Où est le changement ? Les 100 premiers jours de François Hollande

lundi 10 septembre 2012.
 

En campagne, François Hollande a pris peu d’engagements. Il avait néanmoins promis une chose : Le changement. Il s’était même fixé une échéance : Maintenant ! On peut donc évaluer dès aujourd’hui ses premiers pas.

Hollande reprend le traité Sarkozy

Le 11ème des « 60 engagements pour la France » du candidat François Hollande était clair : « je renégocierai le Traité européen en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne ». Pourtant, dès le sommet européen des 28 et 29 juin, François Hollande s’est rallié au traité Merkel-Sarkozy. N’en déplaise à Jean-Marc Ayrault, les lignes n’ont pas bougé d’une virgule ! Le traité contient en particulier toujours la règle d’or budgétaire qui interdit les déficits publics ainsi que des mesures autoritaires pour la faire respecter. Pour habiller ce reniement, le nouveau président met en avant l’accord survenu autour d’un « pacte de croissance ». Pourtant, cet argument ne résiste pas à une analyse rapide. Le pacte en question était en grande partie déjà préparé du temps de Sarkozy. Surtout, avec à peine 120 milliards d’euros (fonds privés inclus), soit bien moins de 1% du PIB européen, il n’est absolument pas en mesure de compenser les politiques d’austérité. D’autant que celles-ci se poursuivent et seront encore aggravées par le traité que défend désormais François Hollande. En effet, le PS veut faire ratifier ce traité dès la rentrée au Parlement. Ratification d’un traité différent de celui promis pendant la campagne électorale et refus de consulter les Français par référendum : en matière européenne, François Hollande met ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy.

Les premiers pas d’Hollandréou

L’acceptation de ce traité austéritaire est cohérente avec le programme de François Hollande en matière de finances publiques. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’inscrit dans la continuité de celui de François Fillon dans ce domaine. Le point central est le retour à moins de 3% de déficit public dès 2013. Le PS reprend l’engagement de l’UMP auprès de la Commission européenne. La seule différence, mineure puisqu’elle se limite à douze mois, concerne le retour à l’équilibre budgétaire. L’UMP voulait 0% de déficit en 2016, François Hollande décale l’objectif à 2017. Pour respecter ces engagements, le gouvernement a annoncé des mesures drastiques : baisse des dépenses publiques, gel des dotations aux collectivités locales, suppression de deux postes de fonctionnaires partant à la retraite sur trois dans les ministères « non prioritaires » (c’est-à-dire hors Education, Intérieur et Justice). A titre d’exemple, il y aura davantage de suppressions de postes au ministère des Finances sous François Hollande que sous Nicolas Sarkozy !

La politique d’austérité se poursuit donc. Pourtant, fin juillet, l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques a indiqué que le respect des engagements budgétaires de François Hollande entraînerait une hausse du chômage à plus de 11% et amputerait la croissance d’au moins 1 point. François Hollande promettait que croissance et discipline budgétaire iraient « de pair ». A peine trois mois après son arrivée au pouvoir, il met en œuvre la seconde alors même que la première est en berne. C’est logique car austérité et activité sont inconciliables.

Fiscalité : peut mieux faire

Les député-e-s Front de Gauche ont voté le collectif budgétaire de juillet. Il s’agissait en effet d’effacer la TVA sociale ainsi que les principaux cadeaux fiscaux consentis par Nicolas Sarkozy (rétablissement du barème de l’Impôt sur la fortune, suppression du bouclier fiscal). Mais on notera que la « réforme fiscale » promise pour juillet n’a pas été menée en intégralité, loin s’en faut. Le plafonnement des niches fiscales et l’augmentation du barème de l’Impôt sur le revenu avec les tranches à 45% et 75% ont été repoussées. Pour mieux reculer ? Le gouvernement réfléchirait à exclure certains revenus de la taxation à 75% qui ne serait que « temporaire ».

