gauche… Du Conseil européen des 28 et 29 juin aux déclarations de politique générale de Jean-Marc Ayrault devant l’Assemblée nationale et le Sénat, de la déflagration provoquée par l’audit de la Cour des comptes sur les finances publiques à la « grande conférence sociale » des 9 et 10 juillet, sans parler du choc provoqué par l’annonce des milliers de suppressions d’emplois décidées par le groupe PSA, l’heure de vérité s’est grandement rapprochée.

Reconnaissons-le d’emblée, le propos du Premier ministre devant la représentation nationale, à l’ouverture de la mandature, comprenait quelques points forts adressés à l’électorat populaire. Comment ne pas partager les appels à la justice fiscale, les mots prononcés contre l’austérité mise en œuvre par le régime précédent, les références appuyées au monde du travail et à ses organisations syndicales, le souci de « donner toutes ses chances à la démocratie et d’abord à la démocratie sociale », l’engagement à abroger la contre-réforme territoriale voulue par Nicolas Sarkozy en personne, la dénonciation des stigmatisations organisées en chaîne par la droite contre des secteurs entiers de la population, la volonté de faire avancer l’égalité des droits en permettant aux personnes de même sexe d’accéder au mariage ? Cela ne pouvait toutefois effacer le sentiment, perceptible jusque dans l’aire d’influence du Parti socialiste, que les premiers actes d’importance des nouveaux gouvernants s’orientaient dans une mauvaise direction.

L’augmentation dérisoire du Smic (0,6%, si l’on tient compte du rattrapage de l’inflation) venait à peine d’être digérée, que la France de gauche se voyait présentée l’addition du sommet de Bruxelles. Que François Hollande fût homme habile, chacun en conviendra. Il aura donc su présenter le résultat des pourparlers avec ses partenaires européens en dissimulant l’acquiescement donné à l’accélération de la folle logique du fédéralisme austéritaire derrière la création d’une taxe sur les transactions financières, l’annonce d’un mécanisme de surveillance des banques, et la création d’une enveloppe de 120 milliards d’euros destinée à encourager la « croissance ». À ceci près que lesdites dispositions, présentées comme autant de concessions arrachées à Madame Merkel, ne pèseront de rien en comparaison de cette dimension majeure que représente le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » initialement imaginé par le précédent locataire de l’Élysée et la chancelière allemande.

La taxe sur les mouvements de capitaux n’aura qu’une incidence limitée sur la « régulation » des marchés, dès lors qu’une dizaine de pays seulement se montrent volontaires pour l’appliquer. Le pacte pour la croissance et l’emploi, outre son ampleur un peu dérisoire au regard de la gravité de la récession (il faudrait au moins injecter 1000 milliards dans les économies du continent), n’est le produit que d’une reprogrammation de crédits déjà existants et d’un futur emprunt dont personne ne connaît les modalités. Il n’aura, au demeurant, qu’une valeur juridique des plus limitées, puisque faisant l’objet d’une simple annexe aux conclusions du sommet. Quant au projet d’union bancaire, discuté par les chefs d’État et de gouvernement, le veto de Berlin a obtenu qu’il conserve intacts le statut et les missions de la Banque centrale européenne aussi bien que des banques centrales nationales.

RESTER OU NON DANS LE CARCAN DE L’AUSTÉRITÉ, VOILÀ LA QUESTION !

Reste, par conséquent, cette pièce-maîtresse que constitue le traité destiné à contraindre la zone euro et, au-delà, l’Union européenne dans son ensemble, à la « discipline budgétaire ». Celui qui entend interdire tout déficit structurel supérieur à 0,5% du produit intérieur brut. Celui qui, comme le disent si bien les « Économistes atterrés » (dans leur dernière contribution, L’Europe maltraitée, dont je recommande à chacun la lecture, tant elle fourmille de faits et d’arguments présentés avec une pédagogie rigoureuse), engage le continent dans « une forme d’austérité perpétuelle » tout en la menaçant « d’explosion de la zone euro » par l’accélération de la logique récessive qui prévaut actuellement. Celui en vertu duquel les bonzes de la Commission européenne devront se voir soumettre les projets de budgets nationaux avant même la délibération des Parlements et pourront, s’ils l’estiment bon, les amender, tout contrevenant à leurs exigences étant passible de lourdes pénalités sous l’autorité de la Cour de justice.

Il est, à cet égard, révélateur que le fameux « pacte de croissance » reprenne cette disposition en exhortant les gouvernements à se conformer, dans les plus brefs délais, aux règlements « two pack » qui la codifie. Et, plus encore, qu’il se vît assorti, par le Conseil européen, de recommandations fort libérales, portant en particulier sur « la viabilité des régimes de retraite », « l’ajustement structurel » des comptes publics, le renforcement des « taxes vertes et à la consommation » (autrement dit, de la fiscalité indirecte, la plus injuste qui fût puisqu’elle frappe les classes populaires avec le plus de brutalité), ou la libéralisation amplifiée des « entreprises de réseau » (termes qui recouvrent aussi bien les transports ferroviaires que l’énergie).

Qui croira, dans ces conditions, que l’Union européenne a engagé sa réorientation, comme l’a prétendu François Hollande à l’issue des travaux bruxellois ? Que l’existence d’un simple avenant sur la croissance, avec son impact volontairement limité, sera de nature à modifier qualitativement l’approche austéritaire du pacte de stabilité budgétaire ? Que le refus, proclamé avec force par le nouveau gouvernement français, d’inscrire la fameuse « règle d’or » dans la Constitution de la République desserrera en quoi que ce soit la contrainte du TSCG, dès l’instant la majorité socialo-écolo-radicale adhérerait à son article 3 qui stipule que ses règles « prennent effet dans le droit national des parties contractantes (…) au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles » ? Que lesdites « dispositions contraignantes et permanentes », qu’elles fussent incluses dans notre Loi fondamentale ou fasse l’objet d’une « loi organique » à la force juridique de toute manière supérieure à la loi ordinaire, n’obligeront pas nos gouvernants, à travers la perte de leur souveraineté, à mettre leurs pas dans ceux du pouvoir sarkozyste ? Qu’un Conseil constitutionnel profondément ancré à droite ne sera pas tenté d’exiger du président de la République qu’il convoquât le Congrès afin de procéder à une révision constitutionnelle instaurant le « Merkozy » pour l’éternité ? Que, surtout, les dernières décisions communautaires conjureront la catastrophe dont l’Europe tout entière se trouve menacée ?

MOINS D’UNE SEMAINE POUR QUE TOUT S’EFFONDRE…

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