La politique des pansements

En matière sociale, la principale mesure promise par le candidat concernait le rétablissement de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler jeunes et ayant cotisé 41,5 années. Le décret en question a été pris peu de temps après l’élection présidentielle. Mais il ne saurait faire oublier l’acceptation de la réforme Fillon pour tous les autres salariés avec le maintien du report de l’âge de départ à 62 ans. Quant à la durée de cotisation nécessaire, elle ne fait pas partie des paramètres de la « négociation globale » sur les retraites promises par le candidat socialiste dans son engagement n°18. En matière salariale, le bilan est encore plus maigre. Corrigé de l’inflation, le « coup de pouce » attribué au SMIC au 1er juillet se limite à 0,6% soit 6,45 euros par mois ! Une pichenette : à peine de quoi se payer un carambar par jour, ou un café par semaine ! Ce refus d’engager un changement dans le partage des richesses n’est pas une surprise puisque François Hollande était le premier candidat socialiste de l’histoire à refuser de s’engager sur un montant pour le SMIC pendant la campagne électorale. Surtout, la politique de François Hollande est là encore cohérente avec son analyse de la situation. Dans son discours d’ouverture de la conférence sociale des 9 et 10 juillet, il s’est rangé à l’argument du MEDEF selon lequel l’industrie française souffrirait d’un problème de coût du travail trop élevé.

Dès lors, on ne peut pas être surpris de voir le gouvernement s’exclamer mais ne pas agir devant l’hécatombe des plans sociaux. Fralib, PSA ou Sanofi : les déclarations volontaristes d’Arnaud Montebourg ne font pas oublier qu’il a été jusqu’ici un ministre du redressement bien peu productif. Et pour cause, le gouvernement n’a pas fait voter les rares mesures promises par le candidat Hollande qui aurait pu l’y aider. Il en est ainsi de la loi dite « M’Réal » qui vise à obliger une entreprise à céder un site lorsqu’un repreneur se manifeste. La proposition de loi avait été déposée pendant la campagne par le PS avec comme premiers signataires François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Mais les mêmes, arrivés entre temps au pouvoir, ne l’ont pas inscrite à l’ordre du jour pourtant peu chargé de la session extraordinaire du Parlement en juillet.

Hollande plie devant les banques

Alors que le candidat Hollande promettait d’attaquer son « véritable adversaire : la finance », les premiers mois de son gouvernement montre une intention tout autre. Ainsi, dans son « Agenda du changement », le candidat Hollande promettait une grande loi bancaire dès la session extraordinaire du Parlement en juillet afin de « remettre la finance au service de l’économie réelle ». Cette loi devait contenir la « séparation des activités de dépôt et des activités spéculatives, [la] lutte contre les produits toxiques et les paradis fiscaux ». Mais aucun projet de loi n’a été présenté en conseil des ministres et encore moins au Parlement. Et pour ne pas mécontenter les milieux financiers, le gouvernement a aussi renoncé au doublement immédiat du plafond du livret A.

En 2007, Nicolas Sarkozy avait frappé fort dès les premiers mois avec la loi TEPA (bouclier fiscal etc.), une loi sur la sécurité, le service minimum dans les transports et la loi sur l’autonomie des universités. Les 100 premiers jours donne l’impulsion et l’état d’esprit d’un nouveau pouvoir. François Hollande n’échappe pas à cette règle. Il le sait lui-même : toutes ses décisions sont cohérentes entre elles, mais aussi avec ce qu’il dit et écrit depuis longtemps, si l’on excepte les pas de côté auxquels il a été contraint devant la poussée du Front de Gauche. Sa stratégie est claire, c’est celle de la social-démocratie européenne : ne pas affronter la finance, ne pas se fâcher avec le patronat, ne pas s’opposer à l’Union européenne, vanter le compromis et en rester autant que possible aux symboles. Bien sûr, dans maints domaines le style et le fond sont moins violents qu’avec Sarkozy. Pour autant, cela ne fait pas « le changement ». Car face à cette crise on ne peut changer sans rompre.

Samedi 1 Septembre 2012 Matthias Tavel


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